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DE

MONTESQUIEU

AVEC

ÉLOGES, ANALYSES, COMMENTAIRES,

REMARQUES, NOTES, RÉFUTATIONS, IMITATIONS;

PAR

MM. DESTUTT DE TRACY, VILLEMAIN, WALCKENAER, MEMBRES DE L'INSTITUT;

D'ALEMBERT, HELVÉTIUS, VOLTAIRE, DUPIN, ÉCHASSERIAU, LENGLET,

LE CARDINAL DE BOISGELIN, CONDORCET, MARMONTEL,
CARTAUD DE LA VILLATTE, GROSLEY, FILANGIERI, BECCARIA,
LE COMTE DE SAINT-ROMAN, MADAME GEOFFRIN,
LÉONARD, COLARDEAU, SUARD.

GRANDEUR DES ROMAINS.

A PARIS,

CHEZ DALIBON, LIBRAIRE

DE S. A. R. MONSEIGNEUR LE DUC de Nemours,
RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS, No 41.

M. DCCC. XXVI.

1

AVANT-PROPOS.

VOLTAIRE, Rousseau, Montesquieu et Buffon, sont les quatre colonnes sur lesquelles repose la gloire littéraire du dix-huitième siècle : à eux quatre ils la composent presque toute entière. Les autres renommées contemporaines, quelque brillantes qu'elles soient, viennent se grouper autour d'eux, comme si elles ne pouvoient briller. de l'éclat qu'elles leur empruntent. C'est à leur génie que le dix-huitième siècle doit le rang élevé qu'il tient dans l'histoire des progrès de l'esprit humain; la raison et la philosophie n'ont point eu de plus éloquens interprètes; c'est dans leurs immortels écrits que l'homme est venu puiser le sentiment de ses droits et la limite de ses devoirs.

que

En rappelant l'homme à sa dignité primitive, ils lui ont assigné la place qu'il est fait pour tenir dans la société. Le besoin de se nourrir de la lecture de leurs ouvrages atteste le progrès des esprits; ils parlent une langue qui est entendue de tout le monde; les principes qu'ils ont développés avec tant de force et d'évidence sont devenus les principes de tous les bons esprits.

Montesquieu n'est plus un écrivain qu'il n'étoit donné qu'à certaines personnes de pouvoir lire avec fruit aujourd'hui tout le monde a besoin de le lire

et peut le comprendre; on peut bien dire que c'est lui qui a créé ses lecteurs ; d'abord il est descendu jusqu'à nous, aujourd'hui nous nous sommes élevés jusqu'à lui; il a fait notre éducation politique.

L'Esprit des Lois est avant tout la lecture du citoyen, de quelque pays qu'il soit ; c'est le code de la religion politique de l'homme en état de société ; il y trouve tout à la fois ses droits et ses devoirs : les uns découlent des autres, ils ne peuvent exister séparément. Montesquieu a depuis long-temps acquis en Europe l'autorité de ces antiques législateurs qui ont fondé des empires; il est invoqué par les publicistes de tous les pays. Combien de fois son nom n'a-t-il pas retenti dans nos assemblées politiques? Que de fois son opinion a rapproché des sentimens qui se montroient diamétralement opposés : les Anglais euxmêmes l'ont plus d'une fois appelé en témoignage au sein de leur parlement. C'est en le commentant que Filangieri, que Beccaria se sont créé en Italie une gloire qui, pour n'être qu'un rayon de celle de Montesquieu, n'en est pas moins éclatante: il cite à son tribunal toutes les législations écrites, les interroge chacune à son tour, fait la part de leurs ressemblances et de leurs différences, remonte à la source de leurs erreurs communes, les suit dans leur marche ténébreuse, au travers des siècles, des révolutions et des peuples; il les voit se grossir de l'orage des passions, faire le malheur des hommes qu'elles doivent proté

ger, donner à l'édifice social les formes les plus irrégulières, et quelquefois le renverser.

De ces décombres jaillit l'anarchie et le despotisme qui règnent où la loi a cessé de régner. Montesquieu signalant tant d'abus, a posé d'une main ferme la pierre indestructible sur laquelle repose la société ; il en a composé l'édifice des debris rassemblés chez tous les peuples; tout en est positif, et le temple des lois est l'œuvre de son génie.

Jamais un livre de philosophie, avant l'Esprit des Lois, n'avoit été fondé sur tant de faits des peuples sauvages, barbarcs, civilisés, anciens, modernes : l'univers et le genre humain, avec tous leurs âges, comparoissent dans toutes les lignes pour lui servir de témoignage. Ce que Bacon avoit fait avec tant de succès pour les sciences naturelles, est précisément ce que Montesquieu a fait pour les sciences politiques; il les a rendues expérimentales; et cependant, de même qu'on l'accuse à la fois d'être athée et d'être déiste, on lui reproche à la fois de fonder ses principes sur les faits, et de plier les faits à ses principes, et on ne remarque pas ce qu'il est si facile de remarquer, que les faits, soit lorsqu'ils font le malheur des peuples, soit lorsqu'ils ont fait leur bonheur, servent également à quelque progrès de l'art social, les premiers en signalant leurs erreurs, les seconds en démêlant toute leur sagesse. Et dans cet Esprit des Lois, dont les vérités sont d'un ordre auguste, mais

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