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méprifer tous les Cavaliers. Prenez garde à vous, la France n'eft point aujourd'hui fur le pied qu'on fe moque d'elle; & moi qui vous parle, j'ai tant de zele pour ma Patrie, que je n'épargnerai rien pour la vanger de vous. Je puis vous dire ce que dit Scévole à Porfenna: Si je manque mon deffein, nous sommes encore trois cens de la même conjuration. Soyez fûre qu'on ne vous laiffera point de repos. Vous avez répondu à ceux qui vous reprochoient le CavaHier Anglois, que vous l'aimiez pour la commodité de lui parler & de l'entendre; mais en verité cette raison-là n'est pas valable. Votre Anglois n'entend que ce que vous lui dites, mais un François entendroit cent chofes que vous ne lui diriez pas ; il liroit dans vos yeux ce que l'autre attend que votre bouche lui dife. D'ailleurs je vous donne ma parole qu'en moins de rien vous fauriez notre langue; elle n'eft fort difficile que pour les Perfonnes qui n'aiment point; mais dès qu'on aime un François, la langue. Françoife eft ailée. Les Etrangers l'en eftimeroient moins, s'ils favoient cela; c'eft pourquoi on ne dit pas ce fecret à tout le monde. On les fait paffer par des Grammaires, & par des Méthodes qui ne finiffent point. Mais pour vous, on vous eût fait la grace de vous abreger ce chemin. Ecoutez, il eft encore tems, apprenez un peu de François avec moi.

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A MADEMOISELLE de L. M

LETTRE XVIII.

Apprens avec bien du plaifir, Modemoiselle,

Religion. Nous regardons avec beaucoup de
pitié nos pauvres Freres errans; mais j'en avois
une route particuliere pour une aimable petite
Soeur errante comme vous. J'étois tout-à-fait
fâché de croire que votre ame au fortir de vo-
tre corps, ne dût pas trouver une auffi jolie
demeure que celle qu'elle quittoit; mais enfin
vous me délivrez de cet article de ma creance,
& de bonne foi, je me fens foulagé. Je vous
affure que le Troupeau d'où vous vous étiez
égarée, vous recevra fort agréablement, & que
vous y tiendrez bien-tôt le rang de Brebis fa-
vorite. On m'a mandé qu'après avoir abjuré
votre herefie, vous abjureriez auffi votre indi-
férence en faveur de Mr le Marquis de C...
C'est bien fait de quitter toutes vos erreurs én
même tems, & de prendre tout d'un coup
toutes les opinions faines. Après cela vous se-
rez toute renouvellée, nouvelle Catholique,
nouvelle mariée, nouvelle doctrine dans l'ef-
prit, nouveaux fentimens dans le cœur.
yez l'obligation que vous aurez à l'Eglife; dès
que vous l'aurez reconnue pour votre Mere,
elle vous fera voir par experience ce que c'eft
que le Sacrement de Mariage, que vous autres
Hérétiques vous obftinez à ne pas reconnoître
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Vo

pour

pour un Sacrement. Elle ne peut pas vous convaincre de vos erreurs d'une manière plus douce, ni en même tems plus forte. Vous avoüerez fans doute, que vous aviez grand tort de contefter au Mariage la dignité que nous lui donnons; & que quand il n'y auroit que cet article-là, il ne feroit pas pardonnable d'être Calvinifte. Je ne veux pas entrer plus avant dans ce point de controverfe, Mr le Marquis eft plus favant Théologien que moi, & il vous en inftruira mieux. Après ce qu'il vous enfeignera, vous pourrez difputer en Sorbonne. Il a fait en vous convertiffant un trait d'une grande habileté; il a accommodé les interêts de la Religion & les fiens; il s'affure mille plaifirs avec vous, & il faudra encore qu'en l'autre monde on lui tienne compte de ces plaisirs-là. On le récompenfera d'avoir paflé fa vie avec une très jolie Perfonne. J'attens avec impatience, Mademoiselle, les deux cérémonies, après quoi vous ferez à nous & à Mr le Marquis. Je le nomme le dernier: car ne lui en déplaife, vous appartiendrez à tous les Catholiques avant que de lui appartenir. Il est vrai que le dernier à qui vous appartiendrez, sera celui à qui vous appartiendrez le mieux. Nous autres, nous ne vous regardons que du côté de votre ame; mais lui, il n'eft pas perfuadé qu'une Perfonne confifte en une ame toute feule, & il croiroit ne vous aimer qu'à demi, s'il ne vous aimoit que par là. Je ne tiens pas fon opinion mauvaise; & s'il étoit permis, bien d'autres vous aimeroient d'une maniere auffi parfaite que lui.

A MA

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Ous êtes bien rigoureufe, Madame, de ne vouloir point confentir au deffein de Mr de S... pour Mademoiselle votre Fille. Vous dites que vous n'approuvez point un Mariage entre deux perfonnes qui font iffues de Germain; mais croyez-vous que ce foit-là un obstacle pour la tendreffe? Quoi! voulez-vous que Mr de S... trouve Mademoiselle de P... · moins aimable, parce qu'il eft Fils du Coufin Germain du. Pere de Mademoiselle de P...? Ce raisonnement-là vous paroît bien fort, mais la beauté n'eft-elle pas encore plus forte? A-t-on toûjours fa genealogie devant les yeux & lors qu'on voit une Perfonne touchante, s'avife-t-on de penfer qu'on a un Bifayeul commun avec elle; en verité le fouvenir du Bifayeul est bien loin, quand l'arriere-petite-fille eft présente avec tous fes agrémens. Que reprochez-vous à Mr de S...? Il eft trop bon Parent, au lieu d'amitié il a de l'amour; il s'eft mépris; voilà un grand malheur. Si c'eft la devotion qui vous tient, fongez que tous les Gens de l'ancien Teftament n'étoient amoureux que dans leur Tribu; & que mille fix cens foixante & quinze ans plûtôt, Mr de S... eût été obligé en confcience d'aimer Mademoiselle votre Fille. Il est vrai que les chofes ont changé, mais auffi on vous prie feulement de trouver bon

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que

que l'on demande le confentemnt de Rome fur cette affaire. Vous favez qu'on y permet les Mariages entre des Parens quand leurs biens font tellement embrouillez les uns avec les autres, qu'ils ne fe pourroient féparer fans de grands Procès. Veritabiement Mr de S... & Mademoiselle de P... n'auront pas cette raison à alleguer; mais ce qui vaut bien autant, ils diront que les affaires de leurs cœurs font tellement embrouillées les unes avec les autres, qu'il n'y a pas moyen de les féparer. Si Mademoiselle votre Fille étoit une Héritiere en laquelle le nom finît & qu'elle eût tout le bien de la Maifon de S... vous auriez regret que ce bien-là fortît de la Famille, & vous tâcheriez à obtenir une dispense pour la faire époufer à un Parent d'une autre branche. Mais préfentement elle a de la beauté & des agrémens, qui font plus rares que le bien, & qui fortiroient de la Famille pour n'y rentrer peut-être jamais. Pour moi, qui ai l'honneur de vous appartenir, quoi que ce ne foit que par femmes, je ne laifle pas de m'intereffer extrémement à la beauté de la Maifon de P... N'allez point, je vous prie, embellir une Famille Etrangere, en donnant Mademoiselle de P... à un autre qu'à Mr de S... ni peut-être enlaidir votre Famille, en obligeant Mr de S... à faire un autre choix. Voyez combien toute la Maison de L... eft laide: il lui faut plus d'un Siecle pour en revenir. Profitons de cet exemple, puis que nous tenons de la beauté chez nous, prenons foin de l'y conferver.

A MON

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