Ue tu fçais bien, Racine, à l'aide d'un Acteur
Jamais Iphigenie en Aulide immolée
N'a coufté tant de pleurs à la Grece assemblée, Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux étalé N'en a fait fous fon nom verfer la Chanmeflé. Ne croi pas toutefois, par tes fçavans ouvrages, Entraînant tous les cœurs gagner tous les fuffrages. Si toft que d'Apollon un genie infpiré
Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré, En cent lieux contre lui les cabales s'amaffent, Ses Rivaux obfcurcis autour de luy croaffent, Et fon trop de lumiere importunant les yeux De fes propres Amis lui fait des Envieux. La mort feule ici-bas, en terminant fa vie, Peut calmer fur fon nom l'injuftice & l'envie, Faire au poids du droit fens pefer tous les écrits, Et donner à fes vers leur legitimne prix. Avant qu'un peu de terre obtenu par priere Pour jamais fous la tombe euft enfermé Moliere, Mille de ces beaux traits aujourd'hui fi vantés Furent des fots Efprits à nos yeux rebuttés. L'Ignorance & l'Erreur à fes naiffantes pieces En habit de Marquis, en robbes de Comteffes Venoient pour diffamer fon chef-d'œuvre nouveau Et fecoüoient la tefte à l'endroit le plus beau. Le Commandeur vouloit la fcene plus exacte. Le Vicomte indigné fortoit au fecond acte. L'un deffenfeur zelé des Bigots mis en jeu, Pour prix de fes bons mots, le condamnoit au feu. L'autre, fougueux Marquis lui declarant la Vouloit vanger la Cour immolée au parterre. E 2
Mais fi-toft que d'un trait de ses fatales mains La Parque l'euft rayé du nombre des Humains; On reconnut le Prix de fa Mufe éclipfée. L'aimable Comedie avec lui terraffée; En vain d'un coup fi rude efpera revenir, Et fur fes brodequins ne put plus fe tenir. Tel fut chez nous le fort du Theâtre Comique. Toi, donc, qui t'eflevant für la Scene Tragique Suis les pas de Sophocle, & feul de tant d'Efprits De Corneille veilli fçais confoler Paris, Ceffe de t'eftonner, fi l'Envie animée Attachant à ton nom fa roüille envenimée, La calomnie en main, quelquefois te pourfuit. En cela comme en tout le Ciel qui nous conduit, Racine, fait briller fa profonde fagesse, Le Merite en repos s'endort dans la pareffe: Mais par les Envieux un genie excité
Au comble de fon art eft mille fois monté. Plus on veut l'affoiblir, plus il croift & s'élance. Au Cid perfecuté, Cinna doit fa naissance, Et peut-eftre ta plume aux Cenfeurs de Pyrrhus Doit les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus. Moi-meline, dont la gloire ici moins refpanduë Des pafles Envieux ne bleffe point la veuë, Mais qu'une humeur trop libre, un efprit peu foumis. De bonne heure a pourveu d'utiles Ennemis: Je dois plus à leur haine, il faut que je l'avouë, Qu'au foible & vain talent dont la France me louë, Leur venin qui fur moi brufle de s'épancher, Tous les jours en marchant m'empesche de broncher: Je fange à chaque trait que ma plume hazarde, Que d'un ceil dangereux leur troupe me regarde. Je fçais fur leurs avis corriger mes erreurs, Et je mets à profit leurs malignes fureurs. Si-toft que fur un vice ils penfent me confondre, C'eft en m'en gueriffant que je fçais leur refpondre: Et plus en criminel ils penfent m'ériger, Plus croiffant en vertus je fonge à me vanger,
Imite mon exemple ; & lors qu'une Cabale, Un tas-de vains Auteurs follement te ravale; Profite de leur haine, & de leur mauvais fens : Ri du bruit paffager de leurs cris impuiffans. Que peut contre tes vers une Ignorance vaine ? Le Parnaffe François annobli par ta veine Contre tous ces complots fçaura te maintenir, Et foulever pour toi l'équitable Avenir. Et qui voyant un jour la douleur vertueuse De Phedre malgré foi perfide, incestucuse, D'un fi noble travail juftement étonné, Ne benira d'abord le fiecle fortuné
Qui rendu plus fameux par tes illuftres veillès Vid naiftre fous ta main ces pompeufes merveilles ? Cependant laiffe ici gronder quelques Cenfeurs, Qu'aigriffent de tes vers les charmantes douceurs. Et qu'importe à nos vers que Perrin les admire? Que l'Auteur du Jonas s'empreffe pour les lire? Pourveu qu'ils fçachent plaire au plus puiffant des Rois: Qu'à Chantilli Cor.dé les fouffre quelquefois ; Qu'Enguien en foit touché, que Colbert, & Vivone, Que la Rochefoucaut, Marfillac, & Pompone, Et mille autres qu'ici je ne puis faire entrer; A leurs traits delicats fe laiflent penetrer.
Et pleuft au Ciel encor, pour couronner l'ouvrage. Que Montauzier vouluft leur donner fon fuffrage. C'eft à de tels Lecteurs que j'offre mes écrits. Mais pour un tas groffier de frivoles Elprits Admirateurs zelés de toute œuvre infipide, Que non loin de la place, où Brioché prefide, Sans chercher dans les vers ni cadence ni fon, Il s'en aille admirer le fçavoir de P***
RAND ROI, ceffe de vaincre, ou je ecffe d'écrire. Tu fçais bien, que mon ftile eft né pour la Satire : Mais mon efprit contraint de la defavoüer
Sous ton regne étonnant ne veut plus que loüer. Tantoft, dans les ardeurs de ce zèle incommode, Je fonge à mesurer les fyllabes d'une ode. Tantolt, d'une Eneide auteur ambitieux, Je m'en forme déjà le plan audacieux. Ainfi toûjours flatté d'une douce manie, Je fens de jour en jour deperir mon genie, Et mes vers, en ce ftile, ennuieux, fans appas, Deshonnorent ma plume, & ne t'honnorent pas. Encor, fi ta valeur à tout vaincre obstinée Nous laifloit pour le moins refpirer une année. Peut eftre mon efprit promt à reffufciter. Du temps qu'il a perdu fçauroit fe raquiter. Le Parnaffe François non exemt de tous crimes Offre encore à mes vers des fujets & des rimes.. Mais apeine Dinan & Limbourg font forcés, Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffés. Ton courage affamé de peril & de gloire Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire. Souvent ce qu'un feul jour te void executer, Nous laiffe pour un an d'actions à conter. Que fi quelquefois las de forcer des murailles, Le foin de tes Sujets te rappelle à Versailles, Tu viens m'embarraffer de mille autres vertus. Te voyant de plus prés je T'admire encor plus.. Dans les nobles douceurs d'un féjour plein de charmes, Tu n'és pas moins heros qu'au milieu des allarmes. De ton throfne agrandi portant feul tout le faix, Tu cultives les arts, Tu répans les bienfaits,.
Tu fçais recompenfer jufqu'aux Mufes critiques. Ah! croi moi, c'en eft trop. Nous autres Satiriques Propres à relever les fottifes du
temps, Nous fommes un peu nés, pour eftre mécontens, Nôtre Mufe fouvent pareffeufe & fterile A befoin pour marcher de colere & de bile. Nôtre ftile languit dans un remercîment :
Mais, GRAND Ror, nous fçavons nous plaindre élegamment.
O! que fi je vivois fous les regnes finiftres
De ces Rois nés valets de leurs propres Miniftres, Et quij amais en main ne prenant le timon,
Aux exploits de leurs temps ne preftoient que leur
Que, fans les fatiguer d'une loüange vaine,
Aifément les bons mots couleroient de ma veine! Mais toûjours fous ton regne il faut fe récrier. Toûjours, les yeux au Ciel, il faut remercier. Sans ceffe à T'admirer ma Critique forcée, N'a plus en écrivant de maligne penfée, Et mes chagrins fans fiel & prefque évanouis, Font grace à tout le fiecle en faveur de LOUIS. En tous lieux cependant la Pharfale approuvée Sans crainte de mes vers va la tefte levée. La Licence par tout regne dans les écrits. Déja le mauvais Sens reprenant fes efprits Songe à nous redonner des poemes Epiques, S'empare des difcours mefmes Academiques. Perrin a de fes vers obtenu le pardon:
Et la Scene Françoise eft en à P proye *** Et moi, fur ce fujet, loin d'exercer ma plume, J'amaffe de tes faits le penible volume, Et ma Mufe occupée à cet unique emploi Ne regarde, n'entend, ne connoift plus que Toi. Tule Içais bien pourtant, cette ardeur empreflée N'eft point en moi l'effet d'une ame intereflée,
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