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qués par l'éditeur dans son Avertissement : « On recherche, on lit, on étudie avec autant de curiosité que d'intérêt les anciens écrivains français, et, de préférence, ceux qui se rattachent à la littérature gauloise, si l'on peut s'exprimer ainsi, « des xv, xvio et xvII° siècles. Jamais on n'a mieux goûté les chefs-d'œuvre de Molière « et de la Fontaine, tous deux formés à l'école de cette littérature vraiment française <qui a son berceau dans les facéties du trouvère et dans les farces du théâtre de la Basoche. Nous avons donc eu la pensée de choisir, parmi les trésors si variés et si < peu connus de notre ancienne littérature, ceux qui sont marqués au sceau indélé«bile de cet esprit français ou gaulois que l'on retrouve dans certains ouvrages de tous genres, chroniques, mémoires, poésies, contes, romans, facéties, « théâtre, etc. Nous réimprimerons ces différents ouvrages d'après les meilleures « éditions ou les meilleurs manuscrits, avec des notes et des notices historiques, philologiques et critiques. » Le littérateur érudit appelé à diriger la Bibliothèque gauloise a parfaitement répondu aux vues de l'éditeur en choisissant, pour former les premiers volumes de cette collection, quelques-unes des productions les plus ingénieuses de notre vieille littérature. Parmi les ouvrages qui ont paru jusqu'ici, nous nous bornerons aujourd'hui à en signaler deux : les Vaux-de-Vire d'Olivier Basselin et les OEuvres de Tabarin.

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Vaux-de-Vire d'Olivier Basselin et de Jean le Houx, suivis d'un choix d'anciens Vaux-de-Vire et d'anciennes chansons normandes, tirés des manuscrits et des imprimés, nouvelle édition revue et publiée par P. L. Jacob, bibliophile. Paris, Delahays, 1858, in-16 de XXXVI-288 pages. Tous les Vaux-de-Vire et toutes les chansons normandes publiés par M. Asselin en 1811, par M. Louis Dubois en 1821, et par M. Julien Travers en 1833, ont été réunis dans cette édition, qui se divise en cinq parties: 1° Vaux-de-Vire d'Olivier Basselin; 2° Vaux-de-Vire de Jean le Houx; 3° chansons normandes du xvr° siècle, tirées des manuscrits; 4° chansons normandes anciennes tirées de recueils imprimés; 5° bacchanales et chansons tirées d'un recueil imprimé en 1616. Le savant éditeur s'est attaché à perfectionner, en les combinant ensemble, les travaux de ses devanciers. A leurs commentaires il a joint, outre quelques notes inédites de Charles Nodier, des remarques qui lui appartiennent en propre et qui ne sont ni les moins nombreuses ni les moins intéressantes. On retrouve ici le discours préliminaire sur la vie et les ouvrages d'Olivier Basselin, écrit en 1811, par M. Asselin, avec une appendice sur Jean le Houx; mais nous devons appeler principalement l'attention du lecteur sur la préface placée par M. P. Lacroix en tête du volume. L'ingénieux critique y discute, en les complétant à l'aide d'heureuses conjectures, les renseignements encore bien vagues qu'on a pu recueillir jusqu'à ce jour sur Olivier Basselin. M. Lacroix rejette bien loin l'opinion des premiers éditeurs, qui faisaient remonter Basselin et ses Vauxde-Vire au règne de Charles VI et de Charles VII. « Les Vaux-de-Vire, dit-il, appar« tiennent évidemment au milieu ou à la fin du xvi° siècle; ils ont été rajeunis par Jean le Houx, qui les a recueillis le premier, si toutefois il ne les a pas composés « lui-même, sous le nom d'Olivier Basselin, nom très-connu en Normandie à cause « d'une chanson qui se chantait sous le règne de Louis XII. Ces poésies remplissent, d'ailleurs, toutes les conditions du genre; elles se recommandent par leur vieille réputation normande, et, comme le remarque le nouvel éditeur, elles sont certainement les premiers types de la chanson bachique en France.

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Les œuvres de Tabarin, avec les Adventures du capitaine Rodomont, la farce des Bossus et autres pièces tabariniques, nouvelle édition, préface et notes par Georges d'Harmonville. Paris, Delahays, 1858, in-16 de XVI-489 pages. Les facéties pu

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bliées sous le nom de Tabarin avaient leur place marquée dans la Bibliothèque gauloise. Ces piquantes gaillardises, bien grossières, il faut l'avouer, fourniront toujours un curieux exemple de ce qu'étaient les mœurs et le langage français dans les premières années du règne de Louis XIII. La nouvelle édition, donnée par M. d'Ĥarmonville, renferme toutes les pièces tabariniques connues jusqu'ici. Des juges sévères pourront trouver ce recueil trop complet, mais, pour apprécier les œuvres attribuées au célèbre farceur de la place Dauphine, il faut peut-être se placer au même point de vue que M. Leber, qui louait les librairies Sommaville et Rocollet d'avoir fait paraître, pour la première fois, en 1621, ces thèses à la fois si grotesaques et si doctes, où l'on croit retrouver les combats du sage avec l'esprit malin; « ces mots étourdissants de naturel et de naïveté, qu'on ne veut plus entendre en public, mais qu'on lit encore sans témoins; ces rapprochements singuliers, im«prévus, inouïs, d'idées qui ne se rencontrèrent jamais dans une tête rassise, mais dont l'originalité, plus puissante que la raison, triomphe de tout, même des répugnances du goût et du bon sens. » Le texte des œuvres de Tabarin est accompagné de notes instructives et d'une préface, contenant des recherches intéressantes sur ce personnage et une saine appréciation littéraire des écrits publiés

sous son nom.

L'inscription syro-chinoise de Si-ngan-fou, monument nestorien élevé en Chine l'an 781 de notre ère et découvert en 1625, texte chinois accompagné de la prononciation figurée, d'une version latine verbale, d'une traduction française de l'inscription et des commentaires chinois auxquels elle a donné lieu, ainsi que de notes philologiques et historiques, par G. Pauthier. Paris, imprimerie de F. Didot, libraire de F. Didot et de Benjamin Duprat, 1858, in-8° de xv1-96 pages avec une planche. Dans un mémoire publié, en 1857, dans les Annales de philosophie chrétienne, M. Pauthier a examiné et discuté toutes les objections qui se sont produites contre l'authenticité de l'inscription de Si-ngan-fou depuis sa découverte, en 1625, jusqu'à nos jours, et s'est attaché à démontrer cette authenticité. Ce savant orientaliste donne aujourd'hui le texte de ce précieux monument, avec traductions latine et française et commentaires chinois, et il fait précéder cette publication d'une intéressante préface, où il expose les preuves intrinsèques qui ressortent du contenu de l'inscription même et la place qu'elle doit occuper désormais dans l'histoire du mouvement religieux de l'Orient. L'inscription de Si-ngan-fou se compose de deux parties bien distinctes. La première partie est une espèce de prologue ou de préambule en prose très-concise contenant un exposé historique rapide de la doctrine nestorienne, de son introduction en Chine par O-lo-pen, prêtre syrien, sous le règne de l'empereur Thai-tsoûng, l'an 635 de notre ère, et des phases diverses subies par cette foi nouvelle, pendant près d'un siècle et demi, au sein d'un grand empire et au milieu de plusieurs autres doctrines rivales. Cette première partie se termine par l'éloge d'un personnage nommé I-ssé, qui occupait de hauts emplois sous le règne des empereurs Sou-tsoùng (756-762) et Tě-tsoûng (780), et qui paraît avoir favorisé les propagateurs de la doctrine chrétienne. La seconde partie de l'inscription est un chant résumé de la première partie, à la manière bouddhique; c'est un hymne en vers rimés, en l'honneur des empereurs et autres personnages dont les docteurs de la religion illustre, aux vêtements blancs, avaient reçu des bienfaits. L'inscription se termine par la date de l'érection du monument, d'abord en chinois, langue de l'inscription, et ensuite en syriaque, langue de la communauté chrétienne qui était allée porter sa doctrine à la cour des empereurs du Thâng, près de 150 ans auparavant. Après avoir réuni tous les arguments

propres à établir l'authenticité de l'inscription nestorienne de Si-ngan-fou, M. Pauthier ajoute: « Ce monument est le seul connu, encore subsistant, qui constate les pérégrinations des propagateurs du christianisme oriental dans l'extrême Asie. Son "authenticité avait été l'objet d'attaques nombreuses; elle est maintenant mise audessus de tout doute; cette inscription devient ainsi un témoignage irrécusable du grand mouvement que les idées religieuses avaient produit dans ces contrées dès « le commencement du vir° siècle de notre ère, et qui s'est continué jusqu'à nos jours. » Ethnogénie gauloise, ou mémoires critiques sur l'origine et la parenté des Cimmériens, des Cimbres, des Onibres, des Belges, des Ligures et des anciens Celtes, par M. Roget, baron de Belloguet. Introduction, première partie, Glossaire gaulois, avec deux tableaux généraux de la langue gaulcise. Paris, imprimerie de Remquet, librairies de Benj. Duprat et de Frank, 1858, in-8° de xv-288 pages. — M. le baron de Belloguet, honorablement connu déjà par divers travaux archéologiques, que l'Académie des inscriptions et belles-lettres a distingués, s'est proposé, dans ce nouvel ouvrage, d'éclaircir les questions relatives aux origines des anciennes populations de la Gaule et de la Grande-Bretagne. Par le mot ethnogénie, emprunté à l'illustre Ampère, il entend l'étude des origines des peuples et de leur généalogie. Il divise en trois classes ses moyens d'investigation: 1° la comparaison des langues (partie linguistique); 2° celle des caractères physiques particuliers à tel ou tel peuple (partie physiologique); 3° celle des mœurs et des coutumes qui appartiennent à chaque race, c'est ce qu'il appelle l'éthopée. Le volume s'ouvre par un avant-propos, où l'auteur, après avoir exposé son but et la marche qu'il se propose de suivre, s'occupe des preuves philologiques auxquelles tout le reste de ce premier volume est consacré. M. de Belloguet s'attache d'abord à réfuter les opinions de MM. Moke et Holtzmann, qui, renouvelant les débats soulevés par quelques savants allemands du siècle dernier, ont prétendu que les anciens Gaulois étaient Germains d'origine et de langage. Il donne ensuite un vocabulaire, classé par ordre chronologique, de tous les mots qui nous ont été transmis comme gaulois par les anciens. En recourant aux sources, M. de Belloguet a épuré et complété cette liste, qui avait déjà été donnée, à plusieurs reprises, par divers auteurs, mais d'une manière insuffisante ou inexacte. Dans ce glossaire, chaque mot gaulois est comparé avec les analogues que peuvent offrir le kymrique, gallois, cornique ou armoricain, le gaëlique d'Irlande ou d'Ecosse, et le basque. Un tableau où sont classés systématiquement tous les mots du glossaire termine ce volume, qui ne forme encore que la première partie de l'introduction.

Manuel des pourvois et des formes de procéder devant la Cour de cassation en matière civile, par M. Bernard, greffier en chef de la Cour. Paris, Benj. Duprat, 1858, in-8°, - praXVI-428 pages. L'auteur de ce livre s'est proposé d'écrire plutôt un manuel

tique qu'un traité complet sur les formes de procéder devant la Cour de cassation; il a fait précéder ce travail d'un aperçu intéressant sur l'ancien Conseil du roi.

BELGIQUE.

Portraits de femmes dans la poésie épique de l'Inde, fragments d'études morales et littéraires sur le Mahabharata, par Félix Nève, professeur à la Faculté des lettres de l'Université de Louvain. Bruxelles, Auguste Decq, 1858, in-8°, II-123 pages. - Dans une introduction de vingt-trois pages, M. Félix Nève traite d'abord du sort de la femme dans l'Inde ancienne, et il essaye de prouver, à l'aide de citations nom

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breuses, que la place donnée à la femme dans le monde social des Indous était « bien supérieure à celle qui lui était faite, soit dans l'antiquité hellénique, soit chez « les nations musulmanes. Cette thèse est très-vraie, quoique jamais la société indienne n'ait pu se soustraire à l'influence de la polygamie. M. Félix Nève étudie ensuite deux figures de femmes, Draoupadî et Damayantî, d'après le Mahâbhârata, et celle de Sakountalà, d'après cette épopée et d'après le drame de Kalidâça. Dans une quatrième étude, M. Félix Nève peint, pour compléter les précédentes, « une famille de brahmanes dans les temps héroïques de l'Inde, » et il traduit l'épisode des Lamentations du brahmane. Le nouveau travail de M. Félix Nève sera lu avec un vif intérêt.

ITALIE.

Annali dell' Instituto di correspondenza archeologica, volume vigesimo nono. Annales de l'Institut de correspondance archéologique, tome vingt-neuvième. Roma, tipografia Tiberina, Paris, librairie de Benjamin Duprat, 1858, in-8° de 363 pages, avec dix planches. On connaît l'importance de cet excellent recueil pour les études archéologiques. Parmi les mémoires et dissertations compris dans ce XXIX volume, on remarquera particulièrement un compte rendu des fouilles exécutées près du mont Aventin et du couvent de Sainte-Sabine, par M. C. Descemet; une notice sur les découvertes faites à Ostie, de 1855 à 1858, par M. C. L. Visconti; des observations sur le prénom étrusque Thana, par M. A. M. Migliarini; une notice sur un diplôme militaire d'Adrien, par M. G. Henzen, et des articles variés sur un grand nombre de monuments de sculpture, de vases peints et de médailles. Les publications de l'Institut de correspondance archéologique comprennent, chaque année, un volume d'Annales, un volume de Bulletin de correspondance et une livraison de douze planches de Monuments inédits, format grand in-folio.

TABLE.

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Studies on Homer and the homeric age, etc. Études sur Homère et les temps homériques, etc. par W. E. Gladstone. (Article de M. Villemain)...

La vérité sur le procès de Galilée. (3o article de M. Biot.).....
De quelques manuscrits de Buffon. (2o article de M. Flourens.). . . . . . .

The Mahawanso, in roman characters, etc. Le Mahâvamsa, en caractères la-
tins, etc. Eastern monachism, etc. Les moines de l'Orient, etc. A Ma-
nual of buddhism in its modern development, etc. Manuel du bouddhisme
dans son développement moderne, etc. (4° article de M. Barthélemy Saint-
Hilaire.)..

Les Ennéades de Plotin, traduites par M. N. Bouillet. (Article de M. Ch. Lévêque.)
Nouvelles littéraires....

FIN DE LA TABLE.

Pages.

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543

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589

DES SAVANTS.

OCTOBRE 1858.

Etude du chant d'Eulalie ET DU FRAGMent de Valenciennes.

PREMIER ARTICLE.

Préliminaires.

J'ai conçu, il y a déjà quelque temps, et même exprimé l'idée que la langue d'oc et la langue d'oil, ou, sous une appellation commune, la langue des Gaules, occupe, entre les idiomes romans, une place particulière. L'espagnol, le français, l'italien et le provençal, pour ne nommer que les quatre grands embranchements, sont frères ; ils ont pour père le latin. Rien ne représente mieux à l'esprit la supériorité de cette Rome souveraine que l'empreinte laissée sur l'Italie latine au commencement pour si peu, sur l'Espagne ibérienne et celtibérienne, sur la Gaule celtique. Tant de peuples qui, ce semble, ne devaient jamais parler latin, ont désappris leur langue et ont appris celle des dominateurs de l'ancien monde; et les hommes illustres dans la politique, dans les armes et dans les lettres, qui fondèrent la prodigieuse grandeur de la ville aux sept collines, ont réussi plus que ne pouvait espérer la fragilité des choses humaines; ils ont transformé en héritiers directs de leurs pensées et de leur langue des nations puissantes par la parole et par le bras, illustres dans le passé et dans le présent, et à qui nul avenir n'est encore interdit. Mais est-il vrai que ces quatre embranche

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