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du contribuable dans une corde jaugée à cet effet; ils sont convaincus que la nature ne peut jamais lui donner un développement autre que celui de leur tare à une certaine époque de la vie.

Le gouvernement de Turquie est despotique, mais il l'est moins que dans certains pays de l'Europe. Le sultan (padischah) est rigoureusement assujetti au lois du qôran (vulgairement alcoran, mais dont le vrai nom cour'ann signifie le livre par excellence), qui mettent des entraves à son pouvoir absolu, contre-balancé d'ailleurs par l'influence des oulémas et par celle d'une aristocratie religieuse.

La religion établie en Turquie est l'islamisme ou mahométisme, qui tire son nom de Mahomet (Mohammed), son fondateur; mais, dans la partie européenne de l'empire, une grande partie des sujets de la Turquie est de la religion schismatique grecque. L'attachement exclusif des sectateurs du qôran, qui est à la fois un code de législation civile et religieuse, leur mépris pour les arts et les sciences, secondé par la haine qu'ils portent aux mécréans, ont contribué à élever une barrière insurmontable entre eux et les peuples qui professent une autre religion, qu'ils traitent de giaur ou keavour, infidèles. Le mufti, ou pontife mahométan, exerce une grande autorité à Constantinople; mais son pouvoir se met rarement en opposition avec le gouvernement civil. Après lui viennent les moulahs, qui réunissent à ce titre celui de docteurs en droit; les imans ou prêtres, qui desservent les mosquées, et les derwichs. La morale des Turcs est

assez pure, mais mal observée. L'attachement à la vertu décroît dans toutes les religions à mesure que le goût des pratiques superstitieuses augmente, et, sous ce rapport, les Turcs ont un zèle poussé jusqu'au fanatisme. Il ne leur est pas permis de rejeter celui qui s'offre à devenir un vrai croyant, fût-il un brigand de profession, un meurtrier reconnu, enfin le plus scélérat des hommes.

La langue turque est bien inférieure en réputation et en mérite aux langues persane et arabe; elle n'est en effet qu'un mélange de différens dialectes, et n'a ni la force, ni l'élégance, ni la pureté de ces deux célèbres langues de l'Orient. De tous les genres de littérature, la poésie est celui qu'ils cultivent de préférence. Il existe en langue turque des morceaux de poésie pleins de feu, d'imagination et de délicatesse. Les Turcs ont eu des poètes distingués, parmi lesquels on remarque Mehemet-effendi, l'un des principaux ornemens de la morale turque; Navali, auteur du Feranameh, ouvrage de morale et de politique; Nabi-effendi, poète très-estimé sur la fin du dix-septième siècle; Veisieffendi, poète satirique. Le mot effendi est une dénomination honorable qui veut dire seigneur, et qu'on donne aux ulémas, aux juges et aux savans. On peut consulter l'ouvrage de Toderini sur la littérature des Turcs.

PROVERBES TURCS.

1. Confiez-vous aux réflexions du lendemain. Les latins disent Mora omnis odio est, sed facit sapien

tiam. La précipitation n'est pas le caractère de la sagesse.

2. Celui qui sème des épines ne peut moissonner que des afflictions.

3. Celui qui a beaucoup de poivre en met jusque sur ses choux. Ce proverbe fait la satire du luxe et de la prodigalité.

4. Il est sûrement de la race des émirs. Les Turcs prétendent que les émirs jusqu'à leur quarantième année ont beaucoup de sagesse et de savoir, mais qu'a 'alors ils deviennent imbécilles, quoiqu'ils regardent ceci comme un signe céleste de leur origine. Ils désignent ordinairement par ce proverbe un homme borné, stupide. On sait que les émirs proprement dits, ou gens de distinction, sont ceux qui, tirant leur origine de Fatime, fille de Mahomet, ont le privilége de porter, pour signe de leur descendance du prophète, un mouchoir vert autour de leur turban.

5. Il y a deux choses qu'on ne peut regarder fixement, le soleil et la mort.

6. Recueille, comme autant de perles précieuses, les paroles de ceux qui sont un océan de science et de

vertu.

7. Ne te fie point aux promesses des grands, au calme de la mer, aux rayons d'un soleil couchant, aux jarrets de ton cheval, à la fidélité des femmes.

8. Nul franc n'emporte d'argent de Turquie. Ce proverbe de mauvais augure fait allusion aux vicissitudes malheureuses auxquelles sont sujets les Européens qui s'établissent dans les domaines de

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la Turquie pour exercer le commerce, et que les Turcs désignent par le terme générique de francs. En effet, la plus grande partie des Européens finit de trois manières, par la peste, par une banqueroute, ou par une catastrophe populaire. Les Italiens disent aussi proverbialement de l'Égypte : In Egitto a lungo andare si muore di peste.

9. Fuis tout démêlé avec l'homme sans probité, c'est un mauvais arbre qu'il faut abandonner à la coignée.

10. La vie est une lampe, jouis-en tandis qu'elle brûle; si tu dors, c'est autant de perdu.

11. Ne frappe pas à la porte d'un autre, si tu ne veux pas qu'on frappe à la tienne. Un émir fort laid et fort déplaisant venait de se marier avec une fille qu'il n'avait jamais vue, et dont la figure n'était pas plus attrayante que la sienne. Le lendemain de leur mariage, la femme demanda à son époux quels étaient ceux de ses amis à qui elle pourrait montrer son visage sans voile: Montrez-le à qui vous voudrez, lui répondit l'incivil époux, mais cachez-le-moi désormais. - Supportez ma laideur, dit la femme. Je n'ai pas assez de patience pour cela. -Ah! reprit-elle, vous devez pourtant en avoir un grand fonds, puisque vous avez supporté, depuis que vous vivez, l'horrible nez que je vous vois.

12. Le jardin de la poésie est sec et aride, s'il n'est arrosé des eaux de la philosophie.

13. Rien ne peut arriver au-delà de ce qui est prédestine.

14. Quand la flèche de la fatalité est lancée, ce

n'est point le bouclier de la prudence qui peut en ga

rantir.

15. Ce que la plume du destin a écrit, tout l'art des hommes ne peut l'effacer; Dieu seul est au-dessus de tout. On sait que les Turcs croient à la prédestination; leur préjugé à cet égard, sur toutes sortes de maladies, est si puissant, qu'ils n'en appréhendent aucune, pas même la peste. Ils croient que Dieu a écrit sur le front de tous les hommes le genre de mort qu'ils doivent subir, et le temps auquel il doit leur arriver; qu'étant impossible d'éviter ce destin, il est inutile de fuir le danger. Dans cette opinion, ils touchent les habillemens des pestiférés, les draps de leurs lits, et s'en frottent le visage. Si Dieu, disent-ils, a résolu que je meure, cela arrivera infailliblement à l'instant fixé par lui; si ce n'est pas au contraire sa volonté, ce linge ne pourra me nuire: c'est ainsi qu'ils donnent une entrée facile à la contagion de la peste. Busbeck raconte, au sujet de ce fléau, une aventure singulière, et qui lui est personnelle : « J'étais à Constantinople lorsque la peste y régnait; j'envoyai demander au visir la permission d'aller dans quelque lieu où l'air n'en fût point infecté; le visir (Azem) me fit dire qu'il en parlerait à l'empereur (c'était Soliman II). Voici quelle fut sa réponse: Cet ambassadeur n'y pense pas, dit le prince; peut-il ignorer que la peste est un fléau de Dieu que l'on ne peut détourner, et que, dans quelque lieu où il aille, il ne pourra se mettre à couvert de ses flèches, s'il a résolu de l'en frapper. Il est inutile qu'il prenne la fuite ou qu'il se cache, il chercherait en vain à éviter ce qui est inévitable;

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