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à dire, en parlant de la religion de la Taprobane, qu'on y adore Hercule1. C'est une assimilation bien inattendue, si l'on doit, sous les traits d'Hercule, reconnaître le Bouddha.

Il faut arriver jusqu'à Fa-hian (399-416 après J. C.), le pèlerin chinois, pour obtenir un premier témoignage personnel sur Ceylan. Nous ne prétendons point, certainement, que Fa-hian soit un historien très-exact ni très-clair; mais, comme il parle de ce qu'il a vu, son récit mérite une attention toute particulière. Après avoir séjourné deux ans entiers dans le royaume de Tâmralipti, au sud-ouest du Gange, il s'embarque sur un navire marchand qui fait voile pour Simhala ou le Royaume des Lions2. La navigation dure quatorze jours entiers pour arriver à de petites îles qui bordent Simhala, et qui sont, dit Fa-hian, au nombre d'une centaine3. Il trouve la religion bouddhique en pleine prospérité, et il n'y a pas une contrée de l'Inde parcourue par lui où elle fût cultivée avec plus de ferveur. Fa-hian admet sans hésiter, d'après les traditions locales, que Fo, le Bouddha, est venu à Simhala, et qu'il y a laissé deux empreintes de ses pieds sacrés, l'une au nord de la ville royale, et l'autre sur une haute montagne, le fameux pic d'Adam, qui est la plus élevée de toute l'île, et qui a près de 2,000 mètres de hauteur. Fa-hian recueille aussi la tradition singhalaise sur la branche de l'arbre Bodhi, transportée miraculeusement de l'Inde à Simhala, et sur la dent du Bouddha. Cette inestimable relique est exposée chaque année publiquement à l'adoration des habitants. La procession solennelle a lieu à l'époque de la troisième lune. Un héraut va l'annoncer dans tout le pays plusieurs jours à l'avance, et le peuple se rassemble en foule. On montre, dans cette procession, des tableaux qui représentent les cinq cents manifestations diverses du Bouddha, et qui raniment le pieux souvenir de ses mérites et de ses miracles.

Pour desservir un culte qui paraît si florissant, le Royaume des Lions, Simhala, possède un clergé nombreux et opulent. Au couvent de la Montagne de la sécurité (Abhayagiri), Fa-hian trouve cinq mille religieux. Dans un autre couvent, qu'on appelle le Grand Couvent5, il y en a trois mille;

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Pline, Hist. nat. liv. VI, ch. xxiv, p. 256, édit. et trad. Littré. 2 Foe-koueki, de M. Abel-Rémusat, ch. xxXVII, avec les savantes notes de M. Landresse. Sur le nom de Simhala, voir Eugène Burnouf, Mémoire sur les noms anciens de Ceylan, Journal asiatique, janvier 1857, p. 54 et suiv. 3. Ce sont les îles du détroit de Manar. Foe-koue-ki, de M. Abel-Rémusat, ch. XXXVIII. Fa-hian ne parle que de cinq cents manifestations; d'ordinaire, on en compte cinq cent cinquante; ce sont les fameux Djâtakas ou naissances successives du Tathagata. Id. chap. XXXIX, p. 350. Fa-hian, tout en donnant ces détails, est bien loin d'apporter à son récit l'exactitude minutieuse et fort louable que Hiouen-thsang met au sien.

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ailleurs, à la chapelle de la Bodhi, ils sont encore deux mille. Dans la capitale, qui est fort belle, et dont Fa-hian oublie de donner le nom, le roi en nourrit à lui seul de cinq à six mille. Le pèlerin chinois estime, d'après ce qu'il a vu, que l'île entière doit renfermer de cinquante à soixante mille religieux. C'est, du moins, le chiffre approximatif que lui ont indiqué les gens du pays. Tous ces religieux sont individuellement aussi pauvres que l'exige la loi de Fo; tous les matins, ils sortent, portant à la main leur vase aux aumônes; et ils attendent, sans rien dire, que la charité ou la commisération des laïques le leur ait rempli. Mais, si les individus sont absolument dénués, les temples sont extrêmement riches; et les rois se plaisent à leur faire des donations splendides; elles s'accumulent de siècle en siècle, et finissent par former des propriétés énormes1.

Le peuple n'est pas moins pieux que ses rois, et les quatre castes s'assemblent régulièrement trois fois par mois, le huitième, le quatorzième et le dix-huitième jour de chaque lune, pour écouter la prédication sainte. Elle se fait du haut d'une chaire d'où le religieux chargé de ce soin s'adresse à la multitude attentive. Fa-hian assiste lui-même à plusieurs de ces prédications bienfaisantes; et dans une, entre autres, il entend raconter tout au long l'histoire admirable du pot du Bouddha2. Le dévot pèlerin aurait bien désiré recueillir cette adorable légende; mais, par malheur, celle-là, telle qu'il l'a entendu débiter, n'est pas écrite. D'ailleurs, comme le clergé est très-instruit, Fa-hian put faire une ample provision d'ouvrages et de livres écrits dans la langue fan3.

Tous ces renseignements, donnés par Fa-hian, sont du plus grand prix, et ils nous montrent le bouddhisme dans toute sa splendeur et sa puissance, au v° siècle de notre ère, plus vivace à Ceylan qu'il ne l'est dans l'Inde, bien que l'Inde le lui ait transmis. Sans doute, en deux ans de séjour, Fa-hian aurait pu, si le but de son voyage eût été moins étroit et son esprit moins préoccupé, nous en apprendre bien davantage sur le curieux pays qu'il visitait. Bien que les Chinois n'eussent pas

1 Foe-koue-ki, de M. Abel-Rémusat, ch. xxxix, p. 351. Ces donations aux couvents sont encore aujourd'hui considérables; et, comme elles sont en général soustraites à toutes obligations légales et à toutes redevances, c'est une source de diffi

cultés assez graves pour l'administration anglaise. 2 Id. ibid. On sait que le pot du Tathagata est une des reliques qui ont eu le plus de succès, avec son balai, son habit, etc. sans parler de ses dents, de ses prunelles, de ses ongles, etc. elc. 'Foue-koue-ki, de M. Abel-Rémusat, ch. Lx et dernier. La langue fan ou des brahmanes est le sanscrit. Il est possible, d'ailleurs, que, sous ce nom, Fa-hian comprenne le pâli tout aussi bien que le sanscrit.

de très-fréquents rapports avec le Royaume des Lions (Sse-tsea-koue), il est certain qu'ils y étaient attirés par le commerce longtemps avant que Fa-hian y vînt; et Pline l'atteste avec des détails qui sont irrécusables'. Tout ce que Fa-hian nous apprend, en dehors des matières religieuses, c'est que la capitale du pays était fort belle, circonstance qui s'accorde parfaitement avec ce qu'en disaient les ambassadeurs envoyés à l'empereur Claude2, et que le royaume jouissait d'une paix perpétuelle. Ceci sans doute veut dire simplement que la paix ne fut pas troublée à Simhala durant tout le temps qu'y séjourna le pèlerin chinois; car cette tranquillité ne s'accorde guère avec ce qu'on sait du caractère des habitants de l'île et avec toute leur histoire, depuis Râvana, le fabuleux ravisseur de l'épouse de Râma, jusqu'aux insurrections de nos jours.

Avec Fa-hian commence la série non interrompue des documents authentiques, sans que, d'ailleurs, les documents indigènes soient aussi exacts et aussi clairs qu'on pourrait le souhaiter. Le Mahávamsa a été composé, du moins pour sa première partie, quelques années après le voyage de Fa-hian.

Quant à Hiouen-thsang, dont M. Stanislas Julien nous a révélé tous les mérites en traduisant ses Mémoires et l'Histoire de sa vie3, il n'a pas eu l'avantage de visiter Ceylan, comme il se le proposait. Parvenu dans le royaume de Drâvida, Inde du sud, il est dans la capitale, Kântchîpoura, qui est un port de mer, et il se propose de passer dans l'île de Simhala, qui n'est qu'à trois jours de navigation. Mais il en est détourné par deux religieux qui ont fui précipitamment de ce pays et qui l'engagent à n'y point aller. Le roi vient de mourir; et l'île entière est en proie à la guerre civile, en même temps qu'à la famine. Ces nouvelles effrayantes sont confirmées par d'autres fugitifs, et Hiouen-thsang se dé

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'Pline, Histoire naturelle, liv. VI. ch. xxiv, édition et traduction Littré. Tout ce que Pline raconte de la Taprobane paraît emprunté aux récits des ambassadeurs venus à Rome sous le règne de Claude. Pline avait pu les voir personnellement et les interroger. Pline, ibid. atteste que, dans la Taprobane, il n'y avait ni procès, ni tribunaux. Sans doute ce renseignement est assez suspect; mais il est remarquable qu'il s'accorde si bien avec le témoignage de Fa-hian. Les ambassadeurs disaient aussi que la ville royale, qu'ils appelaient Palasimundum, comptait deux cent mille habitants. Sur Palasimundum, voir Eug. Burnouf, Journal asiatique, janvier 1857, p. 87. Sur l'Histoire de la vie et des voyages de Hiouen-thsang et sur ses Mémoires, voir le Journal des Savants, années 1855, 1856 et 1857. C'est surtout dans la Biographie de Hiouen-thsang que se trouvent les détails qu'il a pu recueillir sur Ceylan. Dans les Mémoires, où il ne parle guère que de ce qu'il a vu personnellement, il est beaucoup moins explicite. Il sera bon cependant de rapprocher les deux ouvrages, afin de les compléter l'un par l'autre.

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cide avec prudence à ne point tenter un voyage si périlleux, et, selon toute apparence, si peu utile. Mais il prend de longues informations sur la contrée qu'il regrette de ne point voir; car la science des religieux qui l'habitent est très-renommée; et le Maître de la Loi se proposait d'étudier avec leur aide certains ouvrages canoniques qu'il n'avait point encore suffisamment approfondis.

Il apprend donc que le royaume de Simhala, appelé jadis l'île des Choses Précieuses, l'île des Perles, Ratnadvîpa, est une vaste contrée qui n'a pas moins de 7,000 li de tour (700 lieues). La capitale, qui est considérable, en a 40 (4 lieues)'. La population y est très-agglomérée; la terre, très-fertile. Les habitants sont de couleur noire; ils sont en général petits de taille, violents et féroces. Le culte du Bouddha, qui s'y est introduit cent ans après le Nirvâņa, y est en grand honneur. On ne compte pas moins de 100 couvents ou Samghârâmas dans l'île, et les religieux y sont bien au nombre de 10,000. Ils sont pleins de science et de piété; et, au lieu de porter l'habit jaune comme les Cramaņas de l'Inde, ils sont vêtus de noir. Ils appartiennent pour la plupart à l'école du Grand Véhicule, et surtout à celle des Sarvâstivâdas 2. Le vihâra de la dent du Bouddha est auprès du palais du roi3.

Hiouen-thsang rapporte ensuite deux légendes sur l'origine du nom de Simhala, le Royaume des Lions. L'une de ces légendes est absurde; car c'est un lion, qui, s'accouplant à la fille d'un roi, est la souche des habitants de l'île. Le fils du lion, qui a tué son père, est abandonné sur mer en punition de son parricide, et le vent pousse son navire sur les côtes de l'île des Choses Précieuses. Sa sœur, qui est aussi coupable que le frère, à ce qu'il paraît, est mise également sur mer dans un vaisseau qui vient aborder en Perse (Po-la-sse), pays qui depuis ce temps s'appelle

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'Histoire de la vie de Hiouen-thsang de M. Stanislas Julien, page 194. Cette mesure de la circonférence de Ceylan est trop forte de beaucoup; Ceylan, qui a 100 lieues de long à peu près, sur 50 de large, et qui est de forme ovale, ne peut pas même avoir 400 lieues de tour. Mais, an temps de Hiouen-thsang et de Fa-hian, il était bien difficile d'avoir des appréciations exactes. C'est ainsi que Fa-hian compte 935 lieues des bouches du Gange à Ceylan; il n'y en a guère plus de la moitié. Ibid. p. 199. Pour tous ces détails, la Biographie n'a fait que copier les Mémoires. Il faut remarquer que ceci est en parfaite conformité avec les croyances actuelles du peuple de Ceylan. On a vu plus haut, que la dent du Bouddha jouait toujours un grand rôle dans les agitations populaires, parce qu'on s'imagine que celui qui la possède a des droits à la souveraineté. Ce que dit Hiouen-thsang du caractère violent et féroce des habitants de Simhala se rapporte à cette partie de la population qui est restée presque sauvage, même encore de nos jours, et qui se cache dans les parties les plus centrales et les plus boisées de la contrée. Ce sont les Oueddas, dont les mœurs en effet sont féroces, comme on le dit au pèlerin chinois.

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