nommé Carutti. Comme elle frappe un peu fur le miniftere nos journalistes n'ont ofé s'en

emparer.

12 Mai. M. Reettiers, graveur, qui avoit la qualité de chevalier-membre de l'académie royale de peinture & de fculpture, vient de mourir. Ce n'eft point une perte pour les arts, en ce que depuis plufieurs falons il n'y avoit rien expofé.

22 Mai. Un abbé Rousseau, jeune homme de 22 à 23 ans, qui débutoit dans la littérature, membre du mufée de la rue Dauphine, y lifant quelquefois de la profe & des vers; mardi dertier est allé dîner au Palais-Royal, chez un ref taurateur. Après avoir copieufement bu & mangé, il s'eft retiré dans un petit cabinet fous prétexte d'écrire, il a demandé du papier & de l'encre. Peu après on a entendu le bruit d'un coup de piftolet; on l'a trouvé mort. On a lu fur la table, dit-on, ces vers - ci, où il explique les motifs de fa funefte réfolution & qui peuvent lui fervir d'épitaphe :

Né de parents obfcurs, rebut de la fortune,
Et follement épris pour d'innocents appas,
Dont fans quelque forfait, je ne jouirois pas,
Je n'ai pu triompher d'une flamme importune,
Et j'ai préféré le trépas.

On veut qu'il fût devenu amoureux de la fœur d'un jeune homme dont il étoit l'instituteur, que la demoiselle ne fût pas éloigné de fe laiffer féduire; mais qu'effrayé de ce crime & des fuites dans la crainte de fuccomber à fa paffion, il ait pris ce parti violent, tel qu'il l'annonce dans fon teftament de mort.

12 Mai. L'école du chant établie, par arrêt du confeil d'état du roi du 3 janvier 1784, a fait fon ouverture le avril dernier.

M. Goffee a été nommé directeur de cette école, & c'est à lui que l'on s'adreffe pour y être admis; MM. Piccini, l'Anglès & Guichard, maîtres pour la perfection & le goût du chant; MM. Rigel, Saint-Amand & Meon, pour le folfege; MM. Gobert & Rodolphe, pour le clavelin & la compofition; MM. Molé & Pillot, pour la déclamation & le jeu du théâtre; MM. Guénin & Rochez, pour le violon & la baffe; M. Roffet, pour la langue françoise & l'hiftoire; M. Donadieu, maître d'armes, & M. Deshays, maître à danfer.

23 Mai. Me. Monnot, le député des avocats du parlement de Besançon, eft un membre très-ardent, qui avant de venir ici a eu une prife violente avec M. Droz, le confeiller de grand'chambre le plus inftruit, le plus zélé, le plus ardent & le plus defpotique.

M. Monnot, arrivé à Paris, n'a eu rien de plus preflé que de voir fes confreres du parlement de Paris, les anciens bâtonniers fur-tout, qui ont regardé la querelle de Befançon comme la leur propre, & en conféquence ont convoqué une af femblée générale de l'ordre. La conduite des avocats de Besançon y a été approuvée, & l'on a nommé fur le champ deux députés pour aller voir M. le garde des fceaux, lui repréfenter que tout ce qu'avoit fait l'ordre des avocats de Belançon étoit conforme au réglement de 1707, qu'il feroit fupplié de vouloir bien remettre en vigueur, ainfi que d'éteindre la procédure monftrueufe du parle ment de Besançon, de maniere qu'il n'en refte pas veftige,

23 Mai. Le Sr. de Beaumarchais vient de finir an opera, dont il a fait lecture à un comité d'élite. On en a été enchanté. Il ne s'agit plus que de trouver un musicien digne de le mettre en mufique. It en fait bien lui-même, & de fort agréable; mais il n'ofe entreprendre une fi grande tâche.

24 Mai. Le parlement ne perd point de vue l'affaire des Quinze Vingts. Le premier préfident a dû porter encore hier au roi de nouvelles remontrances, & fur tout l'expofé des faits venus à la connoiffance de la cour, extra-judiciairement il est vrai, & par des témoins non fermentés, mais fi graves, fi circonftanciés, fi multipliés & fi appuyés fur la notoriété publique, qu'elle n'a pu s'empêcher d'en mettre le tableau effrayant fous les yeux de fa majesté.

Ces faits font de trois natures différentes. Les uns concernent le defpotifme du grand-aumônier, porté au point qu'il maintient en place un officier nommé par lui feul au préjudice d'un autre nommé par le roi, revêtu de lettres patentes enrégiftrées; les autres roulent fur l'infidélité de fa geftion: en forte qu'il paroîtroit s'être approprié près d'un million au moins: enfin les derniers prouvent à quel excès de débordement est venue cette maison religieufe, où l'on ne trouve par-tout au contraire, que des fcenes d'impudicité & de fcandale, jufques dans l'églife & au pied des autels.

Le parlement n'abandonne pas non plus l'affaire des bénédictins, & il doit y avoir aujour d'hui affemblée de commiffaires, pour rédiger raifemblablement de troifiemes remontrances. La commillion des réguliers étant devenue un accef

foire plus important que le fond, n'y fera fans. doute pas oubliée.

Quant aux lettres de cachet, fur tout celle de M. de Mions, comme le fort de celui-ci paroît s'aggraver à mesure que le parlement remon tre en fa faveur, il a cru, par humanité pour cet exilé, devoir refter dans le filence en ce moment, & éprouver fi la fituation de M. de Mions en deviendra meilleure.

Du refte, le roi n'ayant encore fait aucune réponse au mémoire concernant les abus de la justice, cet objet refte in ftatu quo.

24 Mai. Le clergé de France vient de gémir d'un nouveau fcandale. Il s'agit d'un abbé Arnoux, ci-devant avocat, aujourd'hui grand vicaire de M. l'archevêque de Rheims, qui avoit toute fa confiance, toute celle de la mailon de Tallayrand, qui, par contrecoup, avoit acquis un grand crédit auprès de beaucoup de prélats; dont la maifon étoit le féminaire des jeunes abbés de qualité, afpirant aux gros bénéfices & à l'épifcopat; revêtu en outre de bénéfices pour 25,ccoliv. de rente, fans compter ce que lui valoit fa gestion de l'archevêché de Rheims : ce perfonnage viene de renoncer à tout cela pour une grifette qu'il a enlevée, & avec laquelle il eft en fu te. On prétend qu'il fait en outre une banqueroute confidérable.

25 Mai. Le docteur Mesmer a enfin fait imprimer un volume d'environ quatre-vingts pages, qu'il diftribue à fes adeptes, où l'on s'attend à trouver la doctrine déduite, & où l'on ne trouve qu'un grand étalage des cures qu'il a faites à Vienne, en Suiffe & en France, des perfécutions qu'il y a effuyées en forte que ces cures A S

re

telles que celle de Mlle. Paradis, qu'il avoit guérie de la cécité & que nous avons vue aveugle ici, font prefque toujours restées imparfaites, ou même anéanties tout-à-fait. Il finit par établir quelques propofitions qui bien loin de contredire les lettres de M. de Montjoie, publiées dans le Journal de Paris dont on a parlé, y font abfolument) conformes. C'eft un vrai galimathias, femblable à celui des livres cabaliftiques, hermétiques, aux ouvrages des alchymiftes, des médecins Arabes & autres, de Nicolas Flamel, de Noftradamus, en un mot, de tous les partifans de l'aftrologie judiciaire ou de la philofophie trifnié

gifte.

25 Mai. On ne peut mieux placer la piece du Charlatanifme, qu'à la fuite de l'article concernant le grand charlatan dont on vient de parler:

J'ai créé la race innombrable

Qui, par le merveilleux, féduit le genre humain :
J'ai le ton emphatique, avec un air capable;
J'excelle aux tours d'efprit, j'excelle aux tours de main;
Je m'enveloppe du myftere,

Et je m'environne du bruit :
Le bruit en impofe au vulgaire,
Et le filence à l'homme inftruit..

On me voyoit jadis fur la place d'Athene,
Du haut de la tribune infpirer les rhéteurs ;
Près du tonneau de Diogene,

Je raffemblois les fpectateurs ;
J'ai fait valoir plus d'un grand homme,