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I I.

SCENE

LUCINDE, SGANARELLE.

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SGANARELLE.

H! Voilà ma fille qui prend l'air. Elle ne me voit pas. Elle foupire. Elle leve les yeux au ciel. (à Lucinde. )

Dieu vous gard. Bon jour, ma mie. Hé bien, qu'estce? Comme vous en va? Hé quoi! Toujours trifte & mélancolique comme cela, & tu ne veux pas me dire ce que tu as? Allons donc, découvre-moi ton petit cœur. Là, ma pauvre mie, di, di; di tes petites penfées à ton petit papa mignon. Courage. Veux-tu que ( à part.)

je te baife? Vien. J'enrage de la voir de cette hu(à Lucinde.)

meur-là. Mais, di-moi, me veux-tu faire mourir de déplaifir, & ne puis-je favoir d'où vient cette grande langueur ? Découvré-m'en la caufe, & je te promets que je ferai toutes chofes pour toi. Oui, tu n'as qu'à me dire le fujet de ta tristelle; je t'aflure ici, & te fais ferment qu'il n'y a rien que je ne faffe pour te fatisfaire; c'eft tout dire. Eft-ce que tu es jaloufe de quelqu'une de tes compagnes que tu voyes plus brave que toi, & feroit-il quelque étoffe nouvelle dont tu vouluffes avoir un habit? Non. Eft-ce que ta chambre ne te femble pas affez parée, & que tu fouhaiterois quelque cabinet de la foire faint Laurent ? Ce n'eft pas cela. Aurois-tu envie d'apprendre quelque chofe, & veuxtu que je te donne un maître pour te montrer à jouer du claveffin? Nenni. Aimerois-tu quelqu'un, & fouhaiterois-tu d'être mariée? (Lucinde fait figne qu'oui.)

SCENE I I.

SGANARELLE, LUCINDE,

H

lie?

LISETT E.

LISETTE.

E' bien, Monfieur, vous venez d'entretenir votre fille. Avez-vous fù la caufe de fa mélanco

SGANARELLE.

Non. C'est une coquine qui me

fait

enrager.

LISETTE.

Monfieur, laissez-moi faire, je m'en vais la fonder

un peu.

SGANARELLE.

Il n'eft pas néceffaire ; &, puifqu'elle veut être de cette humeur, je fuis d'avis qu'on l'y laiffe.

LISETTE.

Laiffez-moi faire, vous dis-je. Peut-être qu'elle fe découvrira plus librement à moi qu'à vous. Quoi, Madame, vous ne nous direz point ce que vous avez, & vous voulez affliger ainfi tout le monde ? Il me femble qu'on n'agit point comme vous faites; & que fi vous avez quelque répugnance à vous expliquer à un pere, vous n'en devez avoir aucune à me découvrir votre cœur. Dites-moi, fouhaitez-vous quelque chose de lui? Il nous a dit plus d'une fois qu'il n'épargneroit rien pour vous contenter. Eft-ce qu'il ne vous donne pas toute la liberté que vous fouhaiteriez, & les promenades & les cadeaux ne tenteroientils point votre ame? Hé? Avez-vous reçû quelque déplaifir de quelqu'un ? Hé ? N'auriez-vous point quelque fecrette inclination, avec qui vous fouhai

teriez que votre pere vous mariât? Ah! Je vous en tens. Voilà l'affaire. Que diable! Pourquoi tant de façons? Monfieur, le myftére eft découvert; &... SGANARELLE.

Va, fille ingrate, je ne te veux plus parler, & je te laiffe dans ton obftination.

LUCINDE.

Mon pere, puifque vous voulez que je vous dise la

chofe...

SGANARELLE.

Oui, je perds toute l'amitié que j'avois pour toi.

LISETT E.

Monfieur, fa trifteffe...

SGANARELLE.

C'est une coquine qui me veut faire mourir.
LUCINDE.

Mon pere, je veux bien. . .

SGANARELLE.

Ce n'eft pas là la récompenfe de t'avoir élevée comme j'ai fait.

LISETTE.

SGANARELLE.

Mais, Monfieur...

Non, je fuis, contr'elle dans une colére épouvanta

ble.

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SGANARELLE.

Une ingrate.

LISETTE.

Mais...

SGANARELLE.

Une coquine, qui ne me veut pas dire ce qu'elle a LISETTE.

C'est un mari qu'elle veut.

SGANARELLE faifant femblant de ne pas ema

tendre.

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O

SCENE IV.

LUCINDE, LISETTE.

LISETTE.

N dit bien vrai, qu'il n'y a point de pires fourds, que ceux qui ne veulent pas entendre. LUCINDE.

Hé bien, Lifette, j'avois tort de cacher mon déplaifir, & je n'avois qu'à parler, pour avoir tout ce que je fouhaitois de mon pere. Tu le vois.

LISETTE.

Par ma foi, voilà un vilain homme; & je vous avoue que j'aurois un plaifir extrême à lui jouer quelque tour. Mais d'où vient donc, Madame, que jufqu'ici vous m'avez caché votre mal?

LUCIND E.

Hélas! De quoi m'auroit fervi de te le découvrir pluftôt, & n'aurois-je pas autant gagné à le tenir caché toute ma vie? Crois-tu que je n'aye pas bien prévû tout ce que tu vois maintenant, que je ne fûffe pas à fond tous les fentimeus de mon pere, & que le refus qu'il a fait porter à celui qui m'a demandée par un ami, n'ait pas étouffé dans mon ame toute forte d'espoir.

LISETT E.

Quoi ! C'eft cet inconnu qui vous a fait demander, pour qui vous.

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LUCINDE.

Peut-être n'eft-il pas honnête à une fille de s'expliquer fi librement; mais enfin, je t'avoue que, s'il m'étoit permis de vouloir quelque chofe, ce feroit

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