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avoit toujours eu dans le monde d'aussi grands malheurs que ceux dont se plaignoient les païens. Salvien fit son livre, où il soutint que c'étoient les déréglemens des chrétiens qui avoient attiré les ravages des barbares et saint Augustin fit voir que la cité du ciel étoit différente de cette cité de la terre 2, où les anciens Romains, pour quelques vertus humaines, avoient reçu des récompenses aussi vaines que ces vertus.

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Nous avons dit que dans les premiers temps la politique des Romains fut de diviser toutes les puissances qui leur faisoient ombrage dans la suite, ils n'y purent réussir. Il fallut souffrir qu'Attila soumît toutes les nations du nord: il s'étendit depuis le Danube jusqu'au Rhin, détruisit tous les forts et tous les ouvrages qu'on avoit faits sur ces fleuves, et rendit les deux empires tributaires.

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Théodose, disoit-il insolemment, est fils d'un père très-noble, aussi bien que moi; mais, en << me payant le tribut, il est déchu de sa noblesse, <<< et est devenu mon esclave; il n'est pas juste qu'il << dresse des embûches à son maître, comme un «< esclave méchant 3.

'Du gouvernement de Dieu.

2 De la Cité de Dieu.

3 Histoire gothique, et Relation de l'ambassade écrite par Priscus. C'étoit Théodose le jeune.

<< Il ne convient pas à l'empereur, disoit-il dans << une autre occasion, d'être menteur. Il a promis << à un de mes sujets de lui donner en mariage la « fille de Saturnilus: s'il ne veut pas tenir sa parole, je lui déclare la guerre; s'il ne le peut pas,

«

<«< et qu'il soit dans cet état qu'on ose lui désobéir,

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je marche à son secours. » Il ne faut pas croire que ce fût par modération qu'Attila laissa subsister les Romains; il suivoit les mœurs de sa nation, qui le portoient à soumettre les peuples, et non pas à les conquérir. Ce prince, dans sa maison de bois où nous le représente Priscus ', maître de toutes les nations barbares, et en quelque façon de presque toutes celles qui étoient policées, étoit un des grands monarques dont l'histoire ait jamais parlé.

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On voyoit à sa cour les ambassadeurs des Romains d'Orient et de ceux d'Occident qui venoient recevoir ses lois, ou implorer sa clémence. Tantôt il demandoit qu'on lui rendît les Huns transfuges, ou les esclaves romains qui s'étoient évadés; tantôt il vouloit qu'on lui livrât quelque ministre de l'empereur. Il avoit mis sur l'empire d'Orient un

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Histoire gothique : « Hæ sedes regis barbariem totam tenentis, << hæc captis civitatis habitacula præponebat. » Jornandès, de Rebus geticis.

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Il paroît par la Relation de Priscus qu'on pensoit à la cour d'Attila à soumettre encore les Perses.

tribut de deux mille cent livres d'or. Il recevoit les appointemens de général des armées romaines. Il envoyoit à Constantinople ceux qu'il vouloit récompenser, afin qu'on les comblât de biens, faisant un trafic continuel de la frayeur des Romains.

Il étoit craint de ses sujets, et il ne paroît pas qu'il en fût haï'. Prodigieusement fier, et cependant rusé, ardent dans sa colère, mais sachant pardonner ou différer la punition suivant qu'il convenoit à ses intérêts, ne faisant jamais la guerre quand la paix pouvoit lui donner assez d'avantages, fidèlement servi des rois mêmes qui étoient sous sa dépendance, il avoit gardé pour lui seul l'ancienne simplicité des mœurs des Huns. Du reste, on ne peut guère louer sur la bravoure le chef d'une nation où les enfans entroient en fureur au récit des beaux faits d'armes de leurs pères, et où les pères versoient des larmes parce qu'ils ne pouvoient pas imiter leurs enfans.

Après sa mort, toutes les nations barbares se redivisèrent; mais les Romains étoient si foibles qu'il n'y avoit pas de si petit peuple qui ne pût leur nuire.

Ce ne fut pas une certaine invasion qui perdit l'empire, ce furent toutes les invasions. Depuis celle qui fut si générale sous Gallus, il sembla

'Il faut consulter, sur le caractère de ce prince et les mœurs de sa cour, Jornandès et Priscus.

rétabli, parce qu'il n'avoit point perdu de terrain; mais il alla, de degrés en degrés, de la décadence à sa chute, jusqu'à ce qu'il s'affaissa tout à coup sous Arcadius et Honorius.

En vain on avoit rechassé les barbares dans leur pays; ils y seroient tout de même rentrés pour mettre en sûreté leur butin : en vain on les extermina; les villes n'étoient pas moins saccagées; les villages brûlés, les familles tuées ou dispersées '.

Lorsqu'une province avoit été ravagée, les barbares qui succédoient, n'y trouvant plus rien, devoient passer à une autre. On ne ravagea au commencement que la Thrace, la Mysie, la Pannonie: quand ces pays furent dévastés, on ruina la Macédoine, la Thessalie, la Grèce ; de là il fallut aller aux Noriques. L'empire, c'est-à-dire le pays habité, se rétrécissoit toujours, et l'Italie devenoit frontière.

La raison pourquoi il ne se fit point sous Gallus et Gallien d'établissement de barbares, c'est qu'ils trouvoient encore de quoi piller.

Ainsi lorsque les Normands, image des conquérans de l'empire, eurent pendant plusieurs siècles ravagé la France, ne trouvant plus rien à

'C'étoit une nation bien destructive que celle des Goths : ils avoient détruit tous les laboureurs dans la Thrace, et coupé les mains à tous ceux qui menoient les chariots. Histoire byzantine de Malchus, dans l'Extrait des ambassades.

prendre, ils acceptèrent une province qui étoit entièrement déserte et se la partagèrent '.

La Scythie dans ces temps-là étant presque toute inculte 2, les peuples y étoient sujets à des famines fréquentes: ils subsistoient en partie par un commerce avec les Romains, qui leur portoient des vivres des provinces voisines du Danube 3. Les barbares donnoient en retour les choses qu'ils avoient pillées, les prisonniers qu'ils avoient faits, l'or et l'argent qu'ils recevoient pour la paix. Mais lorsqu'on ne put plus leur payer des tributs assez forts pour les faire subsister, ils furent forcés de s'établir 4.

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Voyez dans les Chroniques recueillies par André du Chesne l'état de cette province vers la fin du neuvième et le commencement du dixième siècle. Script. Norm. hist. veteres.

Les Goths, comme nous l'avons dit, ne cultivoient point la terre. Les Vandales les appeloient Trulles, du nom d'une petite mesure, parce que, dans une famine, ils leur vendirent fort cher une pareille mesure de blé. Olympiodore, dans la Bibliothèque de Photius, liv. XXX.

3 On voit, dans l'histoire de Priscus, qu'il y avoit des marchés établis par les traités sur les bords du Danube.

4 Quand les Goths envoyèrent prier Zénon de recevoir dans son alliance Theudéric, fils de Triarius, aux conditions qu'il avoit accordées à Theudéric, fils de Balamer, le sénat consulté répondit que les revenus de l'état n'étoient pas suffisans pour nourrir deux peuples goths, et qu'il falloit choisir l'amitié de l'un des deux. Histoire de Malchus, dans l'Extrait des ambassades.

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