attaqué. Un Prodigue ne s'avife guere de s'offenfer de voir rire d'un Avare, ni un Devot de voir tourner en ridicule un Libertin. Je ne diray point comment je fus engagé à travailler à cette bagatele fur une espece de défi qui me fut fait en riant par feu Monseigneur le premier Prefident de Lamognon, qui eft celui que j'y peins fous le nom d'Arifte. Ce détail, à mon avis, n'eft pas fort neceffaire. Mais je croirois me faire un trop grand tort, fije laiffois échaper cette occafion d'apprendre à ceux qui l'ignorent que ce grand Perfonnage durant fa vie m'a honoré de fon amitié. Je commençay à le connoiftre dans le temps que mes Satires faifoient le plus de bruit ; & l'accez obligeant qu'il me donna dans fon illuftre Maison, fit avantageufement mon apologie contre ceux qui vouloient m'accufer alors de libertinage & de mauvai fes mœurs. C'étoit un Homme d'un fçavoir étonnant, & paffionnéadmirateur de tous les bons livres de l'antiquité; & c'eft ce qui lui fit plus aifément fouffrir mes ouvrages, où il crut entrevoir quelque gouft des Anciens. Comme fa pieté étoit fincere, elle eftoit auffi fort gaye, & n'avoit rien d'embarraffant. Il ne s'effraya point du nom de Satires que portoient ces ouvrages, oùil ne viden effet que des vers & des Auteurs attaquez. Il me louia mefme plufieurs fois d'avoir purgé, pour ainfi dire, ce genre de poëfie de la faleté qui lui avoit efté jufqu'alors comme affectée. J'eus donc le bonheur de ne lui eftre pas defagreable. Il m'appella à tous A S fes fes plaifirs & à tous fes divertiflemens, c'eft à dire, à fes lectures & à fes promenades. Il me favorifa mefine quelquefois de fa plus étroite confidence, & me fit voir à fond fon ame entiere. Et que n'y vis-je point? Quel trefor furprenant de probité & de juftice! quel fonds inépuisable de pieté & de zele! Bien que la vertu jettaft un fort grand éclat au dehors, c'eftoit toute autre chose au dedans, & on voyoit bien qu'il avoit foin d'en temperer les rayons, pour ne pas blefler les yeux d'un fiecle auffi corrompu que le noftre. Je fus fincerement épris de tant de qualitez admirables, & s'il eut beaucoup de bonne volonté pour moi, j'eus aussi pour lui une tres-forte attache. Les foins que je lui rendis, ne furent meflez d'aucune raifon d'intereft mercenaire; & je fongeay bien plus à profiter de fa converfation que de fon credit. Il mourut dans le tems que cette amitié eftoit en fon plus haut point, & le fouvenir de fa perte m'afflige encore tous les jours. Pourquoi faut-il que des Hommes fi dignes de vivre foient fitoft enlevez du monde, tandis que des miferables & des gens de rien-arrivent à une extrême vieilleffe? Je ne m'étendrai pas davantage fur un fujet fi trifte: car je fens bien que fi je continuois à en parler, je ne pourrois m'empê cher de mouiller peut-eftre de larmes la Preface d'un livre de Satires & de plaifanteries. DISCOVRS À U RO Y. J Eune & yaillant Heros, dont la haute fageffe N'eft point le fruit tardif d'une lente vieilleffe: Et qui feul, fans Miniftre, à l'exemple des Dieux, Soûtiens tout par Toi-même & vois tout par tes yeux. GRAND ROL, fi jufqu'ici, par un trait de prudence, J'ay demeuré pour Toi dans un humble filence; Ce n'eft pas que mon cœur vainement fufpendu Balance pour t'offrir un encens qui t'est dû. Mais je fçai peu louer, & ma Mufe tremblante Fuit d'un fi grand fardeau la charge trop pefante; Et dans ce haut éclat où Tu te viens offrir, Touchant à tes lauriers craindroit de les flétrir. Ainfi, fans m'aveugler d'une vaine manie, L'un en ftile pompeux habillant une Eclogue, L'autre en vain fe laffant à polir une rime, |