Qu'esse cy? vous parlez latin; JENIN. C'est du latin de Paradis. L'auteur de la Résurrection de Jenin Landore a suivi dans ce passage une tradition bretonne assez peu flatteuse pour le barreau, et, d'ailleurs, entièrement controuvée 1. Le peuple, en effet, prétendait, en Bretagne, qu'il n'y avait qu'un seul avocat en paradis, et un avocat breton, saint Yves. Une trace assez curieuse de cette opinion populaire s'est même glissée jusque dans les vieux bréviaires de Rennes et de Tréguier, où l'on trouve, dit-on, cette strophe satirique d'une hymne composée pour la fête du patron des avocats : Sanctus Yvo erat Brito, Res miranda populo. Cette singulière prétention bretonne suscita de vives représailles contre saint Yves. Il circula dans les provinces jalouses plusieurs contrelégendes, où l'on racontait assez plaisamment l'entrée frauduleuse de saint Yves en paradis et son obstination à n'en sortir que lorsque saint Pierre lui en aurait signifié l'ordre par un sergent; mais saint Pierre avait inutilement cherché, il n'en avait pu trouver un seul. Nous ne rapportons ces joyeusetés du xiv° siècle que parce qu'elles sont de trèsremarquables indices des dispositions malveillantes qu'avaient fait naître contre les gens de loi les faveurs exagérées de Philippe le Bel. Ajoutons que saint Yves, contemporain de ce prince, est, dans la réalité, un des hommes les plus dignes de la vénération universelle. Il faut lire dans le fameux Dialogue des avocats du parlement de Paris, d'Antoine Loisel, le passage où l'auteur rappelle à Étienne Pasquier, son interlocuteur, «les vertus de M. Yves de Kaermartin, si grand et si saint personnage, « lequel, encore qu'il fût official et archidiacre de Rennes, et depuis de « Tréguier, si ne délaissoit pas d'exercer par charité l'estat d'advocat « pour les veufves, orphelins et autres personnes misérables, et non<< seulement és cours d'Église et autres de Bretagne, mais aussi au baillage << du parlement de Paris. » Telle est la vérité sur ce vénérable et saint précurseur de M. Vincent, cet autre héros de la charité chrétienne. ་་ 1 Voy. Joh. Roberti elogia quinquaginta sanctorum jurisperitorum contra populare commentum de solo Yvone. Leodii, 1632. Dans la farce du Cuvier1, très-bonne et fort joyeuse (le titre le dit, et cette fois le titre ne ment pas), il s'agit d'une plaisante obligation de servitude domestique, qu'une femme volontaire et paresseuse fait souscrire à son mari, en bonne et due forme, et dont elle ne tarda pas à se repentir. Écoutons, d'abord, les doléances de Jaquinot, le pauvre mari: Jaquinot, toutefois, n'est pas aussi sot qu'on le pourrait croire; il a du sens et de la pratique, et il guette un expédient pour sortir de sa mauvaise position: De rien je ne fais mon proffit; Mais, par le sanc que Dieu me fist! Je seray maistre en la maison, Se je m'y maitz. Or, au milieu d'un beau sermon que lui débitent les deux commères sur l'obéissance que monsieur doit à madame, il feint de ne pas bien comprendre ce qu'on veut de lui: Jaquinot accepte volontiers la proposition; il ne lui déplaît pas de libeller une à une les prétentions de sa femme: A cela point ne tiendra; Commencer m'en voys a escripre... Suit la scène très-amusante de la dictée des deux femmes. Jaquinot fait du difficultueux; il regimbe à chaque article: Jaquinot n'a plus qu'à signer. Cela fait, notre homme se redresse; il tient son titre et il se promet d'en tirer bon parti à la première occa sion : Se je debvois estre pendu, Des à ceste heure, j'ay proposé Or l'occasion désirée ne tarde pas à venir. Sa femme, en faisant la lessive, se laisse choir dans la cuve : Ayez pitié de ma pouvre ame, JAQUINOT. Cela n'est pas a mon rollet. LA FEMME. Mon bon mary, sauvez ma vie; JAQUINOT. Cela n'est pas a mon rollet. |