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Pompadour. Montrez-lui les deux Lettres au public (*). Je connais fon goût; elle en fera enchantée comme 1753. vous. Il n'y a qu'une voix fur ces ouvrages. Il en paraît aujourd'hui une troifième, je vous l'enverrai par la première pofte.

Adieu, Monfeigneur; vous connaissez mes tendres et refpectueux fentimens. Adieu, généreux Alcibiade. Vous lifez dans mon cœur; il est à vous.

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A M. LE MARQUIS D'ARGENS.

FRERE, je prends congé de vous ; je m'en sépare

avec regret. Votre frère vous conjure, en partant, de repouffer les affauts du démon qui voudrait faire, pendant mon absence, ce qu'il n'a pu faire quand nous avons vécu ensemble: il n'a pu femer la zizanie. J'espère qu'avec la grâce du Seigneur, frère Gaillard ne la laiffera pas approcher de fon champ. Je me recommande à vos prières et aux fiennes. Elevez vos cœurs à DIEU, mes chers frères, et fermez vos oreilles aux difcours des hommes; vivez recueillis, et aimez toujours votre frère.

(*) Cette lettre a été envoyée par la pofte, et le roi de Pruffe, tout philofophe qu'il était, avait la petiteffe de conferver dans fes Etats l'usage

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1753.

LETTRE X.

A M. ROQUE S,

CONSEILLER ECCLESIASTIQUE DU LANDGRAVE DE
HESSE HOmbourg.

Leipfick, avril.

JE fuis tombé malade à Leipfick, Monfieur, et je

ne fais pas encore quand je pourrai en partir. J'y ai reçu votre lettre du 22 mars. Elle m'étonnerait, fi à mon âge quelque chofe pouvait m'étonner.

Comment a-t-on pu imaginer, Monfieur, que j'aye pris des lettres de la Beaumelle pour des lettres de Maupertuis? Non, Monfieur, chacun a fes lettres. Maupertuis a celles où il veut qu'on aille difféquer des géans aux antipodes, et la Beaumelle a les fiennes qui font l'antipode du bon fens. Dieu me garde d'attribuer jamais à un autre qu'à lui ces belles chofes qui ne peuvent être que de lui, et qui lui font tant d'honneur et tant d'amis. On vous aurait accufé jufte, fi on vous avait dit que je m'étais plaint du procédé de Maupertuis, qui alla trouver la Beaumelle à Berlin, pour l'envenimer contre moi, et qui fe fervit de lui, comme un homme profondément artificieux et méchant peut fe fervir d'un jeune homme imprudent.

Il me calomnia, vous le favez; il lui dit que j'avais accufé l'auteur du Qu'en dira-t-on auprès du roi, dans un fouper. Je vous ai déclaré que ce n'était

pas moi qui avais rendu compte à fa Majesté du Qu'en dira-t-on; que ce fut monfieur le marquis d'Argens. J'en attefte encore le témoignage de d'Argens et du roi lui-même. C'eft cette calomnie d'après Maupertuis, qui a fait compofer les trois volumes d'injures de la Beaumelle. Il devrait fentir à quel point 'on a méchamment abufé de fa crédulité; il devrait fentir qu'il eft le Raton dont Bertrand s'est servi pour tirer les marrons du feu ; il devrait s'apercevoir que Maupertuis, le perfécuteur de Koenig et le mien, s'eft moqué de lui; il devrait favoir que Maupertuis, pour récompenfe, le traite avec le dernier mépris; il devrait ne point menacer un homme à qui il a fait tant d'outrages avec tant d'injustice.

Non, Monfieur, il ne s'eft jamais agi des quatre lettres de la Beaumelle, que jamais je n'ai entendu attribuer à Maupertuis; il s'agit de la lettre que la Beaumelle vous écrivit il y a fix mois, lettre dont vous m'avez envoyé le contenu dans une des vôtres, lettre par laquelle la Beaumelle avouait que Maupertuis l'avait excité contre moi par une calomnie. J'ai fait connaître cette calomnie au roi de Pruffe, et cela me fuffit. Ma deftinée n'a rien de commun avec toutes ces tracafferies, ni avec le Siècle de Louis XIV; je fais fupporter les malheurs et les injures. Je pourrai faire un fupplément au Siècle de Louis XIV, dans lequel j'éclaircirai des faits dont la Beaumelle a parlé, fans en avoir la moindre connaiffance. Je pourrai, comme M. Koenig, en appeler au public. J'en appelle déjà à vous-même. S'il vous refte quelque amitié pour la Beaumelle, cette amitié même doit lui faire fentir tous fes torts. Il doit être honteux d'avoir été

1753.

1753.

l'inftrument de la méchanceté de Maupertuis, inftrument dont on fe fert un moment, et qu'on jette enfuite avec dédain.

Voilà, Monfieur, tout ce que le trifte état où je fuis de toutes façons, me permet à préfent de vous répondre. Je vous embraffe fans cérémonie.

LETTRE X I.

A M. LE MARQUIS D'ARGENS.

26 de mai.

MON CHER REVEREND DIABLE ET BON DIABLE,

J'ai reçu

AI reçu avec une fyndérèfe cordiale votre correction fraternelle. J'ai un peu lieu d'être lapfus, et les damnés rigoriftes pourraient bien me refufer place dans nos enfers; mais je compte fur votre indulgence. Vous comprendrez que c'en ferait un peu trop d'être brûlé dans ce monde-ci et dans l'autre. Je me flatte que votre clémence diminuera un peu les peines que vous m'impofez.

J'ai frémi au titre des livres que vous dites brûlés; mais fachez qu'il y a encore dans la province une édition des lettres d'Ifaac Onitz, et que ce fera mon refuge. Je bois d'ailleurs des eaux du Léthé, et je vais inceffsamment boire celles de Plombières. Mon médecin m'avait confeillé de me faire enduire de poix refine (*), felon la nouvelle méthode; mais il a fait réflexion que le feu y prendrait trop aifément,

(*) Allufion aux lettres de Maupertuis. Voyez la Diatribe d'Akakio, volume de Faceties.

et que nous devons, vous et moi, nous défier des matières combuftibles. Je crois, mon cher frère, que vous avez été bien fourré cet hiver; il a été diabolique, comme difent les gens du monde. Pour moi j'ai fait un feu d'enfer, et je me fuis toujours tenu auprès fans fortir de mon caveau.

Encore une fois, pardonnez-moi mon péché; fongez que je fuis un jufte à qui la grâce de notre révérend père prieur a manqué. Je me vois immolé aux géans de la terre australe, à une ville latine, au grand fecret de connaître la nature de l'ame avee une dofe d'opium. Que fa fainte volonté foit faite fur la terre comme en enfer! Je vous souhaite, mon cher frère, toutes les profpérités de ce monde-ci et de l'autre. Surtout n'oubliez pas de vous affubler d'un bonnet à oreilles au mois de juin, d'une triple camifole et d'un manteau. Jouez de la basse de viole, et fi vous avez quelques ordres à donner à votre frère, envoyez-les à la même adreffe.

A

propos, je me meurs pofitivement. Bonsoir, je vous embraffe de tout mon cœur.

LETTRE

XII.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL, à Paris.

QUAN

A Francfort fur le Mein, au lion d'or, 4 de juin.

UAND vous faurez, mon cher ange, toutes les perfécutions cruelles que Maupertuis m'a attirées, vous ne ferez pas furpris que j'aye été fi longtemps fans vous écrire; quand vous faurez que

1753.

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