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& d'une critique tres-fine, mais d'une politeffe d'autant plus eftimable, qu'elle accompagnerarement un grand fçavoir. Il a esté disciple du celebre Monfieur le Fevre pere de cette fçavante fille à qui nous devons la premiere traduction qui ait encore paru d'Anacreon en François, qui vient de nous donner tout nouvellement celle des trois plus agreables Comedies de Plante, & qui travaille maintenant à nous faire voir Sophocle & Euripide en la mefme langue.

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I

231

TRAITÉ

DU

SUBLIME

OU

DU MERVEILLEUX

DANS LE DISCOURS,
Traduit du Grec de Longin.

CHAPITRE PREMIER.

Servant de Preface à tout POuvrage.

OUS fçavez bien, mon cher Terentianus, que quand nous leufmes ensemble le petit Traité que Cecilius a fait du Sublimes nous trouvafmes que la baffeffe de son stile répondoit affez mal à la dignité de fon Sujet: que les principaux points de cette matiere n'y eftoient pas touchés, & qu'en un mot cet Ouvrage ne pouvoit pas apporter un grand profit aux Lecteurs, qui eft neanmoins le but où doit tendre tout homme qui veut écrire. D'ailleurs, quand on traite d'un Art, il y a deux chofes à quoi il fe faut toûjours eftudier. La premiere eft, de

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bien faire entendre fon Sujet. La feconde,
que je tiens au fond la principale, confi-
fte à montrer comment & par quels moiens
ce que nous enfeignons fe peut acque-
rir. Cecilius s'eftoit fort attaché à l'une
de ces deux chofes : car il s'efforce de
montrer par une infinité de paroles, ce
que c'eft que le Grand & le Sublime, com-
me fi c'eftoit un point fort ignoré: maisil
ne dit rien des moiens qui peuvent por-
ter l'efprit à ce Grand & à ce Sublime. Il
paffe cela, je ne fçai pourquoi, comme une
chofe abfolument inutile. Aprés tout, cet
Auteur peut-eftre n'eft-il pas tant à re-
prendre pour fes fautes, qu'à louer pour
fon travail, & pour le deffein qu'il a eu
de bien faire. Toutefois, puifque vous
voulés que j'écrive auffi du Sublime
voions, pour l'amour de vous, fi nous
n'avons point fait fur cette matiere quel-
que
que obfervation raifonnable, & dont les
Orateurs puiffent tirer quelque forte d'u

tilité.

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Mais c'est à la charge, mon cher Terentianus, que nous reverrons ensemble exaЄtement mon ouvrage, & que vous m'en direz vostre sentiment avec cette fincerité que nous devons naturellement à nos amis. *Pytha- Car, comme un Sage dit fort bien: fi nous avons quelque voye pour nous rendre femblables aux Dieux; c'eft de faire du bien & de dire la verité.

gore.

Au refte, comme c'est à vous que j'écris, c'est à dire à un homme inftruit de toutes les belles connoiffances, je ne m'arrefte

refterai point fur beaucoup de chofes qu'il m'eust falu establir avant que d'entrer en matiere, pour montrer que le Sublime est en effet ce qui forme l'excellence & la fouveraine perfection du Difcours : que c'eft par lui que les grands Poëtes & les Efcrivains les plus fameux ont remporté le prix, & rempli toute la pofterité du bruit de leur gloire.

Car il ne perfuade pas proprement, mais il ravit, il tranfporte, & produit en nous une certaine admiration meflée d'étonnement & de furprise, qui eft toute autre chose que de plaire feulement, ou de perfuader. Nous pouvons dire à l'égard de la Perfuafion, que pour l'ordinaire, elle n'a fur nous qu'autant de puiffance que nous voulons. Il n'en eft pas ainfi du Sublime il donne au Difcours une certaine vigueur noble, une force invincible qui enleve l'ame de quiconque nous écoute. Il ne fuffit pas d'un endroit ou deux dans un Ouvrage, pour vous faire remarquer la fineffe de l'Invention, la beauté de l'Oeconomie & de la Difpofition: C'eft avec peine que cette jufteffe fe fait remarquer par toute la fuite mefme du Difcours. Mais quand le Sublime vient à éclater où il faut ; il renverse tout comme un foudre, & prefente d'abord routes les forces de l'Orateur ramaffées ensemble. Mais ce que je dis ici, & tout ce que je pourrois dire de femblable feroit fort inutile pour vous, qui fçavez ces chofes par experience, & qui m'en feriez au befoin à moi-mesme des leçons.

CHA

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