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<«<lui ai recommandé de montrer toujours l'intention d'obéir et de se «< soumettre à tout ce qu'on lui ordonnera, cette voie étant la seule par « laquelle il puisse mitiger l'irritation de la personne qui s'est violemment « échauffée, et qui traite cette affaire comme sa cause propre.

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Le 27 février Niccolini annonce officiellement à Urbain VIII l'arrivée de Galilée à Rome, dans sa maison, en faisant valoir les sentiments de soumission et d'entière obéissance aux ordres de l'autorité ecclésiastique dont il lui a paru pénétré. Le pape répond « qu'il l'a traité avec une << douceur et une clémence inusitées, en permettant qu'il demeurât chez « l'ambassadeur au lieu d'être immédiatement transféré au Saint-Office, «< comme on n'en a pas exempté des princes mêmes, dont un, de la «maison de Gonzague, a été amené à Rome par un garde du SaintpenOffice, et conduit immédiatement au château, où il a été détenu

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<< dant beaucoup de temps jusqu'à ce que son procès fût fini. S'il a ainsi « favorisé Galilée, c'est uniquement par considération pour Son Altesse « le grand-duc, à laquelle il a l'honneur d'appartenir comme un de ses << serviteurs. » Du reste ce sont toujours les mêmes plaintes de sa témérité, seulement exprimées avec un peu moins de colère.

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Le temps se passe et Galilée continue de rester retiré dans la maison de l'ambassadeur, sans recevoir aucune communication officielle de la part du Saint-Office. Le 13 mars, Niccolini va rendre visite au pape, sous le prétexte de lui présenter les remercîments du grand-duc pour la faveur qu'il a faite à Galilée de permettre qu'il demeurât chez son ambassadeur, au lieu d'être détenu au Saint-Office; et il en prend occasion d'adresser à Sa Sainteté les supplications les plus pressantes pour que l'affaire de ce pauvre vieillard soit promptement expédiée. Le pape répond avoir volontiers accordé cette facilité en l'honneur de Son Al<< tesse; mais qu'il ne faut pas croire pour cela que l'on puisse faire moins << que d'appeler l'inculpé au Saint-Office quand il devra être examiné, parce que c'est l'usage et qu'on ne saurait agir autrement. >> Niccolini allègue le grand âge de Galilée, sa mauvaise santé, sa promptitude à venir se soumettre aux censures qui pourraient lui être infligées, circonstances qui le rendent digne de toute faveur. « A cela, répond le pape, « je vous répète encore que l'on ne pourra faire moins; et que Dieu lui «<pardonne d'être entré dans ces matières, où il s'agit de doctrines nou« velles, et de la sainte Écriture; étant toujours mieux de suivre la doc<«<trine commune. Que Dieu soit aussi en aide au Ciampoli pour ces nou<< velles opinions, parce que lui aussi y prend goût, et se montre enclin « à la nouvelle philosophie. Le signor Galilée a été mon ami, nous avons «plusieurs fois conversé familièrement ensemble, et mangé à la même

<table. J'ai regret de l'affliger, mais il s'agit de la foi et de la religion. >> Niccolini proteste que, si Galilée est entendu, il donnera sans difficulté toute satisfaction, avec le respect qui est dû au Saint-Office. A quoi le pape répond : «Il sera examiné en son temps. Mais il y a un argument auquel lui et ses adhérents n'ont jamais pu, ni ne pourront jamais ré«<pondre. C'est que Dieu est tout-puissant; et s'il est tout-puissant, pourquoi « voudrions-nous lui imposer des nécessités? » C'est là précisément l'argument péremptoire, irréfutable, que le Simplicius des dialogues prétend avoir appris d'une personne très-docte et très-éminente. Elle ne pouvait donc être autre qu'Urbain VIII. Niccolini, qui ne faisait pas ce rapprochement, essaye d'excuser Galilée; mais le pape, s'échauffant, retourne à dire : « Il ne faut pas imposer de nécessités à Dieu. » Le voyant s'irriter, Niccolini s'arrête, et, craignant de risquer lui-même quelque hérésie qui pourrait le mettre mal avec le Saint-Office, il revient à solliciter sa compassion pour qu'il continue la grâce qu'il a déjà faite à Galilée de permettre qu'il ne sortît pas de sa maison. A quoi le pape répond : « qu'il lui fera « donner certains appartements particuliers, lesquels sont les meilleurs et les plus «< commodes du Saint-Office. » Niccolini le remercie de cette nouvelle grâce dont il rendra compte au grand-duc... « Revenu chez moi, dit-il en ter<<minant sa lettre, j'ai rapporté au signor Galilée une partie de cet en<< tretien, mais je ne lui ai pas dit que l'on se propose de l'appeler à com<< paraître au Saint-Office, parce que je suis certain que cette annonce <«<lui donnerait un grand tourment, et le ferait vivre dans l'inquiétude «jusqu'à ce moment-là, le pape m'ayant déclaré, relativement à l'expé«<dition de l'affaire, qu'on ne saurait jusqu'ici prévoir quand elle aura «lieu, et que l'on fera tout ce qui sera possible pour la hâter. »

En dehors de ces démarches officielles, Niccolini ne négligeait aucun soin pour se tenir au courant de ce qui se préparait. Déjà, le grand-duc ayant appris que les cardinaux Scaglia et Bentivoglio feraient partie de la congrégation formée par le pape, leur avait écrit particulièrement pour leur recommander Galilée. Niccolini parvient à découvrir le nom des huit autres qui seront adjoints à ceux-là, et, par une dépêche datée du 9 mars, il demande que Son Altesse leur fasse le même honneur, de peur qu'ils ne s'imaginent qu'elle a pour eux moins d'estime ou leur accorde moins de confiance. Ces lettres furent immédiatement écrites; et ceux à qui elles étaient adressées les reçurent avec une reconnaissance mêlée de beaucoup d'hésitation, en s'excusant de ne pas y répondre de peur de se rendre suspects. Tous se trouvèrent ainsi intérieurement disposés à des sentiments de modération et d'indulgence, quoiqu'ils n'osassent pas les manifester extérieurement.

Le jour de Pâques approchait, et il était probable que le procès n'au-. rait lieu qu'après les fêtes. Le mercredi 6 avril, le cardinal Barberino fait dire à l'ambassadeur qu'il désire le revoir. Celui-ci se rend le lendemain chez le cardinal, et, dans une lettre en date du 9 avril, il rend compte de cette entrevue. — «Le cardinal Barberino me dit avoir été chargé « par Sa Sainteté et par la congrégation du Saint-Office, de m'apprendre « qu'afin d'expédier l'affaire du signor Galilée, on ne pouvait pas se dis«penser de l'appeler à se présenter en personne au Saint-Office, et que, «ne sachant pas si une seule séance de deux heures suffira pour la ter« miner, il se pourrait qu'il devînt nécessaire de l'y retenir pour le besoin « de la cause; que l'on a voulu me faire connaître cette détermination, « par égard pour la maison de l'ambassade où il habite actuellement, «< pour moi-même à titre de ministre, comme aussi en raison des bons << rapports que Son Altesse Sérénissime entretient avec le Saint-Siége, «< particulièrement dans les matières qui concernent l'inquisition; et enfin « par le respect dû à un prince aussi zélé qu'il l'est pour la religion. Après « avoir beaucoup remercié Son Éminence, de la considération que le « Saint-Père et la congrégation montraient envers cette sérénissime rési«dence, et envers moi comme ambassadeur, j'ajoutai ne pouvoir me dispenser de représenter la mauvaise santé de ce bon vieillard, qui, depuis deux nuits, n'a fait que gémir et se plaindre de ses douleurs de goutte; son grand âge; le tourment d'esprit qu'il va ressentir; et que, «par toutes ces considérations, je croyais pouvoir supplier Sa Sainteté « de réfléchir si elle ne trouverait pas convenable de permettre qu'il re«< vînt coucher chaque soir à l'ambassade, en lui imposant l'obligation « de ne rien révéler de ses interrogatoires, sous peine de censure. Le «< cardinal me parut ne pouvoir espérer aucune permission de ce genre, <«< quoique, dans la suite de la conversation, je le suppliai de faire sur ce « sujet quelque réflexion. Mais, en échange, il m'offrit pour lui toutes les « commodités désirables; qu'il ne serait pas tenu comme en prison, ni << mis au secret comme cela est d'usage pour les inculpés ordinaires, mais << qu'on lui donnerait de bons appartements, dont même les portes pour<< raient bien être laissées ouvertes. Ce matin, j'ai eu aussi l'occasion de « voir le pape; et, après que je lui eus fait mes remercîments pour la << communication anticipée dont il avait bien voulu me favoriser, il « m'a témoigné de nouveau le déplaisir qu'il ressentait de ce que Galilée a fùt entré dans ces matières, qu'il estime être extrêmement graves, et « de grande importance pour la religion. Lui, néanmoins, prétend sou« tenir très-bien ses opinions. Mais je l'ai exhorté, pour en finir plus vite, à ne pas s'inquiéter de les défendre, mais à recevoir avec soumission

<< tout ce que l'on voudra qu'il croie, ou qu'il tienne pour vrai, quant à la « mobilité de la terre. Il se montre profondément affligé de tout cela, <«<et je l'ai vu si abattu, que je crains beaucoup pour sa vie. On a obtenu << qu'il puisse garder avec lui un domestique, et avoir toutes les autres «< commodités qui lui sont nécessaires. Nous travaillons, tous tant que « nous sommes ici, à le consoler, et à lui venir en aide, par nos amis, «< près des personnes qui prennent part à ces délibérations. Car, vérita«blement, il mérite toutes sortes de bontés; et toute ma maison, qui « l'aime extrêmement, ressent une peine indicible de ce qui lui arrive. » Dans notre prochain article nous suivrons Galilée hors de ce lieu de refuge, où il avait été si bien accueilli; et, témoins invisibles, nous l'accompagnerons en présence des inquisiteurs.

(La suite à un prochain cahier.)

J. B. BIOT.

DE QUELQUES MANUSCRITS De Buffon.

PREMIER ARTICLE.

La bibliothèque du Muséum s'est enrichie, dans ces derniers temps, de quelques manuscrits de Buffon. Notre savant bibliothécaire, M. Desnoyers, les a réunis avec soin, les a classés d'après la grande édition de Buffon, et en a composé sept cahiers assez inégaux.

De ces sept cahiers, deux appartiennent à l'Histoire des minéraux. Je les examinerai dans un second article. Les cinq autres appartiennent à l'Histoire des oiseaux, et feront l'objet de celui-ci.

Ces cinq cahiers répondent aux tomes VI, VII, VIII et IX de l'édition in-4° de l'Imprimerie royale, et comprennent, d'une manière plus ou moins incomplète, les histoires de l'oiseau - mouche, du colibri, des perroquets, des pics, des martins - pêcheurs, etc. - des oiseaux d'eau : la cigogne, la grue les hérons, la bécasse, l'ibis, les courlis, les oluviers, le

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Ajoutez le jabiru, la demoiselle de Numidie, le cariama, le secrétaire, es crabiers, les butors, le bihoreau, le savacou, la spatule, la bécassine, les barges, les chevaliers, les combattants, les maubêches, le bécasseau, la guignette, l'alouette de mer, le cincle, le vanneau, l'échasse, le coure-vite, le tourne-pierre, le merle d'eau, la grive d'eau, lc

pélican, le cormoran, le flamant, le cygne, l'oie, les canards, les sarcelles, les pétrels, les pingouins, etc.

Presque tout cela est de la main de Bexon, du moins comme première rédaction; car les rédactions, ou plutôt les copies, se succèdent, et, avec les copies de Bexon, les corrections de Buffon.

En général, voici comment on procède. Bexon fait une première rédaction et l'envoie à Buffon. Buffon corrige et renvoie à Bexon. Bexon recopie, Buffon recorrige; et cela se renouvelle ainsi jusqu'à trois, quatre et cinq fois de suite.

Tout ce procédé de travail se voit ici parfaitement; mais on pouvait déjà s'en faire une idée par les lettres de Buffon à l'abbé Bexon, lettres qui ont été publiées d'abord par François (de Neufchâteau) dans le Conservateur de l'an VIII1, et que j'ai reproduites dans mon Histoire des travaux et des idées de Buffon2.

Je lis, dans la huitième de ces lettres, «Envoyez-moi vos oiseaux« mouches et colibris, j'aurai le temps de les recevoir et d'y travailler << avant mon départ 3; » dans la septième, « Lorsque j'aurai revu cet ar«ticle (celui des martins-pêcheurs), je vous en enverrai la copie corrigée, << à laquelle vous retrancherez, ajouterez ou changerez ce que vous croirez <<< nécessaire; » dans la douzième, « Voilà le cormoran que je vous renvoie « avec les premières corrections, car j'en ai fait de plus grandes sur la « seconde copie; mais en tout il est bien et n'a pas laissé de vous coûter « beaucoup de temps pour les recherches;» et, dans la treizième, « Vous << trouverez, dans ce paquet, votre article du paille-en-queue avec assez «< peu de corrections; c'est un de ceux que vous avez le mieux écrits, et « je m'aperçois de plus en plus que chaque jour vous vous perfectionnez que la belle imagination ne vous abandonne guère. »

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« et

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L'imagination, la belle imagination, un certain feu d'imagination, du moins, était, en effet, la qualité dominante de l'abbé Bexon. Il avait plus d'imagination que de goût. Il avait ce que donne l'imagination : le travail facile, l'expression brillante, mais vague, et n'avait pas ce que le goût seul donne le travail difficile et l'expression juste.

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«Toutes les fois, lui écrit Buffon, que l'on traite un sujet dans un

canut, le rále de terre ou de genêt, le rôle d'eau, le caurale, la poule d'eau, le jacana, la morelle, les phalaropes, les grêbes, les plongeurs, les hirondelles de mer, l'oiseau da Tropique ou paille-en-queue, le labbe, la frégate, l'anhinga, le bec-en-ciseaux, le noddi, l'avocette, le cravant, l'eider, la bernache, l'albatros, le macareux: Le Conservateur ou recueil de morceaux inédits d'histoire, de politique, de littérature et de philosophie, t. I, p. 101 et suiv. Paris, 1850 (seconde édition). — En général, les leitres de Buffon sont écrites de Montbard.

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