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4. La mesure de notre patience doit être celle de notre pouvoir.

5. Le désir que l'on a de recevoir de nouveaux bienfaits, est cause qu'on oublie ceux qu'on a reçus. 6. L'ivresse est une folie volontaire; elle fait commettre mille indignités dont on rougit de sang-froid. La tristesse est de tous les tableaux celui dont on sè lasse le plus tôt.

7.

8. C'est un défaut de tout croire, c'en est un autre de ne rien croire.

9. Le meilleur remède aux injures, c'est de les oublier.

10. Quand un ambitieux vous dit qu'il renonce à l'ambition, n'en croyez rien; c'est un amant qui se querelle avec sä maitresse : ne prenez pas un moment d'humeur de sa part pour une rupture.

11. Notre âme est plus forte que la fortune, elle seule décide de notre bonheur ou de notre malheur. 12. La véritable amitié est celle avec laquelle on meurt, et pour laquelle on consent à mourir.

13. Ne remets jamais ton bonheur au pouvoir d'autrui.

:

14. La colère est fille de l'orgueil de là ce faux air de noblesse qui la caractérise; mais elle est dans le fond la plus petite et la plus vile de toutes les

sions.

pas

15. Le premier châtiment du crime est de l'avoir commis; la conscience est toujours là prête à prononcer et à appliquer la peine.

16. Le lâche succombe même avant l'attaque ; l'homme de courage est inébranlable; s'il est renversé, il combat à genoux.

i7. Nous ne vivons pas,

contre les autres.

nous nous usons les uns

18. Une grande fortune est une grande servitude. 19. La vraie liberté est le partage de l'homme vertueux, elle ne dépend ni du sol qu'il habite, ni des temps où il vit; elle est à l'abri des coups du pouvoir et de la fortune.

20. On se plaint d'être malheureux, comme s'il y avait quelqu'un exempt de le devenir. Demandez à chaque homme les annales de sa vie, vous verrez que pas un seul n'a eu le bonheur de naître impunément. 21. L'homme orgueilleux est moins sensible au mépris qu'à l'idée de n'être plus redouté.

22. Dans un homme qui peut tout, je considère moins ce qu'il a fait, que ce qu'il aurait pu faire.

23. L'homme enrichi vit mécontent de sa fortune, lors même qu'il lui en a peu coûté pour l'acquérir; il blâme les moyens dont il s'est servi, et regrette ceux qu'il n'a pas employes.

24. « La vertu ne veut point d'amans intéressés ; c'est avec une robe ouverte et sans plis qu'il faut venir dans ses bras. La vertu est elle-même sa seule récompense. » Les Romains mettaient dans les plis de leurs robes les présens qu'ils recevaient (1).

PLUTARQUE. Plutarque, célèbre biographe et moraliste, naquit à Cheronée en Béotie, l'an 48 avant J.-C. Il se fit remarquer de bonne heure par ses

(1) Le lecteur a dû s'apercevoir que de nombreuses citations des divers auteurs qui suivent, ont été faites dans le cours de cet ouvrage : je pense 'qu'il considérera ce choix de pensées auxquelles je me suis permis quelquefois de donner plus de développement, comme un complément agréable et instructif.

talens. Après avoir voyagé en Grèce et en Égypte, il vint à Rome, où il enseigna la philosophie. Il fut honoré de la confiance de Trajan et de la dignité proconsulaire. Après la mort de ce prince, son bienfaiteur, Plutarque se retira dans sa patrie, y vécut au sein du repos, des lettres et de la philosophie, et mourut, emportant l'estime générale de ses concitoyens, l'an 140 de J.-C., sous le règne d'Antonin le Pieux. Son livre des Hommes illustres est si estimé de nos penseurs modernes, qu'un homme d'esprit à qui l'on demandait lequel de tous les livres de l'antiquité il préférerait conserver, s'il n'en pouvait obtenir qu'un, répondit, après avoir long-temps réfléchi, c'est Plutarque. Lorsque l'enthousiasme pour les romans de chevalerie eut fait place à la lecture des Vies des Hommes illustres de Plutarque, l'ouvrage de ce célèbre biographe devint le livre de la nation française. « Nous étions » perdus, dit Montaigne, si ce livre ne nous eût re» levés du bourbier; sa merci, nous osons à cette » heure parler et écrire: les dames en régentent les » maîtres, c'est notre bréviaire. » On reproche à Plutarque des longueurs, des observations minutieuses, des maximes souvent triviales, des paralogismes, et une ignorance complète de la physique, même de celle de son temps, défauts qui se font sentir surtout dans ses traités de morale. Mais, à ces taches près, on ne peut lui refuser un grand talent pour faire connaître et aimer la vertu :

1. L'avarice est une passion bien singulière: les autres passions travaillent à se satisfaire, l'avarice

se tourmente sans cesse pour n'être jamais satisfaite. 2. Ce qui nuit plus que toute autre chose à la tranquillité de l'âme, c'est de ne pas savoir mesurer ses vœux à sa condition et à sés facultés.

3. Entre bien des causes qui peuvent nous empêcher d'avoir un ami, l'une des principales est de rechercher un trop grand nombre d'amis.

4. On recherche trois choses dans la véritable amitié : la vertu, qui en constitue la beauté; l'habitude, qui en fait la douceur; l'usage qu'on en retire, qui en forme l'utilité.

5. Il faut surtout écarter les jeunes gens des mauvaises compagnies;, car c'est avec elles qu'ils se forment au vice.

6. Dans l'éducation, le naturel est le sol, l'instituteur est le laboureur, les raisonnemens, les bons avis sont les semences.

7. Les envieux souffrent à la fois du mal qui leur arrive, et du bien qui arrive aux autres.

8. La gourmandise est la divinité des esclaves; elle est étrangère aux hommes libres.

9. Tous les hommes font des fautes; mais il faut regarder comme incorrigible celui qui prend en mauvaise part les conseils ou les reproches.

10. Ne lire de sages écrits que pour en admirer le style, c'est ne s'attacher qu'à la couleur et à l'odeur des plantes salutaires, et en négliger ou méconnaître les vertus.

11. Il est également peu digne d'un honnête homme d'être trop avare ou trop prodigue de louanges.

12. Le reproche fait mal à propos n'est pas moins

nuisible que la louange non méritée; il jette celui qui le reçoit dans les bras du flatteur.

13. Que faut-il faire pour s'élever à une grande réputation? Dire de belles choses, et faire de gran

des actions.

14. L'air s'échappe d'un vase que l'on remplit; l'homme qui se remplit de vérités morales se débarrasse de l'orgueil..

CICERON. Marcus Tullius Cicéron naquit l'an 647 de Rome, environ 107 ans avant J.-C., dans la petite ville d'Arpinum, au pays des Volsques. Son père était chevalier romain, et descendait de Titus Tatius, roi des Sabins. Il ne dut pas à sa naissance la gloire à laquelle il est parvenu, mais au talent qu'il fit éclater au barreau de Rome, et à son propre mérite, qui le rendit l'arbitre des rois, le père de la patrie, et le fit nommer successivement préteur, questeur et consul. L'une des premières causes qu'il plaida fut celle du célèbre comédien Roscius; il y déploya toute cette éloquence qui l'a depuis fait tant admirer; mais il y traita en même temps sans aucun ménagement les partisans de Sylla. Comme ceuxci étaient tout-puissans, il craignit d'être la victime de son zèle, et quitta Rome pour aller se livrer dans Athènes à l'étude de la philosophie et des belleslettres. Il prit pendant quelque temps dans cette ville les leçons d'Antiochus, philosophe platonicien. De là, pour se perfectionner dans l'éloquence, il se rendit en Asie, ensuite à Rhodes, où il eut pour maître le Grec Molon, le rhéteur le plus habile qui existât alors. En voyant Cicéron retourner à Rome,

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