51 majefté des Dieux. Et pour moi lorsque je Y Il a donc bien mieux reuffi lors qu'il nousTM a peint un Dieu tel qu'il eft dans toute fa ma jelté, & la grandeur, & fans mélange des chofes terreftres: comme dans cet endroit qui a efté remarqué par plufieurs avant moi, où il dit en parlant de Neptune : Neptune ainfi marchant dans ces vaftes campagnest Iliad.1.135Fait trembler fous fes pies & forefts & montagnes Et dans un autre endroit: Il attelle fon char, & montant fierement Ainfi le Legislateur des Juifs, qui n'eftoft pas un Homme ordinaire, ayant fort bien conceu la grandeur & la puiffance de Dieu, L5 l'a exprimée dans toute fa dignité, au commencement de fes Loix, par ces paroles. Dieu dit: Que la lumiere fe faffe, & lalumiere fe fit. Que la Terre fe falfe, la Terrefut faite. Je penfe, mon cher Terentianus, que vous ne ferés pas fâché que je vous rapporte encore ici un paffage de noftre Poete, quand il parle des hommes; afin de vous faire voir combien Homere eft heroique lui-mefme, en peignant le caractere d'un Heros. Une épaiffe obfcurité avoit couvert tour d'un coup l'armée des Grecs, & les empéchoir de combattre. En cet endroit Ajax ne fçachant plus quelle refolution prendre, s'écrie: Iliad.1.17. Grand Dieu chasse la nuit qui nous couvre les yeux. Et combats contre nous à la clarté des Cieux. Voilà les veritables fentimens d'un Guer- Iliad 15. Telque Mars en couroux au milieu des bataillés. De colere il efeume&c. 29 Mais je vous prie de remarquer, pour plu- dans l'O Là gift le grand Ajax, & l'invincible Achille.* Cefont Là de fes ans Patrocle a veu borner le cours. des paroless Là mon fils, mon cher fils a terminé fes jours. de Neftor Delà vient à mon avis, que comme Home-dye re a compofé fon Iliade durant que fon esprit eftoit en fa plus grande vigueur,tout le corps de fon Ouvrage eft dramatique & plein d'a Єtion: au lieu que la meilleure partie de l'Odyffée fe paffe en narrations, qui eft le genie de la vieilleffe; tellement qu'on le peut comparer dans ce dernier Ouvrage au Soleil quand il fe couche, quia toûjours fa mefme grandeur, mais qui n'a plus tant d'ardeur ni de force. En effet il ne parle plus du mefine ton: on n'y void plus ce Sublime de l'Iliade qui marche par tout d'un pas égal, fans que jamais il s'arrefte, nife repofe. On n'y remarque point cette foule de mouvemens& de paffions entaffées les unes fur les autres. Il' n'a plus cette inefme force, & s'il faut ainst parler, cette mesme volubilité de Difcours fi propre pour l'action, & mélée de tant d'images naïves des chofes. Nous pouvons dire que c'eft le reflus de fon efprit qui comme un grand Ocean fe retire & deferte fes ri vages. A tout propos il s'égare dans des ima ginations & des fables incroiables. Je n'ai pas oublié pourtant les defcriptions de Tempeftes qu'il fait, les avantures qui arriverent à Ulyffe chez Polypheme, & quelques autres endroits qui font fans doute fort beaux. Mais cette vieilleffe dans Homere, aprés tout,c'est la vieilleffe d'Homere: joint qu'en tous ces endroits-là il y a beaucoup plus de fable & de narration que d'action.. Je me fuis eftendu là deffus, comme j'ai déja dit: afin de vous faire voir que les genies naturellement les plus élevés tombent quelquefois dans la badinerie, quand la force de leur efprit-vient à s'efteindre. Dans ce rang on doit mettre ce qu'il dit du fac où Eole enferma les vents, & des Compagnons d'Ulyffe changez par Circé en pourceaux, que Zoile appelle de petits Cochons lar moians. Il en eft de mefme des Colombes qui nourrirent Jupiter, comme un pigeon: de la difette d'Ulyffe qui fut dix jours fans manger aprés fon naufrage, & de toutes ces abfurditez qu'il conte du meurtre des Amans de Penelope. Car tout ce qu'on peut dire à l'avantage de ces fictions c'eft c'eft que ce font d'affez beaux fonges, &, fi vous voulez, des fonges de Jupiter mefme. Ce qui m'a encore obligé à parler de l'Odyf-fée, c'eft pour vous montrer que les grands Poëtes, & les Ecrivains celebres, quand leur efprit manque de vigueur pour le Patherique, s'amufent Ordinairement à peindre les moeurs. C'est ce que fait Homere ; quand il decrit la vie que menoient les Amans de Pesnelope dans la maison d'Ulyffe. En effet toute cette defcription eft proprement une efpece de Comedie où les differens caracteres: des Hommes font peints. CHAPITRE VIII De la. Sublimité qui fe tire des Cir- Oions fi nous n'avons point encore quelque autre moien par où nous puif-fions rendre un difcours Sublime. Je dis donc, que comme naturellement rien n'arrive au monde qui ne foit toûjours accompagné de certaines circonstances, ce fera un fecret infaillible pour arriver au Grand, fr nous fçavons faire à propos le choix des plus confiderables, & fi en les liant bien enfemble nous en formons comme un corps. Car d'un cofté ce choix, & de l'autre cet amas de circonftances choifies attachent fortement l'efprit. Ainfi, quand Sapho veut exprimer les fureurs de l'Amour, elle ramaffe de tous coftez les accidens qui fuivent & qui ac |