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LA VRAIE PAIX.

que tu

C'est une délibération arrétée,
conserveras la vraie paix, parce
qu'on se confie en toi.
Es. XXVI, 3.

Quand tous ces esprits bienheureux et saints qui entourent le trône de Dieu, réuniraient leurs efforts pour conserver l'âme d'un seul homme dans une parfaite paix, leurs efforts réunis seraient vains; car c'est l'œuvre du Tout-Puissant. Celui qui a créé l'àme de l'homme, Celui qui l'a rachetée, peut seul aussi lui donner une véritable paix. Dieu a créé l'homme pour Lui; par conséquent l'homme ne peut trouver du repos qu'en Dieu. La possession même des cieux et de la terre, la domination du monde entier, les hommages de tous les êtres créés, quand il serait possible qu'il les obtînt, ne suffiraient point à le rendre véritablement heureux, s'il était en même temps séparé de son origine; et jamais la plénitude de la joie n'existera pour lui qu'à condition qu'il soit rempli de la plénitude de Dieu, selon l'expression d'un apôtre.

C'est là, du reste, un état de choses nécessaire. Notre félicité participe infailliblement du caractère essentiel de l'objet dont nous la faisons dépendre. La cherchez-vous dans un monde passager et trompeur? n'espérez rien audelà d'un bonheur incertain et fragile. La cherchez-vous, au contraire, auprès du Dieu saint, immortel, en qui il n'y a point de variations ni aucune ombre de changement? vous aurez une paix inaltérable, parfaite et sans fin comme le Dieu de qui elle procède. Voilà, sans doute, ce que personne ne songe à contester; mais voilà aussi ce à quoi on ne pense guère; pas plus que si cette éternelle et solennelle vérité n'avait aucun rapport avec nous, avec notre vie de tous les jours, avec nos vœux, avec nos œuvres, avec notre espérance et notre avenir.

Quel sujet de méditation pourrions-nous offrir aux lecteurs de la Feuille religieuse, qui fût mieux en harmonie

avec les impressions du moment? Dans ces jours de fin et de renouvellement d'années, le monde redouble de soins pour s'étourdir; mais malgré tous ses efforts, il n'est pas d'homme si léger, qui ne sente, plus ou moins distinctement, trembler sous ses pieds le terrain mobile sur lequel il cherche à établir son assurance. Oh! qu'il écoute aujourd'hui cette voix qui lui crie d'une manière si solennelle, que Dieu conserve la vraie paix à quiconque se confie en lui! Qu'il essaie, et il verra si cette confiance si bien placée ne dissipe pas infailliblement toutes les frayeurs qui troublent trop souvent son repos.

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Il semble d'abord impossible qu'un Dieu saint et continuellement offensé, puisse devenir l'objet de la confiance du vermisseau rebelle et souillé qui l'offense. Il semble, au contraire, que tout ce qui constitue le caractère de Dieu, que chacun de ses divins attributs doive remplir de terreur l'homme pécheur qui les contemple. Mais ici est la gloire de la croix. Le mystère étonnant de l'amour divin, révélé dans la rédemption de l'homme avec une plus grande clarté que dans toutes ses autres dispensations, tel est le plan de Dieu pour ramener à lui l'affection et la confiance d'un monde plongé dans le mal. Et assurément rien n'était plus propre à rendre à l'âme effrayée la confiance et une parfaite paix. Soit que vous considériez dans ce mystère le mouvement libre et spontané de l'amour du Père, soit que vous arrêtiez votre attention sur Celui qui est la resplendeur de sa gloire, sur ce Fils bien-aimé qui descendit des hauteurs du ciel pour accomplir cette œuvre de réconciliation et de paix, vous entendez retentir au fond de votre âme cette étonnante parole du Seigneur : Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. Parole étonnante, disons-nous... Ne vous semble-t-il pas, en la lisant, entendre cet amour qui vous crie: Viens, et je t'enseignerai des choses merveilleuses! ne vous semble-t-il pas que l'homme n'en peut parler sans craindre d'obscurcir le conseil de Dieu par des paroles sans science? ne vous semble-t-il pas, en un mot, entendre le Seigneur lui-même vous dire, en vous montrant son Fils unique sur

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la croix: Que fallait-il faire de plus que je n'ai fait?—Non, le Seigneur ne pouvait pas faire plus qu'il n'a fait en nous donnant son Fils; car Dieu a fait éclater son amour envers nous en ce que, quand nous n'étions que pécheurs, Christ est mort pour nous. Mais aussi, dans un certain sens, un amour infini, un amour immense, et pour tout dire, l'amour de Dieu, ne pouvait pas faire moins, puisque toute autre manifestation de cet amour ne l'eût représenté qu'en partie, c'est-à-dire imparfaitement et d'une manière indigne de lui. Dieu est charité, dit S. Jean; puis il ajoute : En ceci est la charité, c'est que Dieu a envoyé son Fils au monde, afin que nous ayons la vie par lui. C'est ainsi que la croix de Jésus, en nous apprenant à connaître Dieu, rend la confiance au pécheur alarmé. Comme l'échelle mystérieuse de Jacob, elle rétablit la communion entre Dieu et l'homme, que le péché avait détruite : par elle Dieu descend sur la terre pour nous donner la réconciliation et la paix; par elle l'homme s'élève à Dieu sur les ailes de la reconnaissance, de la confiance et de l'amour.

Dans ce mystère adorable de la mort de Jésus-Christ pour nous, deux choses remplissent de confiance le cœur du pécheur humilié et croyant.

C'est premièrement, que le caractère de Dieu se trouve hautement exalté par cette miséricordieuse dispensation. Dieu pardonne; mais il ne déroge pas, comme le suppose tout système de salut qui ne se fonde pas sur la mort expiatoire du Seigneur Jésus. Dieu pardonne, il fait grâce, parce qu'il est amour; mais il ne diminue en rien, aux yeux du pécheur, la gravité de son péché; au contraire, il le lui montre tel qu'il est, je veux dire comme une rebellion déclarée et manifeste; il n'abaisse pas la règle; il ne fait pas fléchir celle de la justice ; il n'étouffe pas le cri de la conscience; il ne retranche rien aux exigences de la loi. Il pardonne; mais le pardon qu'il proclame et qu'il accorde gratuitement, bien qu'infini et incompréhensible dans sa grandeur, ne dépouille pas le Dieu qui l'accorde, de son immuable sainteté, pour le revêtir d'une miséricorde aveugle, sans intelligence et sans volonté, qui n'irait pas à moins qu'à le représenter comme le patron et le protecteur

du péché, - Le chrétien, qui se confie au sacrifice du Calvaire, est en parfaite paix, parce que tout est en harmonie et bien d'accord dans cette parfaite grâce, parce que la miséricorde et la vérité, la justice et la paix se rencontrent dans l'œuvre de la rédemption des hommes, et parce qu'en justifiant ainsi le pécheur, le Seigneur ne cesse pas de se montrer Juste et Saint, Celui qui a en abomination la perversité et qui ne tient pas le coupable pour innocent.

La seconde considération qui assure une parfaite paix au pécheur croyant et qui se confie en Jésus, c'est que la foi qui lui a été donnée est précisément la disposition du cœur qui correspond le mieux à la grâce qui lui a été offerte, celle par laquelle il entre dans les vues et dans l'ordre de son Dieu, celle qui le place dans cette route de la sanctification hors de laquelle il n'y a point de paix possible. Le pécheur reçoit, non-seulement la permission, mais l'ordre de croire en l'amour de son Dieu pour lui, sous peine d'encourir le déplaisir et la disgrâce éternelle de son Dieu, de ce Dieu qui lui a fait les grandes et glorieuses promesses. Ne craignons pas, pécheurs, de nous arrêter à cette pensée. Non-seulement les promesses de grâce qui nous sont faites dans l'Evangile, sont aussi étendues que la langue des hommes puisse l'exprimer, aussi pleines, aussi assurées que le cœur de l'homme puisse le désirer; non-seulement la vie entière du Seigneur, de son berceau jusqu'à sa croix, est une attestation claire de la volonté qu'il a de sauver, sans exception, tout pécheur qui se confie en lui mais encore le fidèle sait, par la Parole divine, que plus sa confiance est pleine et entière, plus elle glorifie la miséricorde et la sainteté de son Dieu-Sauveur; il sait que la défiance, loin d'être encouragée dans la Parole de vérité, comme si elle était une preuve d'humilité, que la défiance, disons-nous, déplaît à Dieu, qu'elle le déshonore et le fait menteur, selon l'énergique expression de S. Jean. La paix du croyant est parfaite, parce qu'elle est fondée sur l'amour de son Dieu, sur un amour inaltérable, éternel et parfait. Parce que je suis l'Eternel et que je n'ai point changé, à cause de cela, maison de Jacob, vous ne serez pas consumés. C'est une déli

bération arrêtée que tu conserveras la vraie paix parce qu'on se confie en toi.

cœur.

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Mais la crainte de la colère à venir, bien que la première et la plus poignante des frayeurs, n'est pourtant pas la seule qui puisse troubler notre vie et contre laquelle nous ayons besoin de paix. Le mondain qui n'a pas encore été renouvelé par la foi, supporte aisément le joug du péché ; que dis-je? il l'aime, il s'y complait, et ne tremble qu'à l'idée de ses conséquences. Le racheté de Christ, au contraire, affranchi de la crainte de la condamnation, cesse d'être insensible à la maladie du péché dans son âme; sa nourriture est de faire la volonté de Dieu, et quand il sent toujours au dédans de lui l'aiguillon du péché, il souffre et gémit d'être encore si ingrat envers son Père céleste, et si éloigné de la ressemblance avec son Sauveur. On peut dire même, qu'à le bien prendre, rien ne trouble plus profondément sa paix que cette lutte qui se perpétue au dedans de lui, entre la chair qui le harcelle et l'Esprit qui agit dans son Mais à cet égard encore, une riche provision de consolations nous a été faite dans cette alliance de paix que Jésus est venu traiter avec nous. Ce Dieu qui nous déclare que sa volonté est notre sanctification, n'en aurait-il pas préparé les trésors pour ceux qui se confient en lui? Oui, Jésus, Dieu éternellement béni, est un rocher et une haute retraite pour ceux qui cherchent auprès de lui et dans son amour la sanctification, c'est-à-dire la délivrance du péché et la guérison de leur âme. Car, ici encore, il faut que nous sortions de nous-mêmes, que nous renoncions à nos propres ressources, si nous voulons avoir la paix. Ne nous faisons pas une fausse confiance et une fausse paix, au moyen d'une fausse estimation de notre danger. Ce n'est pas ainsi que le Seigneur en use envers ceux qu'il veut guérir. Ce céleste et charitable Médecin commence, au contraire, par nous faire connaître notre état; il nous déclare que notre cœur est rusé et malin pardessus toutes choses, que nous sommes de nous-mêmes incapables même de vouloir et de penser le bien. Il nous révèle combien l'ennemi que nous avons à combattre est puissant et redoutable; il nous le représente plein de malice et de

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