compagnent en effet cette paffion : mais où * * * Je fens de veine en veine une fubtile flamme * * * Un nuage confus fe repand fur ma vue, Je n'entens plus, je tombe en de douces langueurs; Er pafle, fans baleine, interdite, éperdue, Un friffon me faifit, je tremble, je me meurs. * * * Mais quand on n'a plus rien, il faut tout bazarder, c. N'admirez-vous point comment elle ramaffe toutes ces chofes, l'ame, le corps, P'ouie, la langue, la veuë, la couleur, comme fi c'eftoient autant de perfonnes differentes, & preftes à expirer? Voyez de combien de mouvemens contraires elle eft agitée; elle gele, elle brûle, elle eft folle, elle eft fage; ou elle eft entierement hors d'elle-mesme, ou elle va mourir : En un mot on diroit qu'el le n'est pas éprise d'une fimple paffion, mais que fon ame eft un rendés-vous de toutes les paffions; & c'eft en effet ce qui arrive à ceux qui qui aiment. Vous voies donc bien, comme * C'efloient des peupless de Scythies Oprodige eftonnant: ô fureur incroyable! ne. Ils ne gouftent jamais de paifible repos.. autres : Comme l'on void les flots foulevez par l'orage, ronne. Aratus a tâché d'encherir fur ce dernier vers "h Un " marques. Un bois mince & leger les defend de la mort, Mais en fardant ainfi cette pensée, il l'arendue baffe & fleurie de terrible qu'elle estoit, Et puis renfermant tout le peril dans ces Riots, Un beis mince & leger les defend de la mort, il l'éloigne & le diminue plutoft qu'il ne l'augmente. Mais Homere ne met pas pour une feale fois devant les yeux le danger où fe trouvent les Matelots; il les reprefente, comme en un tableau fur le point d'è tre fubmergez à tous les flots qui s'éle vent, & imprime jufques dans fes mots & Voy les re- fes fyllabes, l'image du peril. Archiloque ne s'eft point fervi d'autre artifice dans la defcription de fon naufrage; non plus que Demofthene dans cet endroit où il décrit le trouble des Atheniens à la nouvelle de la prife d'Elatée, quand il dit: Ileftoit déja fort tard, &c. Car ils n'ont fait tous deux que trier, pour ainfi dire, & ramaffer foigneufement les grandes circonftances,prenant garde à ne point inferer dans leurs difcours de particularitez baffes & fuperflues, ou qui fentiffent l'école. En effet, de trop s'arrefter aux petites chofes, cela gafte tout, & c'est comme du moëflon ou des platras qu'on auroit arrangez & comme entaffez les uns fur les autres, pour élever un bâtiment. CHAPITRE IX. De l'Amplification: Ntre les moiens dont nous avons parlé, qui contribuent au Sublime, il faut auffi donner rang à ce qu'ils appellent Am plification. Car quand la nature des Sujets qu'on traite, ou des Caufes qu'on plaide, demande des periodes plus eftenduës, & compofées de plus de membres, on peut s'élever par degrez, de telle forte qu'un mot encheriffe toujours fur l'autre. Et cette adreffe peut beaucoup fervir, ou pour traiter quelque lieu d'un difcours, ou pour exagerer, ou pour confirmer, ou pour mettre en jour un Fait, ou pour manier une Paffion. En effet l'Amplification se peut divifer en un nombre infini d'efpeces; mais l'Orateur doit fçavoir que pas une de ces efpeces n'est parfaite de foi, s'il n'y a du Grand & du Sublime: fi ce n'eft lorsqu'on cherche à émouvoir la pitié,ou que l'on veut ravaler le prix de quelque chofe. Par tout ailleurs, fi vous oftez à l'Amplification ce qu'elle a de Grand, vous luy arrachez, pour ainfi dire, l'ame du corps. En un mot, dés que cet appui vient à lui manquer, elle languit, & n'a plus ni force ni mouvement. Maintenant, pour plus grande netteté, difons en peu de mots la difference qu'il y a de cette partie à celle dont nous avons parlé dans le chapitre precédent; & qui, comme j'ai dit, n'eft autre chofe qu'un amas de circonftances choifies que l'on reunit ensemble: Et voions par où l'Amplification en ge neral differe du Grand & du Sublime. CHA CHAPITRE X. Ce que c'eft qu'Amplification. Ene fçaurois approuver la definition que plification, difent-ils, eft un Difcours qui augmente & agrandit les chofes. Car cette definition peut convenir tout de mefme au Sublime, au Pathetique & aux Figures; puifqu'elles donnent toutes au Difcours, je ne fçai quel caractere de grandeur. Il y a pourtant bien de la difference. Et premierement le Sublime confifte dans la hauteur & l'élevation, au lieu que l'Amplification confifte auffi dans la multitude des paroles. C'est pourquoy le Sublime fe trouve quelquefois dans une fimple penfée: mais l'Amplification ne fubfifte que dans la pompe & l'abondance. L'Amplification donc, pour en donnericy une idée generale, eft un Accroiffement de paroles, que l'on peut tirer de toutes les circonftances particulieres des chofes, & de tous les Lieux de l'Oraifon, qui remplit le Difcours, & le fortifie, en appuiant sur ce qu'on a déja dit. Ainfi elle differe de la PreuVoy les re- ve, en ce qu'on emploie celle-ci pour prog ver la queftion, au lieu que l'Amplification ne fert qu'à étendre & à exagerer. ***** marques La mefme difference, à mon avis, eft entre Demofthene & Ciceron pour le Grand & le Sublime, autant que nous autres Grecs pouvons juger des ouvrages d'un Auteur Latin. En effet Demofthene eft grand en ce e |