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pondante, chaque ordre ayant la sienne. Ainsi yat vák vadanti devient, dans la samhitâ, yad vág vadanti (Rig-Véda, VIII, c, 10); arvâk nará devient, dans la samhitâ, arvâng nâra (Rig-Véda, VII, LXXXII, 8); tandis qu'on pourra dire, sans aucune altération : áraik panthâm yátavé (ṚigVéda, I, cx, 16), ou vashat té (Rig-Véda, VII, XCIX, 7)1.

I'm devant une consonne, ou plutôt devant un sparça d'un ordre différent du sien, se change en la nasale de l'ordre de ce sparça: ainsi yam koumára devient, dans la samhitâ, yang koumára (Rig-Véda, X, cxxxv, 3); aham tcha tvam tcha vṛitrahan devient ahandjtcha tvandjtcha vṛitrahan (Rig-Véda, VIII, LXII, 11). L'm devant les antahsthas, les semi-voyelles autres que r, se change en la semi-voyelle, qu'on nasalise. Ainsi yam-yam yougam devient, dans la samhità, yay-yay yougam (Rig-Véda, II, xxv, 1). L'n dans la même situation, devant un l, se change en l nasalisé, djigíván lakshman devient djigívâl laksman (Rig-Véda, II, xii, 4). Let devant dj et I se change en ces lettres; devant tch, tchh et, il se change en tchh. L'm devant r et les oúshmas se change en anousvaram.

Les règles du sandhi des consonnes sont suivies des règles du visarga (ou, comme l'appelle le Prâtiçâkhya, visardjanîya: mot à mot, la lettre qui doit recevoir le visarga).

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Quand le visarga n'est pas rephi, c'est-à-dire quand il ne doit pas se changer en r, s'il est suivi d'une consonne sonnante, il se change en á long. Par exemple, pounânáh-yanti devient, dans la samhitâ, pounânâyanti (Rig-Véda, VII, XLIX, 1). Précédé d'une voyelle brève, il devient o devant une sonnante. Ainsi devah devebhih á gamat devient, dans la samhitâ, devo devebhir á gamat (Ṛig-Véda, I, 1, 5).

Le visarga rephi se change en r devant une voyelle ou une sonnante, quelle que soit la voyelle brève ou longue dont il est précédé. Prátah agnim prátah indram havamahé devient, dans la samhitâ, prátar agnim prâtar indram havamahé (Rig-Véda, VIII, XLI, 1). Si le mot suivant commence par r, le visarga rephi disparaît pour éviter la rencontre de deux r; et, s'il est précédé d'une voyelle brève, elle s'allonge. Youvoh radjânsi devient youvo radjânsi, au lieu de youvor radjansi (Rig-Véda, I, CLXXX, 1); prâtar iti ratnam prâtah-itvá devient prâtâ ratnam prâtaritvá (Rig-Véda, I, cxxv, 1).

Le Prâtiçâkhya poursuit ces règles du visarga dans les moindres détails, et il les appuie d'un très-grand nombre d'exemples. Chacun de ces sandhis reçoit un nom particulier.

1.

Le Prâtiçâkhya cite ici le père de Çâkalya comme une grave autorité. Ainsi il y avait des familles entières qui se livraient à l'étude de la grammaire. C'était en quelque sorte une fonction sacrée et béréditaire.

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Pour terminer avec le sandhi des consonnes, le cinquième chapitre s'occupe surtout des altérations que subissent certaines lettres sous l'influence d'autres lettres, soit au commencement, soit même au milieu des mots. L's, par exemple, précédé de voyelles altérantes, se change souvent en sh, c'est-à-dire en cérébrale. Douh-svapnyam devient douhshvapnyam (Rig-Véda, VIII, XLVII, 14). L's du mot sah se change en sh quand il suit certains mots tels que sou, oûtî, nakih, svaih, vi, etc. etc. Ainsi pra sou sah vi-bhyah maroutah devient, dans la samhitâ, pra sou sha vibhyo maroutah (Rig-Véda, IV, xXVI, 4); oûtî sah brihatah divah devient oûtî sha brihato divah (Rig-Véda, VI, 11, 4), etc. etc. Sat et sthah éprouvent la même altération après un mot de deux syllabes. Les groupes de lettres sy, sk, sn, deviennent shy, shk, shn. Sm devient shm quand le mot n'a pas d'r.

Après le sh, qui est l's cérébral, la dentale devient cérébrale, soit dans des mots différents, soit dans le même mot. Nakih tam devient, dans la samhitâ, nakish tam (Rig-Véda, II, xxvi, 13); stha devient shtha. Les prépositions ni et pari ont, quand elles sont suivies d'une palatale, une influence pareille. Ni sinka devient ni shinka (Ṛig-Véda, V, LXXXIII, 8); pari sitchyate devient pari shitchyate (Rig-Véda, IX, LXXXVI, 3), etc.

Les lettres ri, r et sh ont une influence très-remarquable sur la lettre n, qu'elles changent en n cérébrale dans le même mot, toutes les fois qu'elles ne sont pas elles-mêmes précédées d'un k. Ainsi, pitri yânam devient pitri yanam (Rig-Véda, X, 11, 27); pra yâne devient prayâne (RigVéda, VIII, XLIII, 6); vi-sânam devient vishanam (Rig-Véda, V, XLIV, 11). Mais kripa nilam reste sous cette forme sans que l'n se change en n, à cause du k précédent. Si l'n est à la fin du mot, il reste également immuable; pari-yan ne devient pas pariyan, parce que l'n est final. L'n, précédé, dans le même mot, de ri, r et sh, demeure encore immuable, s'il en est séparé par une palatale, une linguale ou une dentale, ou même par s et ç. Ainsi l'on dit ridjouniti et non ridjoanîtî, parce que I'n est séparé du ri par la palatale dj (Rig-Véda, I, xc, 11); ainsi l'on dit pariçayanam et non pariçayâṇam (Rig-Véda, III, xXXII, 11), etc. etc. Quelquefois l'influence de l'r se fait sentir d'un premier mot sur un second dans certaines alliances de mots : goh ohena devient gor ohena (Rig-Véda, I, CLXXX, 5); nih gamâni devient nir gamâni (Rig-Véda, IV, XVIII, 2).

Enfin le sixième chapitre de la première lecture contient certaines règles de prononciation qui modifient les lettres des mots dans plusieurs cas. Tels sont le krama ou le redoublement des consonnes, l'abhinidhána ou l'affaiblissement de l'articulation, la svarabhakti ou l'insertion

d'un son entre des consonnes groupées, etc. Il est clair, comme le remarque fort bien M. Ad. Regnier, que ces règles ont pour objet la lecture et non l'écriture du Véda, et que « le commentaire même de cette << partie du Prâtiçâkhya est un manuel d'enseignement parlé, propre à «guider le maître, mais qui a besoin du maître et de sa parole entendue ༥ pour être bien compris. » C'est dire assez que, si ce chapitre est un des plus curieux, c'est aussi un des plus difficiles de cette très-difficile explication.

Voici en quoi consiste le krama.

:

Quand un groupe de consonnes commence un mot, on redouble la première consonne, si le mot précédent se termine par une voyelle ou un anousvaram. Le krama n'a pas lieu, si c'est par un visarga non altéré que ce mot se termine. Ainsi á tvá ratham yatha oûtaye devient, dans la samhitâ â ttvá ratham yathotaye (Rig-Véda, VIII, LXXVIII, 1); somânam svaraṇam kriņouhi devient somânam ssvaranam kṛinouhi (Rig-Véda, I, XVIII, 1). Au contraire, on prononce yah pranatah sans redoubler le p du groupe pr, parce que ce p est précédé d'un visarga qui demeure (RigVéda, X, cxx1, 3). Quand une aspirée doit être redoublée, elle prend pour redoublement la simple de son ordre. Ainsi abhrâta iva pouṇsah eti devient, dans la samhitâ, abbhrâteva pounsa eti et non abhbhráta (ṚigVéda, I, cxxív, 7). Le tchh aspiré se redouble souvent ainsi, même sans être au commencement d'un groupe de consonnes, soit au début, soit même au milieu des mots.

La consonne qui suit un r dans un groupe se redouble d'après les mêmes règles. Ainsi l'on dit dans la samhitâ: arddham vîrasya au lieu de ardham vîrasya (Ṛig-Véda, VII, XVIII, 16). De même, on redouble le sparça qui est après l; et, au lieu de mahat tat ulbam, on dit: Mahat tad ulbbam (Rig-Véda, X, LXI, 1). Le sparça qui vient après un oûshma peut, à volonté, ou être redoublé ou ne l'être pas. On ne redouble jamais la consonne après un r, quand cette consonne termine le mot. On dit vark, dart et non varkk, et dartt. L'r ne se redouble jamais. Un oûshma qui commence un vers et qui est suivi d'une consonne peut être redoublé. Ainsi hvayâmi agnim peut devenir, dans la samhitâ, hhvayâmy agnim (Rig-Véda, I, xxxv, 1), bien qu'on puisse dire aussi hvayâmy agnim.

L'ng et l'n, c'est-à-dire les nasales du premier et du quatrième ordre, se redoublent à la fin d'un mot, quand elles sont précédées d'une voyelle brève et suivies d'une voyelle. On dit : kidrinn indrah sarame pour kidṛin ndrah sarame (Rig-Véda, X, cvm, 3); ahann ahim pour ahan ahim (RigVéda, III, xxxII, 11).

L'abhinidhana paraît être une nuance de prononciation plus fine encore

que le krama. Elle affecte la première consonne d'un groupe qu'on prononce en joignant cette consonne moins à la consonne qui la suit qu'à la voyelle qui la précède. L'abhinidhâna se produit pour les sparças et les antahsthas quand ils sont suivis de sparças, et après que le sandhi a été appliqué. Ainsi il y a abhinidhâna dans arvâg deváh, dans la samhitâ, pour arvák devah (Rig-Véda, X, cxxix, 6); le g n'est pas appuyé sur le d, et la voix s'abaisse en le prononçant. C'est ainsi que se prononcent encore les consonnes placées à la fin d'un mot ou d'une phrase.

Ces finesses de prononciation paraissent avoir donné lieu à bien des discussions parmi les grammairiens indiens; et le Prâtiçâkhya a conservé la trace de ces discussions, en citant, à plusieurs reprises, les opinions de l'école çâkalienne.

D'autres finesses plus subtiles encore et plus difficiles à saisir, quand on ne peut consulter la prononciation d'une bouche habile et le témoignage de l'oreille, c'est le yama, espèce de nasalisation des sparças qui se redoublent quand ils sont suivis d'une nasale. Par exemple, palikkníh pour paliknih (Rig-Véda, V, 11, 4); ou åppnânam tîrtham pour âpnânam tirtham (Rig-Véda, X, cxiv, 7). C'est aussi le dhrouva, son qu'on fait entendre après l'abhinidhâna d'une consonne; c'est la svarabhakti, qui se fait entendre également après un r que précède une voyelle et que suit une consonne. C'est alors une sorte de frôlement involontaire de l'organe qui produit comme un second r sous forme de la voyelle ri. Par exemple, dans ce fragment de vers, artchanti arkam arkiṇah, la sambitâ donne ar (ri) tchanty ar (ri) kam ar (ri) kiņah (Rig-Véda, I, x, 1). Si l'on peut représenter le dhrouva par un quart de temps, la svarabhakti, comme on l'a vu plus haut, serait la moitié d'un temps.

Du reste, ces nuances sont si délicates et parfois si peu saisissables, qu'il y a des maîtres qui nient là svarabhakti, comme l'atteste le Prâtiçâkhya lui-même, et qui la reconnaissent tout au plus après l'r.

Nous avons tenu à rappeler toutes ces règles du Prâtiçâkhya et à les passer encore une fois en revue parce qu'elles n'intéressent pas seulement la langue sanscrite; elles intéressent presque au même degré les langues que nous parlons. En y regardant d'un peu près, il est facile de retrouver le sandhi, soit des voyelles, soit des consonnes, dans le latin, dans le grec surtout, et dans tous les idiomes qui sont sortis de ces deuxlà, même les plus éloignés. Les grammairiens indiens ne croyaient étudier que leur langue; mais leurs études ont été si profondes, qu'elles sont allées fort au delà et qu'elles sont parvenues jusqu'à l'organe humain lui-même, le décomposant et le saisissant jusque dans ses moin

dres nuances, en fixant les inflexions et les articulations les plus ténues et les plus vivantes. Il n'y a, pour ainsi dire, point une note du clavier vocal qui ait échappé à cette investigation pénétrante, et tous les faits qu'elle a constatés sont de la plus grande justesse, si l'on en excepte quelques subtilités inévitables dans ce genre de recherches.

Aussi, nous ne craignons pas de le dire, la connaissance de ces théories, qui nous arrivent après tant de siècles du fond de l'Inde, et dans ces vers techniques faits pour soulager la mémoire des maîtres et des disciples, est désormais indispensable à quiconque veut étudier sérieusement les langues. Sans ces théories, il est une foule de phénomènes philologiques qui restent ou inaperçus ou inexpliqués. Avec elles, tous ces phénomènes se distinguent, se justifient et se classent. Ainsi que nous l'avons déjà dit, notre philologie contemporaine, quels que soient d'ailleurs ses mérites, doit se mettre à cette école, qui peut encore lui tant apprendre, et c'est aux vénérables précepteurs des Prâtiçâkhyas qu'elle doit surtout prêter une oreille attentive et docile.

Mais nous reviendrons sur ce sujet quand nous en aurons fini avec l'analyse de ces grammaires sorties des Védas. Nous n'avons vu encore que la première lecture du Prâtiçâkhya du Rig; il nous reste la seconde et la troisième lecture, qui ne sont pas moins instructives.

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La suite à un prochain cahier.)

Recherches expérimentales sur la végétation, par M. Georges Ville (Paris, librairie de Victor Masson, place de l'École de médecine, 1853, vIII et 133 pages, 2 planches et figures dans le texte). Examen précédé de considérations sur différents ouvrages d'agriculture et sur différentes recherches relatives à l'agriculture et à la végétation des XVIII et XIXe siècles.·

NEUVIÈME ARTICLE 1.

Examen critique, d'après l'ordre historique, des principaux travaux auxquels l'analyse

Voyez, pour le premier article, le cahier de novembre 1855, page 689; pour

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