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plantes rend nettement ce que je désire faire comprendre quand je parle de la succession géographique des patois; et ni M. Grandgagnage, qui consigne avec soin les noms de plantes et d'animaux, ni M. le comte Jaubert, qui est un botaniste habile, ne me la reprocheront. É. LITTRÉ.

ÉTUDES SUR LA Grammaire védiqUE, Prâtiçákhya du Rig-Véda, première lecture ou chapitres 1 à vi, par M. Ad. Regnier, membre de l'Institut (Extrait du Journal asiatique, no 4 de l'année 1856). Paris, Imprimerie impériale, 1857, in-8°, 315 pages. RIG-VEDA, oder die heiligen Lieder der Brahmanen, herausgegeben von Max-Müller, mit einer Einleitung, Text und Uebersetzung des Prátiçákhya oder der ältesten Phonetik und Grammatik enthaltend, Erste Lieferung. Leipsick, F. A. Brockhaus, 1856, gr. in-4o, LXXII-100; Zweite Lieferung, 1857, LXXIII à CXXVIII-101 à 200. Le Rig-Véda, ou les Chants sacrés des brahmanes, publiés par M. Max-Müller, avec une introduction, renfermant le texte et la traduction du Prátiçákhya, ou de la phonétique et de la grammaire les plus anciennes, 1re et 2o livraison.

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DAS VADJASENEYI PRATIÇAKHYAM, von Dr Albrecht Weber, indische Studien, vierter Band, Erstes Heft. Le Prátiçákhya du YadjourVéda, par le Docteur Albrecht Weber. Berlin, 1857, Études indiennes, IVe volume, 1er cahier.

TRAITÉ DE LA FORMATION DES MOTS DANS LA LAngue grecqUE, avec des notions comparatives sur la dérivation et la composition en sanscrit, en latin et dans les idiomes germaniques, par Ad. Regnier. Paris, 1855, in-8°, vII-404 pages.

APOLLONIUS DYSCOLE, Essai sur l'histoire des théories grammaticales dans l'antiquité, par E. Egger. Paris, 1854, in-8°, 11-349 pages.

DEUXIÈME ARTICLE1.

Pour bien comprendre le caractère et la valeur de la philologie Voyez, pour le premier article, le cahier de décembre 1857.

indienne, il faut, en étendant le cercle, la comparer à la philologie de nos jours et à la philologie des Grecs, des Latins et même à celle des Arabes. Au point où en sont aujourd'hui les études de linguistique, nous pouvons emprunter à l'histoire du passé des enseignements fort clairs; et il est facile d'être juste et de rendre à chacun ce qui lui est dû, quand on peut établir une mesure commune. La philologie a pris, dans ce siècle, des développements considérables, et elle a pu se constituer à l'état de science avec une solidité et une promptitude tout à fait inattendues. En partant de l'état actuel des choses, on verra plus nettement comment on a pu y parvenir, et par quels degrés successifs a dû passer l'esprit humain pour arriver à ces connaissances aussi certaines qu'importantes. De tous les problèmes qu'offre la nature de l'homme, il n'en est pas de plus délicat, de plus curieux ni de plus fécond que celui de la parole. Il ne s'agit plus, pour la philologie, telle qu'on doit la pratiquer quand on veut en faire une véritable science, de remonter à l'origine du langage parmi les hommes, et de sonder encore une fois cet impénétrable mystère relégué au début des temps; il s'agit simplement pour elle d'observer les faits que présentent les langues dans les conditions où elles nous sont accessibles, et de ces faits rapprochés les uns des autres, de tirer des conséquences assurées et vraiment scientifiques. Ce sera un honneur pour notre temps d'avoir fondé ces fortes et lumineuses études; et, malgré quelques faux pas, les résultats obtenus sont dès à présent inébranlables, et promettent des succès nouveaux. Dans une carrière où se sont signalés les Guillaume de Humboldt, les Schlegel, les Rosen, les Burnouf, pour ne point nommer des vivants illustres, on peut avancer hardiment; et, si l'on sait user de leur méthode circonspecte, on n'a point à craindre ni de mécompte ni d'er

reur.

Aujourd'hui le vaste domaine de la philologie comparée est, on peut dire, arrivé aux dernières limites qu'il puisse atteindre. On connaît à peu de chose près toutes les langues que les hommes parlent ou qu'ils ont parlées; il n'est pas probable que l'on ait à faire quelques découvertes essentielles qui auraient, jusqu'à cette heure, échappé aux investigations. Sans doute on est bien loin de savoir sur ces langues tout ce qu'on en saura plus tard, quand l'analyse aura été poussée, pour chacune d'elles, aussi loin qu'elle peut l'être, et quand, de ces études particulières suffisamment approfondies, il sera possible de faire sortir l'ensemble d'un système définitif et complet. Ce sera l'œuvre d'un avenir qui, pour être lointain, n'a rien d'obscur ni de douteux pour nous. On voit le but, tout reculé qu'il est encore; et nous pouvons nous flatter

sans hésitation d'être sur la voie qui doit y mener. Mais, sans porter si avant ses regards, on peut se satisfaire de conquêtes déjà bien assez belles; et ce qu'on a fait depuis un demi-siècle répond de ce qu'on ne manquera pas de faire avec quelques siècles encore de labeurs persévérants.

Laissant de côté l'hypothèse d'une langue primitive d'où toutes les autres seraient issues, la philologie comparée a pu, du moins, ranger dans des classes distinctes toutes les langues connues selon leurs affinités ou leurs différences; elle a pu les diviser par familles qui n'ont rien de factice ni d'arbitraire, depuis les plus parfaites jusqu'aux plus informes; et il en est bien peu qui se soient montrées rebelles à ses classifications. C'est là un point capital; et il n'a été donné qu'à la philologie de notre temps de faire cette revue générale de ses richesses et des matériaux qu'elle doit exploiter. D'un autre côté, elle n'a pas moins gagné en profondeur qu'en surface; et jamais on n'avait pénétré aussi intimement dans la constitution des langues. On a suivi les plus savantes d'entre elles dans leurs éléments primordiaux; on les a scrutées dans leurs formes principales, et l'on s'est rendu compte, mieux qu'on ne l'avait jamais fait, de ces artifices si variés et toujours si merveilleux par lesquels l'homme exprime sa pensée. On a défini d'une manière rigoureuse la nature des mots de diverses espèces, on a défini aussi précisément leurs rapports, et l'on n'a pas moins fait pour la syntaxe que pour l'étymologie.

Comment la philologie moderne a-t-elle pu se constituer si vite et si puissamment? Bien des causes de différents genres ont concouru à ce brillant résultat, et il serait trop long de les énumérer ici. Pour les expliquer et les apprécier toutes, il faudrait remonter à trois siècles et demi en arrière et demander à l'hébraïsme les germes de tout ce qui a suivi. Cultivé d'abord par passion religieuse, et plus tard par un amour désintéressé de la science, l'hébraïsme était arrivé, avant les récentes découvertes, à une perfection que n'offrait aucune autre grammaire. De l'hébreu étudié pour lui-même, les savants étaient passés aux autres langues sémitiques pour éclaircir d'autant plus sûrement le livre saint; et, comme ils alliaient pour la plupart l'étude des langues classiques à celle de la langue sacrée, le champ de leurs investigations s'était étendu progressivement. Déjà on pouvait trouver, au xvm siècle, que ce champ était assez vaste; mais l'hébraïsme, tout parfait qu'il pouvait être, n'aurait pas suffi. Comme, entre lui et les langues classiques, il y avait un abîme infranchissable, tous les efforts seraient demeurés à peu près stériles, et la philologie comparée aurait pu tarder encore beaucoup à

naître. L'idée hypothétique de la langue primitive avait longtemps dominé toutes les recherches sans pouvoir les féconder.

Ce fut la découverte du sanscrit, à la fin du dernier siècle et dans les premières années de celui-ci, qui vint donner à ces études encore indécises le centre et l'organisation qu'elles cherchaient. De la Société asiatique de Calcutta, fondée par le génie de William Jones, en 1784, la connaissance du sanscrit se répandit en Europe, où elle devait porter tous ses fruits. Ce fut comme une révélation. Toutes les langues de l'Occident, dans leurs ramifications principales et secondaires, depuis les temps les plus anciens jusqu'aux idiomes contemporains, y furent rattachées par les liens les plus étroits et les plus évidents. Grecs et Latins, Celtes, Germains, Slaves, toutes les grandes races historiques tenaient philologiquement à ce tronc commun. On avait cru longtemps, sur la foi de traditions .vénérées, que le genre humain tout entier avait eu son berceau en Orient; on avait cru longtemps qu'il n'avait parlé qu'un seul et même langage, avant cette confusion dont jadis Dieu avait puni son fol orgueil. Le sanscrit n'était pas la langue primitive et unique si longtemps cherchée; l'Inde brahmanique n'était pas le berceau de l'humanité tout entière; mais le sanscrit suffisait à lui seul pour expliquer les langues de cette portion de l'humanité qui nous intéresse le plus parce que nous y sommes compris; et, si les peuples de l'Europe ne sont pas tous descendus des plateaux de l'Himâlaya, c'est de là, du moins, que sont venues les langues qu'ils parlent encore aujourd'hui, après mille transformations qui dissimulent, mais qui n'ont pas détruit le type et la fraternité d'origine.

A ce fait immense, dont il est bien impossible dès à présent d'apercevoir toutes les conséquences historiques et ethnographiques, la philologie moderne n'avait plus qu'à appliquer les méthodes de l'hébraïsme, déjà si parfaites, et qu'avaient encore perfectionnées les progrès généraux de l'esprit philosophique au siècle dernier. Sans cette heureuse préparation, et sans ces instruments excellents, il est douteux que la philologie eût pu faire tout ce qu'elle a fait depuis le commencement de ce siècle; mais, pour n'en citer qu'un exemple, on peut se dire que des méthodes qui produisent le Commentaire sur le Yaçna sont aussi sûres que celles d'aucune autre science. La conjecture a été bannie désormais de ces études où elle a trop longtemps régné; et le génie d'un Burnouf n'est pas, dans son genre, moins précis ni moins pénétrant que

celui d'un Cuvier.

Mais les études sanscrites, qui avaient provoqué déjà tant de surprises, nous en réservaient encore plus d'une. Il s'est trouvé que ces

méthodes, dont nous étions si fiers à juste titre, étaient loin d'être aussi complètes que nous aimions à le croire. Une multitude de faits, aussi exacts qu'importants, leur avaient échappé. Les brahmanes, à certains égards, pouvaient être nos maîtres, et beaucoup nous en apprendre sur les phénomènes les plus subtils du langage. Ils avaient poussé l'analyse de leur propre langue bien plus profondément que nous ne pouvions le supposer; et la philologie contemporaine a largement profité de leurs leçons; elle n'a point à en rougir; et le sanscrit, qui lui livrait le secret de presque toutes les langues européennes, lui aura enseigné aussi des délicatesses infinies de grammaire.

Voilà donc quels sont à peu près les traits principaux de la philologie de notre temps; elle connaît toutes les langues et peut les comparer pour en tirer les lois les plus générales de la parole humaine; elle s'est formé des méthodes infaillibles, et elle a pleine conscience de ce qu'elle fait, et de ce qu'il lui reste à faire. Ce sont là des priviléges de l'esprit européen; et les annales de l'intelligence humaine ne les ont point encore vus réunis, à aucune autre époque et chez d'autres peuples. Ces priviléges sont comme un héritage de tout le passé; et l'on peut presque en suivre le développement successif depuis la Grèce jusqu'à

nous.

Dans la philologie grecque, nous ne considérerons que deux monuments placés l'un et l'autre aux deux extrémités de l'hellénisme, le Cratyle de Platon et le système d'Apollonius Dyscole, si heureusement restitué par l'érudition attentive de M. E. Egger1. Ces deux monuments nous suffiront pour l'objet que nous nous proposons ici. La philologie grecque en a produit bien d'autres, et ses richesses ont été presque innombrables, bien qu'il ne nous en soit parvenu que des ruines et des fragments. Mais ses labeurs, tout immenses qu'ils ont été pendant plus de mille ans, furent généralement très-peu variés; et, à six siècles de distance, Platon et Apollonius représentent assez complétement l'esprit et les acquisitions de la grammaire hellénique 2.

M. E. Egger, Apollonius Dyscole, Essai sur l'Histoire des théories grammaticales dans l'antiquité. Après avoir traité de la vie, d'ailleurs très-peu connue, d'Apollonius Dyscole, et de ses ouvrages, de sa méthode et de son style, M. E. Egger s'est surtout appliqué à tirer de ses nombreux travaux le système grammatical qui y est implicitement contenu, sur les diverses parties du discours, sur la syntaxe, sur l'accent, l'aspiration et la quantité, sur l'étymologie et sur l'orthographe. Pour s'en convaincre; il suffit de lire les deux ouvrages principaux qui, dans ces derniers temps, aient été publiés sur la philologie des anciens : l'un intitulé, Die Sprachphilosophie der Alten, par M. Lersch; l'autre intitulé, Geschichte des klassischen philologie im Alterthum, par M. A. Græfenhan, 4 vol. in-8°, 1843-1850.

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