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matieres là fur leur parole? Plus elles font aimables, & moins on les doit croire legere

ment..

L'

A MADAME D. V.

En lui envoiant un More & un Singe

LETTRE XXXVII

'Afrique s'épuife pour vous, Madame, elle vous envoie les deux plus vilains Animaux qu'elle ait produits; rien ne manqueroit à mon préfent, fi je vous donnois auffi un Crocodile. Voilà le plus stupide de tous les Mores & le plus malicieux de tous les Singes. Je vous affure qu'il y a une de ces Bêtes-là qui respecte fort Fautre, & qui en admire tous les traits d'efprit. Vous jugez bien que l'admirateur eft le More. Outre que tous ceux de fa Nation croient fermement que les Singes ont autant d'efprit qu'eux, mais qu'ils s'en cachent le plus qu'ils peuvent en ne parlant point, de peur qu'on ne les fît travailler; ce More-ci a conçu une eftime particuliere pour le Singe par la longue habitude qu'il a eue avec lui, & il n'a de raisonnement qu'autant qu'il en a acquis dans ce commerce. Je fuis bien aife que vous ayez toûjours en votre préfence un Efclave qui me representera. Il n'eft pas plus à vous que moi. S'il a quelquefois befoin de quelques coups de bâton, qui l'avertiffent de fon devoir, il m'arrive fouvent

auffi de ne vous pas fervir trop volontiers, & d'être tenté de me révolter. Pour le Singe, ne foiez pas surprise fi vous l'entendez foûpirer; fi vous lui voiez paffer les nuits fans dormir; s'il a des inquietudes continuelles quand il ne vous verra pas; s'il mange peu, s'il ne se divertit à rien; il ne fe peut pas qu'il n'ait appris toutes ces chofes-là à me les voir faire.

A LA ME ME.

Sur la mort du Singe,

LETTRE XXXVII.

IE Singe eft mort, Madame, j'y pers beaucoup, il n'y a plus que le More qui puiffe vous faire fouvenir de moi. Ce pauvre Animal apparemment a pris du chagrin, de ce qu'il ne pouvoit pas m'imiter affez bien auprès de vous; il n'y avoit rien qu'il n'eut pû contrefaire plus aifément que ma tendreffe. Ainfi puiffent créver tous ces Rivaux que vous m'avez. faits, & qui veulent être les Singes de mon amour. Peut-être auffi parce qu'il imitoit ma paffion, il s'eft attiré vos rigueurs, & en eft. mort de defespoir. En ce cas-là, c'eft à moi. à l'imiter à mon tour, à mourir après lui. On dit que vous le pleurez; il est un peu tard de vous repentir des mauvais traitemens que vous lui avez faits, mais prenez vos mesures là deffus, je vous prie, & ne m'obligez point à mourir,

£ vous avez à me regretter après ma mort. Il y a apparence que fi vous pleurez celui qui ne faifoit que m'imiter, vous me pleureriez bien davantage. Je fuis un original de tendreffe, que vous auriez peine à recouvrer; il ne s'en retrouveroit que de mauvaises copies. Ne def efperez point le More, parce qu'il me réprefente, il feroit fâcheux qu'il eût encore par cette raison la destinée du Singe. Ne fauriez-vous laiffer en paix tout ce qui a le malheur d'avoir du rapport avec ma fidelité & mon attachement pour vous? Je verfe pour la mort du Singe des larmes bien mieux fondées que les vôtres. Son avanture m'apprend ce que je dois efperer: Adieu, Madame, fongez s'il vous plaît, que vous ne fauriez reffufciter le Singe, mais que vous pouvez me conferver..

A MONSIEUR...

En lui envoiant du Quinquina.

LETTRE XXXIX.

E vous envoie le Remede Anglois; il n'y a point de Fiévre à prefent qui ofe tenir contre lui, & s'il ne vous guérit pas, apprenez que vous ne ferez guére à la mode. Je ne fache point d'ho nête Homme qui, s'il avoit pris du Quinquina fans effet, eût la hardieffe de le dire. Cependant comme votre Fiévre, à ce que j'ai appris depuis peu, eft d'une nature particuliere, je ne fai

s'il la chaffera. On dit qu'elle vient du chagrin que vous avez de ce que Mad... vous a fait une trahison. Etes-vous foû? Où avez-vous trouvé qu'il faille tomber malade, parce qu'on eft abandonné d'une Femme? cela eft-il de ce fiecle-ci? Vous deviez naître trois ou quatre mille ans plutôt que vous n'avez fait, avec les talens de fidelité & de conftance que vous poffedez. Je vous jure que fi le Quinquina ne fervoit qu'à guerir les Fiévres qui font caufées par des chagrins d'amour, le Medecin Anglois qui gagne ici tout ce qu'il veut, ne s'enrichiroit pas tant. Mais enfin puis que vous voulez être un malade extraordinaire, il faut vous traiter fur ce pied-là. J'ai à vous avertir d'une préparation que vous devez apporter avant que de prendre votre Remede. Il ne vous fervira de rien s'il n'eft précedé de quelques reflexions mûres & folides fur le caractere de la plûpart des Femmes, & même fur le caractere de l'amour. Vous demandez de la fidelité à votre Maîtreffe; vous feriez peut-être bien fondé fi elle n'avoit jamais aimé que vous, & fi vous n'aviez jamais aimé qu'elle; mais elle a eu déja des paffions qui ont fini, & malgré une experience fi convainquante, vous vous imaginez. que la paffion que vous lui infpirez, ne finira point. Et quel privilege avez-vous, s'il vous plaît, par deffus les autres? D'ailleurs, fi vous avez déja aimé, vous devez favoir qn'on aime plus d'une fois; pourquoi la Belle fera-t-elle à fon dernier attachement ? Vous n'avez qu'un fujet legitime de vous plaindre d'elle, c'eft qu'elle vous a prévenu, & qu'en matiere de commerces amoureux, il y a de l'avantage à finir le

pre

premier. Il faut lui pardonner de s'en être faifie, une autre fois vous vous en faifirez sur quelque autre. Vous en ferez plus appliqué à ne vous pas laiffer furprendre par une infidelité trop prompte. Malheur à la premiere Femme que vous aimerez. Enfin ce n'eft pas l'intention de l'amour, que les attachemens durent fi longtems, il tire des cœurs tout ce qu'il y a de plus. vif; & enfuite pour renouveller cette vivacité, il en change les objets. Il ne faut compter pour des plaifirs fort fenfibles que les commencemens des paffions, & il feroit trifte que l'on commençât une fois, pour ne finir plus. Prenez. toutes ces pensées avec votre Quinquina, & j'efpere que vous vous guérirez. Quand vous ferez un peu tiré d'affaire, nous vous ordonnerons un engagement nouveau, pour affermir entierement votre fanté.

A MADA ME...

LETTRE XL.

Monfieur de... a voulu, Madame, que je

lui donnaffe une Lettre de recommandation auprès de vous. Je ne far s'il ne préfume point trop de mon credit, mais je veux bien m'expofer pour lui à vos refus; jugez par là combien j'entre dans fes interêts. Il veut que je vous prie de l'aider un peu dans fes affaires; & moi, je vous prie feulement de n'y pas nuire, je crains qu'il n'y fonge plus guére quand

il

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