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plupart des voyageurs pour connaître tout un côté fort important de la société
musulmane, le côté domestique, celui où domine la femme. Ce mérite est loin
d'être le seul qui recommande le livre. On y trouve une suite de récits pleins d'in-
térêt et de détails nouveaux à beaucoup d'égards sur les contrées visitées par MTM de
Belgiojoso. Nous avons particulièrement remarqué les chapitres intitulés : Angora
et le couvent des derviches, Césarée et la vallée du Taurus, les Harems, les Femmes
turques, la Vallée d'Antioche, Latakié, les Femmes syriennes, les Missionnaires
anglais en Syrie. La dernière partie de l'ouvrage traite du séjour de l'auteur à Jé-
rusalem et de son retour dans la vallée qu'elle habite près d'Angora.

Législation hindoue, publiée sous le titre de Vyavaharasara-sangraha, ou abrégé

substantiel de droit par Madura-Kandasvami-Pulavar, professeur au collège de Ma-

dras, traduit du tamil par F. E. Sicé, sous-commissaire de la marine. Pondichery,

1857, in-8° de xv-232

Le traité de droit hindou que nous annonçons a

pages.

été composé il y a trente ans environ par Kandasvami-Pulavar, professeur de tamoul
au collège de Madras, sur la demande de M. Richard Clarke, un des directeurs du
collége, détruit depuis cette époque, et sur le plan du fameux recueil de lois sans-
crites appelé Smriti-tchandrika. La traduction de l'ouvrage tamoul faite par
M. E. Sicé a été soumise par la magistrature de Pondichery à l'examen d'une
commission spéciale d'experts en langue tamoule, et elle a été imprimée par les
presses du Gouvernement. Cet extrait de lois hindoues empruntées aux légis-
lateurs principaux, Manou, Yadjnavalkya et les autres, est le seul qui existe jusqu'à
présent en tamoul; et c'est un grand service que l'auteur a rendu, soit aux étu-
diants, soit à l'administration elle-même. M. F. E. Sicé a joint à sa traduction
une table alphabétique et analytique des matières, qui rend l'étude de ce manuel
de droit facile pour tous ceux qui voudront le consulter. Entreprise dès 1847 sous
les auspices de M. Petit d'Auterive, celle traduction n'a pu être terminée qu'à la
fin de 1857. Elle offrait de grandes difficultés, que M. F. E. Sicé paraît avoir très-
heureusement surmontées.

DES SAVANTS.

ΜΑΙ 1858.

ANCIEN THÉÂTRE FRANCOIS, ou Collection des ouvrages dramatiques les plus remarquables, depuis les mystères jusqu'à Corneille, publié avec des notes et éclaircissements. Paris, P. Jannet, 1854-1857, 10 vol. in-18. (Bibliothèque elzévirienne.)

DEUXIÈME ARTICLE 1.

Si le recueil du British Museum reproduit dans les trois premiers volumes de la Bibliothèque elzévirienne, au lieu de se composer de pièces imprimées au xvr° siècle sur des copies plusieurs fois remaniées, nous représentait des textes tirés de manuscrits originaux du xiv et du xv° siècle, le partage que nous nous proposons de faire entre les œuvres qui appartiennent, dans cette collection, aux clercs de la Basoche, et celles qui reviennent soit aux Enfants sans souci, soit aux acteurs forains, ne présenterait aucune difficulté et se ferait, en quelque sorte, de soi-même. Il suffirait de jeter les yeux sur le titre d'une pièce pour en déterminer sûrement l'origine. En effet, nos plus anciens comiques, c'est-à-dire les ménestrels et les étudiants de la même époque, donnaient à leurs représentations par personnages les noms de jeux, de dicts et de débats : Le jeu de la feuillée, Le dict de l'herberie, Le débat de l'homme marié et du non marié 2. Quand, plus tard, au milieu du xiv° siècle, les clercs de la

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1 Voyez, pour le premier article, le cahier d'avril. Ces jeux et dits des menestrels de la belle époque, c'est-à-dire du XIII siècle, étaient composés soit pour des puys ou des palinods, soit pour la cour des princes. Encore au milieu du xiv' siècle, Eustache Deschamps écrivit un dialogue à jouer par personnages, intitulé :

Basoche formèrent une société comique distincte des autres étudiants, ils nommèrent leurs nouvelles pièces farces, probablement parce qu'elles étaient mêlées de nombreuses citations du Code et du Digeste, mélange auquel on donnait alors le nom de farciture. Puis, lorsque d'autres jeunes clercs essaimèrent, à leur tour, de la ruche universitaire et se réunirent en compagnie des Sots, sous le nom d'Enfants sans souci, ils intitulèrent soties les pièces qu'ils représentaient aux halles. Il semble donc que nous n'ayons, pour reconstituer le répertoire de ces trois classes de comiques, qu'à renvoyer les farces aux clercs de la Basoche, les soties aux Enfants sans souci, et à laisser les jeux, les dicts et les débats à la ménestrandie, c'est-à-dire aux successeurs dégénérés des anciens ménestrels, les dicteurs et recordeurs de dicts, comme les appelle le prévôt de Paris, dans son ordonnance du 14 septembre 13951. Mais il n'en est pas ainsi : ces dénominations, exactes au xiv° siècle, avaient cessé de l'être au commencement du xv° siècle et bien plus encore au xvi. Les deux compagnies rivales, issues d'une souche commune, les grandes écoles de Paris, après bien des usurpations et des querelles, conclurent enfin un accord et confondirent leurs priviléges et leurs répertoires. Les Basochiens reçurent du Prince des Sots le droit de jouer des moralités et des soties, et lui concédèrent en retour l'autorisation de représenter des farces. De leur côté, les bateleurs (dicteurs et ménestrels de bouche)2, courant les marchés et les foires, trouvèrent bon de remplacer les noms surannés de leurs parades par ceux de farces et de soties, plus en faveur auprès du public. Ils jouèrent même assez souvent de vraies farces et de vraies soties, dont ils s'appropriaient les canevas et reproduisaient les principaux détails, soit de mémoire, soit au moyen de copies prises à la volée, comme on vit plus tard des comédiens de province et des directeurs de troupes étrangères dérober, dans leur nouveauté, certaines comédies de Molière, le Malade imaginaire3, par exemple, et les jouer (dans un état informe, il est vrai), presque aussitôt qu'à Paris". Il résulte de là que, pour démêler dans le nouveau recueil la part afférente à ces trois anciennes Le dict des offices de l'ostel du roy, à savoir; Panneterie, Eschançonnerie, Cuysine et Sausserie. Voy. Poésies morales et historiques d'Eustache Deschamps, publiées par Crapelet; introd. p. XXXVI-XXXIX. Voyez dans le cahier de janvier 1856 du Journal des Savants, le texte de cette ordonnance tiré du Livre rouge vieil du Chastelet, au folio 23°. — 2 On les nommait ainsi pour les distinguer des ménestrels joueurs d'instruments, ou ménétriers. - Voyez Revue des deux mondes, juillet, 1846, p. 173 et suiv. · On sait qu'un nommé Neufvillenaine retint par cœur, en quelques soirées, le Cocu imaginaire, le fit imprimer et le dédia à Molière, qui ne s'en montra pas offensé.

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compagnies comiques, il faut joindre à la présomption du titre quelques autres indications plus certaines.

Quant à la part qui revient aux bateleurs dans le nouveau recueil, il est aisé de la faire. On reconnaît ce qui forme leur répertoire, à la platitude des compositions, à un surcroît d'obscénité et à l'excessif désordre des textes. Ce dernier vice n'est que trop visible dans plusieurs pièces, d'ailleurs assez jolies, dans Mahuet, par exemple, « natif de Bai«gnolet, qui va à Paris au marché vendre ses œufz et sa cresme et ne << veult les donner qu'au prix du marché 1; » dans la farce d'ung Chauldronnier, qui rencontre un homme et sa femme, lesquels ont parié à qui demeurera le plus longtemps sans parler, et c'est la femme qui gagne 2; dans celle des Femmes, «qui font refondre leurs maris, » et puis après s'en repentent3. Il y a même telle des pièces qui ont passé par les mains des bateleurs ambulants, la farce du Badin Fouquet*, entre autres, la moralité de Charité, la farce de Pernet « qui va à l'escolle o, » et celle d'Ung « qui se faict examiner pour estre prebstre7, » où l'on ne peut plus reconnaître ni vers, ni prose, ni même retrouver le sens et la suite des phrases.

Outre ces ouvrages, plus ou moins défigurés par l'ignorance, nous placerons dans la catégorie des parades de carrefours, soit pour leur insignifiance, soit pour leur extrême obscénité, la farce du Savetier Audin, celle de l'Obstination des femmes, celle de Pernet « qui va au « vin 10, » le Débat de la nourrisse et de la chambrière 11, la farce de Jeninot (le type de nos Janots), « qui fist un roy de son chat, faulte d'aultre com«<paignon 12, » celle du Badin qui se loue 13, celle du Nouveau marié, celle du Chauldronnier «qui faict du malade 15, » celle des Femmes «qui font << escurer leurs chauldrons 16, » celle des Chambrières « qui vont à la messe «<de cinq heures pour avoir de l'eaue besnite 17, » celle de la Tarte et du pasté 18, celle d'ung Ramoneur de cheminées 19, celle, enfin, des Deux maris et de leurs deux femmes, dont l'uné a male teste, et l'autre est trop tendre pour chacun 20. Si je ne range pas dans cette classe la Confession Margot 21, que son excessive obscénité semble y appeler, c'est que je ne pense pas que ce dialogue ait jamais pu être mis en action sur aucun théâtre. Ce n'est, à mon avis, qu'un fabliau licencieux, comme il y en Ibid. t. I, p. 271. Ibid. t. III, p. 337. — Ibid. t. II, p. 360. Ibid. t. II, p. 373. 9 Ibid. t. II, 128. Ibid. t. I, p. 21. 10 Ibid. t. I, p. 195.

1 Anc. Th. t. II,

8

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p.

2 Ibid. t. II, 80.

p.

105.

12 Ibid. t. I,

4178 Ibid. t. II. t. II, p. 64.

P. 115.

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13 Ibid. t. I,
p. 289.
16 Ibid. t. II, p. go.

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14 Ibid. t. I, p. 11. P. 179. '17 Ibid. t. II, p. 435.

18 Ibid. Ibid. t. II, p. 189.20 Ibid. t. I, p. 145. — Ibid. t. I, p. 372.

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a tant, et rien de plus. Il en est de même de la farce moralisée, c'està-dire allégorisée, des Cinq sens de l'homme1, débauche d'esprit des plus grossières.

Venons à la Basoche. Le premier caractère des farces qui lui sont propres est, comme leur nom l'indique, d'être farcies. Dans Patelin, la farciture abonde : non-seulement maître Pierre s'est fait un jargon à son usage, mais il parle toutes les langues, depuis l'hébreu jusqu'au bas breton. Toutefois, cette indication ne suffit pas pour faire attribuer de prime abord et avec certitude une pièce aux clercs de la Basoche. Issus de la même souche, les Enfants sans souci ne se font pas, de leur côté, faute de citations érudites. Il faut donc encore chercher un autre signe, pour distinguer entre elles les œuvres des deux compagnies. Ce signe, nous le trouvons dans les habitudes d'esprit et les préoccupations probables des auteurs. La pensée des Basochiens devait, sans contredit, s'arrêter le plus ordinairement sur les hommes et les choses du Palais. Lors donc que nous voyons dans une pièce les traits les mieux aiguisés adressés aux officiers de judicature, prévôts, maires, sergents, procureurs, avocats, et que le vocabulaire de la pratique et le jargon de la chicane sont pour l'auteur une source d'intarissables railleries, nous pouvons être à peu près sûrs d'avoir sous la main une œuvre de la Basoche. Les autres clercs des écoles, au contraire, encore tout animés des luttes soutenues par l'Université contre les ordres mendiants, et fiers de la part prise par leurs chefs dans le gouvernement de l'État, harcèlent de préférence le bas clergé et les moines, dont le relâchement ne prêtait que trop alors à la censure, et se lancent même, autant qu'ils le peuvent, dans la mêlée politique. Une fois munis de cette boussole, nous risquerons peu de nous égarer dans nos recherches.

Au reste, ce penchant de la Basoche à plaisanter des ridicules de ses patrons et de ses supérieurs, et même à leur en prêter au besoin, offre un trait si marqué de notre caractère national, qu'il ne saurait étonner personne. Ajoutons que les nations modernes, filles du christianisme, n'ont jamais professé ce respect absolu, ou, pour mieux dire, cette religion du droit, qui a été la base la plus solide et la plus durable de la société romaine. Ce ne fut, en effet, qu'un peu après la chute de la République (si l'on en croit une inscription récemment découverte dans la campagne de Rome), qu'un des bouffons de Tibère, Mutus Arcius, s'avisa de contrefaire les avocats: Primum invenit

Anc. Th. t. III, P. 300.

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