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tribué à la grandeur de Rome, se perdit sous Auguste, ou plutôt cet honneur devint un privilége de la souveraineté '. La plupart des choses qui arrivèrent sous les empereurs avoient leur origine dans la république 2, et il faut les rapprocher: celui-là seul avoit le droit de demander le triomphe, sous les auspices duquel la guerre s'étoit faite 3: or, elle se faisoit toujours sous les auspices du chef, et par conséquent de l'empereur, qui étoit le chef de toutes les armées.

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Comme, du temps de la république, on eut pour principe de faire continuellement la guerre, sous les empereurs, la maxime fut d'entretenir la paix: les victoires ne furent regardées que comme des sujets d'inquiétude, avec des armées qui pouvoient mettre leurs services à trop haut prix.

Ceux qui eurent quelque commandement craignirent d'entreprendre de trop grandes choses:

1 On ne donna plus aux particuliers que les ornemens triomphaux. Dion, in Aug., Abr. de Xiph., page 62.

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* Les Romains ayant changé de gouvernement, sans avoir été envahis, les mêmes coutumes restèrent après le changement du gouvernement, dont la forme même resta à peu près.

3 Dion, in Aug., liv. LIV, dit qu'Agrippa négligea par modestie de rendre compte au sénat de son expédition contre les peuples du Bosphore, et refusa même le triomphe; et que depuis lui personne de ses pareils ne triompha; mais c'étoit une grâce qu'Auguste vouloit faire à Agrippa, et qu'Antoine ne fit point à Ventidius la première fois qu'il vainquit les Parthes.

il fallut modérer sa gloire de façon qu'elle ne réveillåt que l'attention, et non pas la jalousie du prince; et ne point paroître devant lui avec un éclat que ses yeux ne pouvoient souffrir.

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Auguste fut fort retenu à accorder le droit de bourgeoisie romaine ; il fit des lois 2 il fit des lois2 pour empêcher qu'on n'affranchît trop d'esclaves 3 ; il recommanda par son testament que l'on gardât ces deux maximes, et qu'on ne cherchât point à étendre l'empire par de nouvelles guerres.

Ces trois choses étoient très-bien liées ensemble:

dès qu'il n'y avoit plus de guerres, il ne falloit plus de bourgeoisie nouvelle, ni d'affranchisse

mens.

Lorsque Rome avoit des guerres continuelles, il falloit qu'elle réparât continuellement ses habitans. Dans les commencemens, on y mena une partie du peuple de la ville vaincue : dans la suite, plusieurs citoyens des villes voisines y vinrent pour avoir part au droit de suffrage; et ils s'y établirent en si grand nombre que, sur les plaintes des alliés, on fut souvent obligé de les leur renvoyer: enfin on y arriva en foule des provinces. Les lois favorisèrent les mariages, et même les rendirent nécessaires. Rome fit dans toutes ses guerres un

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nombre d'esclaves prodigieux; et, lorsque ses citoyens furent comblés de richesses, ils en achetèrent de toutes parts, mais ils les affranchirent sans nombre, par générosité, par avarice, par foiblesse les uns vouloient récompenser des esclaves fidèles; les autres vouloient recevoir en leur nom le blé que la république distribuoit aux pauvres citoyens ; d'autres enfin désiroient d'avoir à leur pompe funèbre beaucoup de gens qui la suivissent avec un chapeau de fleurs. Le peuple fut presque composé d'affranchis2; de façon que ces maîtres du monde, non- seulement dans les commencemens, mais dans tous les temps, furent la plupart d'origine servile.

Le nombre du petit peuple, presque toujours composé d'affranchis, ou de fils d'affranchis, devenant incommode, on en fit des colonies, par le moyen desquelles on s'assura de la fidélité des pro

vinces. C'étoit une circulation des hommes de tout l'univers. Rome les recevoit esclaves, et les renvoyoit Romains.

Sous prétexte de quelques tumultes arrivés dans les élections, Auguste mit dans la ville un gouverneur et une garnison; il rendit les corps des légions éternels, les plaça sur les frontières, et

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' Denys d'Halicarnasse, liv. IV, page 161.

Voyez Tacite, Annales, liv. XIII, chap. xxvII. Quippe late

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établit des fonds particuliers

pour les payer; enfin il ordonna que les vétérans recevroient leur récompense en argent, et non pas en terres '.

Il résultoit plusieurs mauvais effets de cette distribution des terres que l'on faisoit depuis Sylla. La propriété des biens des citoyens étoit rendue incertaine. Si on ne menoit pas dans un même lieu les soldats d'une cohorte, ils se dégoûtoient de leur établissement, laissoient les terres incultes, et devenoient de dangereux citoyens 2: mais, si on les distribuoit par légions, les ambitieux pouvoient trouver contre la république des armées dans un

moment.

Auguste fit des établissemens fixes pour la marine. Comme avant lui les Romains n'avoient point eu des corps perpétuels de troupes de terre, ils n'en avoient point non plus de troupes de mer. Les flottes d'Auguste eurent pour objet principal la sûreté des convois, et la communication des diverses parties de l'empire : car d'ailleurs les Romains étoient les maîtres de toute la Méditerranée; on ne naviguoit dans ces temps-là que dans cette mer, et ils n'avoient aucun ennemi à craindre.

' Il régla que les soldats prétoriens auroient cinq mille drachmes; deux après seize ans de service, et les trois autres mille drachmes après vingt ans de service. Dion, in Aug.

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Voyez Tacite, Annales, liv. XIV, chap. XXVII, sur les soldats menés à Tarente et à Antium.

Dion

remarque très-bien que depuis les empereurs il fut plus difficile d'écrire l'histoire : tout devint secret; toutes les dépêches des provinces furent portées dans le cabinet des empereurs ; on ne sut plus que ce que la folie et la hardiesse des tyrans ne voulut point cacher, ou ce que les historiens conjecturèrent.

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