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tration des animaux; d'ailleurs ils attribuent à leur chair des qualités pernicieuses, que la chaleur du climat rend probables; ils mangent très-vite et assis sur des nattes ou des tapis où sont placées des petites tables d'un pied de haut, recouvertes d'une plaque ronde de cuivre étamé. Ils n'emploient ni couteaux ni fourchettes; ils savent même si adroitement plier leurs doigts en forme de cuillers, qu'ils mangent avec la main leur potage au lait. Ils aiment avec passion la pâtisserie. La liqueur la plus remarquable est le café, qu'ils préparent à la manière des Turcs, en le torréfiant dans une poêle ouverte; ils le broient ensuite dans un mortier de pierre ou de bois; ce mode, suivant eux, conserve plus essentiellement l'arôme du café que celui de le réduire en poudre avec un moulin. Les habitans. de l'Yémen prennent rarement du café; ils prétendent qu'il échauffe le sang; je ne sais si cette assertion est fondée sur l'expérience. Quoique les liqueurs spiritueuses soient interdites par le Qôran, elles ne sont cependant pas inconnues en Arabie. où elles s'introduisent sans doute furtivement. Avant de se mettre à table ils ne manquent jamais de faire une courte prière, et de dire: Au nom du Dieu puissant et miséricordieux. Lorsqu'un des convives ne veut plus manger, il se lève sans attendre les autres, et dit : Dieu soit loué. Quand les Arabes sont à table, ils invitent tous les survenans à manger avec eux, qu'ils soient pauvres ou riches, puissans ou faibles, mahométans ou chrétiens. Lorsqu'un chaic des Bédouins mange du pain avec des étrangers, ils peuvent compter sur sa fidélité et

sa protection. Un voyageur peut de même être assuré de l'attachement de son conducteur.

Les Arabes fument quelquefois du haschisch, drogue composée des feuilles d'une plante qui a de la ressemblance avec le chanvre, et qui produit l'ivresse; ce qu'ils appellent alors, avoir keif, c'est-àdire être dans la joie; ils prétendent que la fumée de cette drogue leur inspire du courage et des idées riantes. D'autres fois, ils font usage du tabac à la manière des Persans et des Turcs; ils ne prennent point d'opium comme ces derniers, mais ils mâchent continuellement du kaad, ingrédient composé avec les bourgeons d'un arbre particulier aux montagnes de l'Yémen. Il faut que ce soit une contume invétérée ou une mode, de mâcher ce kaad, car cette drogue a l'inconvénient de dessécher la fibre et de troubler le sommeil.

L'habit long est en usage chez les Arabes comme chez les Turcs et les Indous; ils portent de larges pantalons serrés avec une ceinture de cuir armée d'un coutelas qu'ils nomment jambea. Ils jettent sur leurs épaules une grande pièce de toile, destinée à les garantir des ardeurs du soleil et de la pluie. La coiffure nationale des Arabes, qu'ils ont communiquée à toute l'Asie, consiste dans un grand nombre de bonnets de toile de laine ou de coton entassés les uns sur les autres, et entourés d'une espèce d'écharpe qu'ils appellent sasch ou turban; cet assommant édifice, qui, au premier aspect, paraît ridicule, est essentiel pour protéger la tête contre les coups d'un soleil extrêmement ardent. La forme de cette coiffure est d'ailleurs adaptée au

climat; elle est de la plus haute antiquité: on la retrouve dans les anciens monumens Egyptiens. Le vêtement principal des Arabes de distinction est une large chemise soit blanche, soit rayée de bleu ; mais le commun des Arabes n'a qu'une pièce de toile à l'entour des reins, avec un baudrier et un poignard, et ne porte pas de chaussure, ce qui leur durcit extrêmement la plante des pieds. Lorsqu'ils sont forcés de gravir des montagnes, ils garantissent leurs pieds avec des peaux de mouton. Les femmes ont une large chemise et un pantalon. Dans l'Hédjâz, comme en Égypte, leur figure est cachée sous un voile de mousseline qui ne laisse apercevoir que les yeux; dans l'Yémen, elles portent des voiles encore plus longs, des bracelets, des anneaux, des colliers de perles fausses. Ce n'est pas assez pour elles d'avoir des pendans aux oreilles, elles se passent souvent un anneau dans le cartilage du nez, comme on le fait dans l'Indostan; elles se teignent les ongles en rouge, et les pieds et les mains en brun jaune avec le suc colorant du henneh. Suivant un usage commun en Orient, elles se brunissent les paupières avec de la poudre d'antimoine ou avec de la mine de plomb préparée nommée kochhel, et mettent tous leurs soins à noircir et à étendre leurs sourcils; elles se font aussi des piqûres noires au visage pour réhausser leur beauté. Leur teint est généralement d'un jaune foncé.

Les Arabes qui habitent les villes et les ports de mer ont perdu, par les habitudes du commerce et par leur fréquentation avec les étrangers, une par

tie du génie national. Les Bédouins ou Arabes errans, vivant sous des tentes et par tribus séparées, ont conservé les mœurs et les usages de leurs ancêtres. Les vrais Arabes dédaignent la culture des terres, comme un travail dégradant; ils n'entretiennent que des chameaux, des moutons et quelques chevaux. Les Bédouins, ne respirant toujours que le grand air, ont l'odorat d'une finesse exquise, et abhorrent le séjour des villes, à cause des exhalaisons qui affectent désagréablement cet organe. Ces Arabes errans dans le désert peuvent rester cinq jours entiers sans boire, et ont l'art de découvrir le site où les eaux sont cachées, à quelque profondeur que ce soit, à l'inspection de la nature du sol et des plantes qu'il produit. Les Bédouins n'ont pas de demeure fixe, ils s'arrêtent et campent sous des tentes partout où ils trouvent de l'eau et des pâturages. Cette vie errante est pour eux pleine de charmes, et ils regardent les Arabes sédentaires comme des esclaves. Leurs armes sont le sabre, la lance, un grand couteau, qu'ils portent à leur ceinture, et un mousquet. Leur mobilier se compose de quelques chameaux à une seule bosse, qu'ils forment dès leur naissance aux exercices et aux fatigues que ces compagnons de leurs voyages doivent supporter toute leur vie, de quelques chèvres qui leur fournissent, dans leur lait, une nourriture habituelle. Mais ce qui fait l'objet des plus ardens désirs d'un Bédouin, c'est la possession d'une jument; c'est sa compagne favorite: elle partage ses périls dans les courses qu'il fait contre des tribus ennemies, et ses fatigues dans la maraude. Elle est

préférée au cheval, parce qu'elle ne hennit pas, parce qu'elle est plus docile et qu'elle a du lait qui, dans l'occasion, apaise la soif et même la faim de son maître. Ce précieux animal, dont la noblesse se transmet, comme anciennement celle de Champagne, par le ventre, produit cette race de chevaux si estimés par leur bonté, leur fidélité et leur intelligence. Les Bédouins, qui se soucient peu de la généalogie de leurs familles, dont les autres Arabes sont très-jaloux, ont pour ainsi dire substitué leur noblesse à leurs chevaux : ils les distinguent en trois races les nobles, les mésalliés et les roturiers, et ils prennent toutes les précautions pour conserver la pureté de la race primitive. Ces chevaux sont généralement d'une taille médiocre, mais svelte et dégagée, fort souples et plutôt maigres que gras. Casiri, savant orientaliste, rapporte que les Arabes font de grandes réjouissances dans les trois occasions suivantes, si une jument poulinière a mis bas un poulain de belle espérance, s'il leur est né un fils, s'il paraît un poète distingué dans une tribu.

On accuse les Arabes d'avoir une inclination naturelle pour le larcin et pour le brigandage, et cette accusation se trouve confirmée par le témoignage de Montesquieu. « Les Arabes, dit-il, étaient » autrefois ce qu'ils sont aujourd'hui, également » adonnés au négoce et au brigandage. Leurs im» menses déserts d'un côté et les richesses qu'on y » allait chercher, produisaient ces deux effets. » En parcourant le désert, où l'horizon est aussi immense que celui de l'Océan, ils aperçoivent les caravanes

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