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nocturne, toutes choses qui mettent les mahométans hors d'état de prier Dieu sans crime, à moins qu'ils ne se soient lavé tout le corps, s'ils sont en un lieu où ils puissent trouver de l'eau; s'ils n'en trouvent point, ils peuvent se servir de sable en s'en frottant, au lieu d'eau, ainsi que pour l'abdest, qui est l'ablution des mains, des bras, du cou, du front, des oreilles, des dents, du visage, du nez et des pieds.

39. L'incrédule qui refuse de croire à l'islamisme est plus abject que la brute aux yeux de l'Éternel.

40. L'homme bon porte son cœur sur sa langue, l'homme prudent porte sa langue dans son cœur. 41. Quand le charriot est brisé, il ne manque pas de gens pour vous montrer le bon chemin.

42. Il n'y a point d'accidens si malheureux dont les habiles gens ne tirent quelque avantage; ni de si heureux que les hommes imprudens ne puissent faire tourner à leur préjudice.

43. Les Tartares ne prennent jamais de guide, et trouvent toujours leur chemin. Ces peuples, sans cartes, sans livres géographiques, connaissent fort bien de mémoire les moindres localités d'un pays qu'ils n'ont même pas vu. En cela, la tradition leur sert de précepteur, et leur apprend les plus petits détails topographiques; de plus, il leur suffit d'avoir été deux fois dans un pays pour le décrire aussi parfaitement que le feraient les habitans eux-mêmes. C'est sans doute cette faculté particulière aux Tartares qui, en Orient, a fait donner ce nom aux guides et aux courriers.

44. On ne porte pas deux melons d'eau sous la même aisselle; à l'impossible nul n'est tenu. Ces

melons d'eau, appelés pastèques en Italie, parviennent à une grosseur prodigieuse, ce qui rend impossible l'action d'en porter deux à la fois sous un bras. Ces melons d'eau sont employés en Turquie à un supplice barbare, qui consiste à en faire manger une très-grande quantité à un homme condamné à ce genre de torture, et à l'empêcher d'uriner. Comme ces melons d'eau fournissent une pulpe extrêmement aqueuse, on conçoit les souffrances indicibles que ce malheureux doit endurer. Ce supplice est d'autant plus cruel, qu'il cause à l'organe souffrant une altération fâcheuse, que le temps et l'art de la médecine ne sauraient guérir, et qui dure toute la vie.

45. Tiens ton ennemi pour un éléphant, ne fût-il pas plus gros qu'une fourmi; il n'y a point de petit

ennemi.

46. Quand la tête se perd, les pieds perdent aussi leur à plomb.

47. L'amitié mesure par tonneaux, le commerce par grain.

48. Celui qui visite son pays natal et les auteurs de ses jours, n'acquiert pas moins de mérite que celui qui fait le pélerinage de la Mecque. Cette maxime dérive du respect que les enfans, en Turquie, portent à leurs père et mère. Le sultan lui-même témoigne toujours la plus grande déférence pour sa mère, qu'on nomme sultane validé, ce qui souvent donne à celle-ci, suivant le caractère plus ou moins ambitieux dont elle est douée, un crédit considérable.

49. Le monde est un caravanseraï, et les hommes

font une caravane, n'élevez point de caravanserai dans un caravanseraï; c'est-à-dire, ne faites point d'établissement dans un lieu de passage. C'est le nom que l'on donne, en Orient, aux hôtelleries publiques où vont loger les caravanes. Leur véritable nom est caravan-seraï ou carvan-seraï, dérivé du mot seraï grande maison et de caravan; c'est de ce mot, écrit ainsi en turc, qu'on a fait par corruption le mot sérail, pour désigner le palais du grandseigneur

50. Il faut sacrifier la barbe pour sauver la tête. C'est le dernier période de la détresse d'un Turc, car sa barbe est tout ce qu'il a de plus cher; figurément cela veut dire qu'il faut savoir quelquefois se détacher de ce qu'on estime précieux pour conserver ce qui est plus essentiel encore. Les Turcs disent encore, dans le même sens : Il faut souvent sacrifier un fer pour sauver le cheval

51. L'influence d'un mauvais voisin se fait sentir jusqu'au septième quartier de la ville; la curiosité d'un mauvais voisin pour connaître les affaires des autres, augmente en proportion des raisons qu'il a de cacher les siennes.

52. Le pot se brisera sur leur tête, et ils tomberont comme ils le méritent dans la fosse qu'ils creusent pour autrui. Avis aux fourbes et aux méchans.

53 La trop grande crédulité et l'extrême défiance sont deux défauts opposés qu'il faut éviter l'on ne doit ni croire aveuglément tout ce que l'on dit, ni douter de tout ce que l'on entend. Le flambeau du discernement doit nous éclairer et nous montrer où est la vérité.

T. II.

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54. Aujourd'hui est à nous, demain est à Dieu, qui sait qui en jouira? C'est la maxime des tarlaquis ou calenders, espèce de religieux qui tirent leur nom d'un santon arabe nommé Calender. Ce sont des hommes dont la vie dissolue et la conduite scandaleuse sont souffertes par les Turcs, parce que ceux-ci s'imaginent sottement qu'ils sont parvenus à la plénitude de la faveur divine par leurs révélations avec le ciel : aussi les appelle-t-on communément veli ou saints; mais ces prétendus saints ne sont pour la plupart que des hypocrites et des scélérats, dont la rencontre sur les chemins est dangereuse, et dont le principal charlatanisme consiste à contrefaire les imbécilles ou les fous, pour intéresser la commisération des passans.

55. L'érudition n'est pas la science, de même que les matériaux ne sont pas le bâtiment. Montaigne a dit, dans le même sens : N'examinez pas combien un homme sait, mais comment il sait.

56. Il ne croit plus d'herbe où la cavalerie othomane a mis une fois le pied. La vaste surface qu'occupent les tentes, les marmites, l'embarras énorme des bagages et le nombre étonnant des valets et des goujats, grossissent prodigieusement ces armées à l'œil. Les intendans enflent d'ordinaire les rôles, parce que le nombre, disent-ils, inspire quelque confiance aux lâches, qui sont ordinairement des auxiliaires, car les Turcs sont fort braves de leur nature. Pour relever leur puissance militaire, les Turcs se plaisent à employer cette hyperbole proverbiale Asker reml deria misal, c'est-à-dire . l'armée turque est innombrable. On sait que leurs

armées se composent, outre les auxiliaires, de Zaimset de Timariots, compris sous le nom général de Spahis, espèces de vassaux obligés de mener à la guerre un nombre déterminé d'hommes et de cavaliers. Malgré ce ban, qui compose la meilleure partie des armées turques, il s'en faut de beaucoup qu'elles soient aussi considérables que l'orgueil othoman voudrait le faire croire. Le sentiment de l'honneur militaire, chez les Turcs, ne les conduit pas, comme les autres nations, à conserver leurs drapeaux. Les Français reviennent avec eux ou meurent dessus. Le plus grand malheur qui puisse arriver à un corps turc, est la perte de ses marmites, et, pour le prévenir, ils ont constamment deux batteries de cuisine; lorsque toutes les deux ont été prises par l'ennemi, la légion est rompue, et on en forme une nouvelle, à laquelle on donne de nouvelles marmites.

57. La nature, qui ne nous a donné qu'un seul organe pour la parole, nous en a donné deux pour l'ouïe, afin de nous apprendre qu'il faut plus écouter que parler. Cette pensée est la même que celle de Caton le censeur, renfermée dans les deux vers suivans, que Nabi-effendi, l'auteur de la première, n'avait certes par lus :

Os unum Natura duas formavit et aures,

Ut plus audiret quàm loqueretur homo.

58. Ce n'est point en disant miel, miel, que la douceur vient à la bouche.

59. Ceux-là trouveront à manger qui se trouveront à leur oda (oda veut dire chambrée, compagnie). C'est une règle établie par Soliman, et qui

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