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PQ 2070 1832

Vi46

DICTIONNAIRE

PHILOSOPHIQUE.

BLÉ OU BLED.

SECTION PREMIÈRE.

Origine du mot et de la chose.

Il faut être pyrrhonien outré pour douter que pain vienne de panis. Mais pour faire du pain il faut du blé. Les Gaulois avaient du blé du temps de César où avaient-ils pris ce mot de blé? On prétend que c'est de bladum, mot employé dans la latinité barbare du moyen âge par le chancelier Desvignes, de Vincis, à qui l'empereur Frédéric II fit, dit-on, crever les yeux.

Mais les mots latins de ces siècles barbares n'étaient que d'anciens mots celtes ou tudesques latinisés. Bladum venait donc de notre blead, et non pas notre blead de bladum. Les Italiens disaient biada, et les pays où l'ancienne langue romance s'est conservée disent encore blia.

Cette science n'est pas infiniment utile, mais on serait curieux de savoir où les Gaulois et les Teutons avaient trouvé du blé pour le semer. On vous répond que les Tyriens en avaient apporté en Espagne, les Espagnols en Gaule, et les Gaulois en

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Germanie. Et où les Tyriens avaient-ils pris ce blé? Chez les Grecs probablement, dont ils l'avaient reçu en échange de leur alphabet.

Qui avait fait ce présent aux Grecs? C'était autrefois Cérès sans doute; et quand on a remonté à Cérès, on ne peut guère aller plus haut. Il faut que Cérès soit descendue exprès du ciel pour nous donner du froment, du seigle, de l'orge, etc.

Mais comme le crédit de Cérès qui donna le blé aux Grecs, et celui d'Isheth ou Isis, qui en gratifia l'Égypte, est fort déchu aujourd'hui, nous restons dans l'incertitude sur l'origine du blé.

Sanchoniathon assure que Dagon ou Dagan, l'un des petits-fils de Thaut, avait en Phénicie l'intendance du blé. Or son Thaut est à peu près du temps de notre Jared. Il résulte de là que le blé est fort ancien, et qu'il est de la même antiquité que l'herbe. Peut-être que ce Dagon fut le premier qui fit du pain, mais cela n'est pas dé

montré.

Chose étrange! nous savons positivement que nous avons l'obligation du vin à Noé, et nous ne savons pas à qui nous devons le pain. Et, chose encore plus étrange! nous sommes si ingrats envers Noé, que nous avons plus de deux mille chansons en l'honneur de Bacchus, et qu'à peine en chantons-nous une seule en l'honneur de Noé notre bienfaiteur.

Un Juif m'a assuré que le blé venait de lui-même en Mésopotamie, comme les pommes, les poires sauvages, les châtaignes, les nèfles dans l'Occident. Je le veux croire jusqu'à ce que je sois sûr du contraire; car enfin il faut bien que le blé croisse quelque part. Il est devenu la nourriture ordinaire et indispensable dans les plus beaux climats, et dans tout le Nord.

De grands philosophes dont nous estimons les talens, et dont nous ne suivons point les systèmes', ont prétendu, dans l'Histoire naturelle du chien, pag. 195, que les hommes ont fait le blé; que nos pères, à force de semer de l'ivraie et du gramen, les ont changés en froment. Comme ces philosophes ne sont pas de notre avis sur les coquilles, ils nous permettront de n'être pas du leur sur le blé. Nous ne pensons pas qu'avec du jasmin on ait jamais fait venir des tulipes. Nous trouvons que le germe du blé est tout différent de celui de l'ivraie, et nous ne croyons à aucune transmutation. Quand on nous en montrera, nous nous rétracterons.

Nous avons vu, à l'article ARBRE A PAIN, qu'on ne mange point de pain dans les trois quarts de la terre. On prétend que les Éthiopiens se moquaient des Égyptiens, qui vivaient de pain. Mais enfin,

2

› Buffon. — 2 Voyez dans le second volume de physique, Des sin-◄ gularités de la nature, chap. xv.

T.

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