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la fraicheur et les grâces étaient inaltérables, buvaient l'hydromel dans les crânes de leurs ennemis et passaient le temps dans l'exercice continuel des armes et des combats.

La lumière de l'Évangile ayant été enfin apportée dans le Danemark, la civilisation marcha à grands pas dans ce pays. Aujourd'hui la religion est la luthérienne, la religion catholique romaine ayant été abolie par Christiern III en 1537. Aucun royaume de l'Europe n'a plus varié pour l'étendue que celui de Danemark; c'est le résultat des guerres et des conquêtes. Aucun peuple ne fut plus conquérant, aucun peuple n'eut plus de succès et plus de revers. La totalité de la population du Danemark peut monter à plus de deux millions. Depuis la révolution de 1660, le gouvernement est une monarchie absolue. Cependant, il est en général empreint de douceur et de modération, et les formes légales y sont religieusement observées. Le code des lois danoises redigé par Christiern V, sur la fin du dix-septième siècle, est simple, net et précis; il ne forme qu'un petit volume, tandis que dans le midi de l'Europe, la vie d'un homme est à peine suffisante pour connaître l'énorme masse de lois qui régissent les États qu'il comprend. Toute formule qui ne tend qu'à allonger une affaire, est sévèrement proscrite par les tribunaux danois; on peut dire que c'est véritablement en Danemark que la justice est sur son trône. L'Angleterre se glorifie d'avoir reçu ses meilleures lois des Danois, et l'ancienne coutume de Normandie, appelée la sage coutume, n'est, quant au fond, que l'expression

des anciennes lois danoises, qui y furent apportées par Rollon, premier duc de Normandie.

Les mœurs et les coutumes des classes supérieures en Danemark, diffèrent peu de celles des personnes du même rang dans les autres parties de l'Europe. Le gouvernement danois s'est occupé activement du sort des paysans et des laboureurs, que l'état de servitude rendait apathiques, sales et paresseux; par un édit rendu en 1788, leur affranchissement doit s'opérer peu à peu. Les Danois sont avides et jaloux des titres et priviléges qui émanent de la cour. Ils s'efforcent d'imiter le costume, les manières, et jusqu'à la galanterie des Français; mais ils forment avec ceux-ci un contraste qui fait ressortir d'une manière plus frappante la gaucherie et la maladresse des imitateurs. Les classes inférieures, à l'exemple de plusieurs nations du nord, s'abandonnent aux excès de la boisson et de l'intempérance. La noblesse, plus polie, met plus de modération dans ses plaisirs; elle sent tout l'avantage qu'elle peut retirer des communications avec les autres cours de l'Europe qu'elle fréquente, pour y puiser le goût et les connaissances qui lui manquent. La plupart des maisons nobles de Danemark se distinguent par des sobriquets ainsi les Juls, sont dits couronnés; les Vinds, braves; les Kruses, fidèles; les Marsuins, beaux; les Grubbes, honnêtes; les Urnes, tranquilles; les Brahès, de bonne humeur; les Lykkes, précieux; les Skrams, hautains; les Parsbergs, éloquens; les Munkes, glorieux; les Bruskes, mauvais.

Une chose qui est digne d'attention, c'est que,

dans nul pays, on ne sait mieux observer qu'en Danemark de justes proportions dans le mariage, eu égard à la naissance et à la fortune. Un mariage disproportionné y est une chose rare; les alliances sont toujours basées sur la parité de rang, de fortune, et sur les convenances sociales et la raison. Parmi la bourgeoisie et le peuple, après les conventions réciproques de mariage, le père de la fiancée, en l'accordant au futur, use scrupuleusement de ces termes, consacrés par l'usage et les lois : Je vous donne ma fille pour être votre femme, pour vous honorer, pour avoir part à votre lit, pour avoir les clefs de votre maison et la troisième partie de vos biens tant meubles qu'immeubles. Le jour destiné pour la célébration du mariage, les parens de la fille la conduisent au temple, et portent des flambeaux ornés de cordons de soie et de rubans de diverses couleurs. Avant de remettre l'épouse entre les mains de son mari, plusieurs femmes la conduisent dans un bain : celles qui sont de son âge portent dans cette cérémonie des vases remplis de bière ou de vin, avec de la canelle, du sucre et des gâteaux pour se régaler entre elles. Les jeunes femmes seules ont le droit de souper avec l'épouse; mais les hommes mariés, quel que soit leur âge, soupent ensemble. Parmi les gens du commun, les parens et les amis donnent en présent à l'épouse un porc, une brebis ou une vache, et à l'époux un poulain, un chien, un chat ou une oie. C'est une leçon déguisée sous une allégorie, que l'on prétend donner à l'époux et à l'épouse, pour les engager à fuir les défauts que l'on reproche à ces animaux,

savoir au porc, d'être malpropre, à la brebis, indolente, à la vache, paresseuse; au poulain, étourdi, au chien, hargneux, au chat, traître, à l'oie stupide.

La langue danoise est un dialecte du teutonique: à la cour et dans les hautes sociétés on parle l'allemand et le Français.

PROVERBES DANOIS.

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1. Aaen: det er bedre at stemme Bekken end Aaen, il est plus aisé d'arrêter un ruisseau qu'une rivière c'est-à-dire, de s'opposer à un petit mal qu'à un grand.

2. Ormen tömmer haard nödder : aager folk og stad foröder, le ver ronge la noix, et l'usurier ronge les habitans d'une ville. Celui qui dit que l'usure n'est point un crime n'a point de Dieu. L'usure, aujourd'hui si commune, est une passion infâme qui porte avec elle sa honte et sa bassesse. Envisagée sous le rapport de la religion, de la morale et de la politique, c'est un crime qui détruit les fondemens de la société, et qui a mérité d'être comparé à l'homicide. On demandait à Caton ce que c'était que prêter à usure: c'est tuer, répondit-il. Les Romains punissaient l'usure plus sévèrement que le vol; ils condamnaient un voleur à rendre le double de l'objet volé, et un usurier à rendre le quadruple de l'objet prêté. Le métier d'usurier a été de tout temps poursuivi par le mépris et la haine.

3. Der er aldrig saa liden en Aal, han stunder jo at blive en Hval, il n'y a pas de si petite anguille qui ne se flatte de devenir baleine.

4. Saa vist, som naar man holder aalen med rumpen, aussi certain que quand on tient l'anguille par la queue; en parlant d'une chose dont le succès est incertain.

5. Aaret gir korn, ikke ageren, la moisson dépend plus de l'année que du champ: annus producit, non ager. L'éducation fait l'homme.

6. Adam gav skylden paa Eva, og Eva paa slangen, Adam jeta la faute sur Éve, et Éve la jeta sur le serpent. Chacun cherche à s'excuser aux dépens des autres.

7. OEd fisken mens han er frisk, og gift din daatter mens hun er ung, mangez le poisson tandis qu'il est frais, et mariez votre fille tandis qu'elle est jeune.

8. Ed ey kirsebær med store herrer, de kaste dig steenene i næsen, ne mange point de cerises avec des grands seigneurs, de peur qu'ils ne te jettent les noyaux au nez.

9. Man skalæde efter sin egen, men klæde sig efter andres viis, il faut manger selon son goût, et s'habiller au goût des autres.

10. Den som vil æde æg, maa og lide hönse ne kagle, celui qui veut manger des œufs doit supporter le cri des poules.

11. Han lever some store herrer: ader, drikker og holder sig kostelig, og bliver aldt skyldig, il vit comme les grands seigneurs: il mange, il boit, il fait belle figure; et il doit de tous côtés.

12. Elde kommer med megen usnilde, l'âge vient avec la malice.

13. Dyd giör ædel, la vertu rend noble. Quelqu'un reprochait au célèbre Jean Corvin Huniade,

T. II.

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