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frances de ses martyrs, sont le temps de sa gloire; et que, lorsqu'aux yeux du monde elle paroît triompher, c'est le temps ordinaire de son abais

sement.

Pour expliquer cet événement fameux de la conquête de tant de pays par les Arabes, il ne faut pas avoir recours au seul enthousiasme. Les Sarrasins étoient, depuis long-temps, distingués parmi les auxiliaires des Romains et des Perses, les Osroéniens et eux étoient les meilleurs hommes de trait qu'il y eût au monde; Sévère, Alexandre et Maximin en avoient engagé à leur service autant qu'ils avoient pu, et s'en étoient servis avec un grand succès contre les Germains, qu'ils désoloient de loin sous Valens, les Goths ne pouvoient leur résister; enfin ils étoient dans ces temps-là la meilleure cavalerie du monde.

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Nous avons dit que, chez les Romains, les légions d'Europe valoient mieux que celles d'Asie : c'étoit tout le contraire pour la cavalerie: je parle de celle des Parthes, des Osroéniens et des Sarrasins; et c'est ce qui arrêta les conquêtes des Romains, parce que, depuis Antiochus, un nouveau peuple tartare, dont la cavalerie étoit la meilleure du monde, s'empara de la haute Asie.

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Cette cavalerie étoit pesante 2, et celle d'Europe

Zosime, liv. IV.

Voyez ce que dit Zosime, liv. I, sur la cavalerie d'Aurélien et

étoit légère : c'est aujourd'hui tout le contraire. La Hollande et la Frise n'étoient point pour ainsi dire encore faites '; et l'Allemagne étoit pleine de bois, de lacs et de marais où la cavalerie servoit peu.

Depuis qu'on a donné un cours aux grands fleuves, ces marais se sont dissipés, et l'Allemagne a changé de face. Les ouvrages de Valentinien sur le Necker et ceux des Romains sur le Rhin2 ont fait bien des changemens 3; et le commerce s'étant établi, des pays qui ne produisoient point de chevaux en ont donné, et on en a fait usage 4.

Constantin, fils d'Héraclius, ayant été empoisonné, et son fils Constant, tué en Sicile, Constantin-le-Barbu, son fils aîné, lui succéda. Les grands des provinces d'Orient s'étant assemblés, ils voulurent couronner ses deux autres frères, soutenant que, comme il faut croire en la Trinité, aussi étoit-il raisonnable d'avoir trois empereurs.

celle de Palmyre. Voyez aussi Ammien Marcellin, sur la cavalerie des Perses:

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C'étoient, pour la plupart, des terres submergées que l'art a rendues propres à être la demeure des hommes.

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Voyez Ammien Marcellin, liv. XXVII.

3 Le climat n'y est plus aussi froid que le disoient les anciens. 4 César dit que les chevaux des Germains étoient vilains et petits. Guerre des Gaules, liv, IV, page 64. Et Tacite, des Mœurs des Germains, dit: Germania pecorum fecunda, sed pleraque improcera. § 5.

5 Zonaras, Vie de Constantin-le-Barbu.

L'histoire grecque est pleine de traits pareils: et le petit esprit étant parvenu à faire le caractère de la nation, il n'y eut plus de sagesse dans les entreprises, et l'on vit des troubles sans cause et des révolutions sans motifs.

Une bigoterie universelle abattit les courages et engourdit tout l'empire. Constantinople est, à proprement parler, le seul pays d'Orient où la religion chrétienne ait été dominante. Or, cette lâcheté, cette paresse, cette mollesse des nations d'Asie, se mêlèrent dans la dévotion même. Entre mille exemples, je ne veux que Philippicus, général de Maurice,. qui, étant près de donner une bataille, se mit à pleurer, dans la considération du grand nombre de gens qui alloient être tués '.

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Ce sont bien d'autres larmes, celles de ces Arabes qui pleurèrent de douleur de ce que leur général avoit fait une trève qui les empèchoit de répandre le sang des chrétiens 2.

C'est que la différence est totale entre une armée fanatique et une armée bigote. On le vit dans nos temps modernes, dans une révolution fameuse, lorsque l'armée de Cromwel étoit comme celle des

Théophilacte, liv. IL, chap. III, Histoire de l'empereur

Maurice.

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Histoire de la conquête de la Syrie, de la Perse et de l'Égypte, par les Sarrasins; par M. Ockley.

Arabes, et les armées d'Irlande et d'Écosse comme celle des Grecs.

Une superstition grossière, qui abaisse l'esprit autant que la religion l'élève, plaça toute la vertu et toute la confiance des hommes dans une ignorante stupidité pour les images; et l'on vit des généraux lever un siége' et perdre une ville pour avoir une relique.

La religion chrétienne dégénéra sous l'empire grec, au point où elle étoit de nos jours chez les Moscovites, avant que le czar Pierre Ier eût fait renaître cette nation, et introduit plus de changemens dans un état qu'il gouvernoit, que les conquérans n'en font dans ceux qu'ils usurpent.

On peut aisément croire que les Grecs tombèrent dans une espèce d'idolâtrie. On ne soupçonnera pas les Italiens ni les Allemands de ces tempslà d'avoir été peu attachés au culte extérieur : cependant, lorsque les historiens grecs parlent du mépris des premiers pour les reliques et les images, on diroit que ce sont nos controversistes qui

s'échauffent contre Calvin. Quand les Allemands passèrent pour aller dans la Terre-Sainte, Nicétas

dit

que les Arméniens les reçurent comme amis, parce qu'ils n'adoroient pas les images. Or si, dans la manière de penser des Grecs, les Italiens et les

'Zonaras, Vie de Romain Lacapène.

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Allemands ne rendoient pas assez de culte aux images, quelle devoit être l'énormité du leur?

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pensa bien y avoir en Orient à peu près la même révolution qui arriva, il y a environ deux siècles, en Occident, lorsqu'au renouvellement des lettres, comme on commença à sentir les abus et les déréglemens où l'on étoit tombé, tout le monde cherchant un remède au mal, des gens hardis et trop peu dociles déchirèrent l'église, au lieu de la réformer..

Léon l'Isaurien, Constantin Copronyme, Léon son fils, firent la guerre aux images; et après que le culte en eut été rétabli par l'impératrice Irène, Léon l'Arménien, Michel-le-Bègue, et Théophile les abolirent encore. Ces princes crurent n'en pouvoir motlérer le culte qu'en le détruisant; ils firent la guerre aux moines qui incommodoient l'état ' : et, prenant toujours les voies extrêmes, ils voulurent les exterminer par le glaive, au lieu de chercher à les régler.

Les moines2, accusés d'idolâtrie par les partisans

Long-temps avant, Valens avoit fait une loi pour les obliger d'aller à la guerre, et fit tuer tous ceux qui n'obéirent pas. Jornandès, de Regn. succes. ; et la loi xxvi, cod. de Decur.

2 Tout ce qu'on verra ici sur les moines grecs ne porte point sur leur état; car on ne peut pas dire qu'une chose ne soit pas bonne, parce que, dans de certains temps ou dans quelque pays, on en a abusé.

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