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comme un éclair; 3° de l'amour d'une coquette, parce qu'elle change pour une bagatelle; 4° de la beauté, parce que l'injure du temps, le souffle desséchant de l'adversité, la plus légère maladie peuvent l'altérer; 5° des fausses louanges, car ce n'est que de la fumée; 6° des biens de ce monde, parce qu'ils dépendent des caprices du sort.

71. Le portier d'un sot peut toujours dire qu'il n'y a personne au logis de son maître.

72. Il y a des mets qu'on refuse par gourmandise, il est des honneurs qu'on refuse par ambition.

73. Vinaigre donne vaut mieux que miel acheté. Ce proverbe décèle le caractère intéressé des Arabes.

74. Votre habit règle la manière dont on doit vous recevoir. Ce proverbe est fort usité parmi les Orientaux, et principalement parmi les Turcs et les Persans; il peut servir de leçon aux voyageurs qui parcourent ces contrées.

75. Hélas! voici encore une nouvelle grâce que je reçois des Barmécides. Le calife de Bagdad HarounRashid, après avoir immolé à sa haine et à sa fureur la famille entière des Barmécides, qu'il avait chérie, et après avoir fait même jeter dans un puits Abassa, sa sœur, et les deux enfans qu'elle avait eus de Giaffar, son ami et son confident, pour avoir osé transgresser l'ordre cruel qu'il avait donné à son favori de n'user aucunement des droits du mariage, lui permettant seulement de contenter sa vue des charmes de son épouse, poussa la vengeance et la barbarie, pour qu'il ne restât pas la moindre trace de cette illustre famille, jusqu'à

défendre, sous peine de la vie, de prononcer le nom de Barmécides. Ce nouvel acte de tyrannie ne servit qu'à faire ressortir avec plus d'éclat et le souvenir des Barmécides et le magnanime dévoùment d'un vieillard nommé Mondir, que la reconnaissance avait attaché à cette famille si cruellement persécutée. Il se rend à Bagdad, et, se plaçant sur une petite élévation, reste des ruines du palais des infortunés Barmécides, il entretient les passans des vertus, des nobles actions des membres de cette famille, naguère si puissante. Haroun, instruit de la hardiesse de cet homme, le fait arrêter et le condamne à mort. Mondir entend son arrêt avec joie, et demande pour toute grâce, avant d'être conduit au supplice, la permission de dire un mot au calife, qui y consent; il paraît devant le terrible monarque, et il lui retrace avec les détails les plus circonstanciés toutes les obligations qu'il a aux Barmécides. Le calife, étonné d'une aussi généreuse audace, non seulement lui fait grâce de la vie, mais il lui donne un magnifique vase d'or qui se trouvait en face de lui. Mondir se prosterne devant le monarque, et, dans le transport de sa reconnaissance, il s'écrie: Hélas! voici encore une nouvelle grâce que je reçois des Barmécides! On ne peut pousser plus loin l'héroïsme de la reconnaissance. Aussi ces paroles parurent si remarquables, qu'elles passèrent depuis en proverbe dans toute l'Asie, d'autant plus aisément que les sentimens de Mondir étaient ceux de tous les musulmans.

76. Chercher à se justifier quand on n'est pas cou

pable, c'est s'accuser. Mais aussi il y a quelque mérite à avouer ses fautes. Un homme, dit Pope, ne doit jamais rougir d'avouer qu'il a tort, car en faisant cet aveu il prouve qu'il est plus sage aujourd'hui qu'il n'était hier.

77. Mahomet n'alla point à Schiras, de peur que les femmes de ce pays ne lui fermassent l'entrée du Paradis. La beauté des Persannes a donné lieu à ce proverbe, fort usité parmi les Arabes. Mahomet avait formé, dit-on, le projet de conquérir la Perse; mais on dit aussi que l'appréhension qu'il eut des charmes des femmes persannes l'empêcha de le mettre à exécution. Il craignit qu'elles ne vinssent à le subjuguer et à le contraindre d'adoucir son code, rempli de rigueurs contre le sexe.

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78. Longue expérience, accroissement d'intelligence. L'expérience et le temps ôtent beaucoup du respect que l'on porte aux personnes et aux choses. Dans la jeunesse, on est confiant, timide, irréfléchi on ne voit les choses que sous leurs faces les plus brillantes, sous celles que l'opinion rend vénérables; on est enclin même à pousser le respect jusqu'à la superstition. Dégagé des liens de l'enfance, des prestiges et des préjugés de la jeunesse, l'homme mûr commence à entrevoir les choses telles qu'elles sont. Les supériorités politiques, que l'opinion, les lois, la force de l'autorité et leur appareil imposant environnent d'un respect religieux, déclinent à ses yeux, perdent de leur couleur, de leur enchantement. L'homme, malgré le masque fastueux qui le couvre, n'est plus pour lui que l'homme. Les rois mêmes, les images vivantes

de la divinité, ou ses ombres, suivant l'expression des Arabes, ne sont plus que des êtres privilégiés en vertu de conventions humaines, auxquels leur naissance seule confère par tradition les hommages et les respects des peuples. Comment en serait-il autrement? ils ont déchiré eux-mêmes le voile magique qui les entourait, pour se montrer dans un état voisin de la dégradation; ils ont, surtout vers la fin du siècle écoulé, conspiré par leur nullité, leur inexpérience et leur faiblesse à désenchanter la royauté, ce talisman si utile et si vénérable par son antiquité. Ils pouvaient, comme Anthée, étouffer le monstre des révolutions; ils lui ont, par envie ou par un faux intérêt, soufflé dans les poumons. C'est d'eux que Rivarol avait raison de dire qu'ils étaient en arrière d'une année d'une armée et d'une idée. L'homme, dans la vieillesse, voit les choses comme elles sont; son cœur se dessèche avec ses os. Tout lui paraît détérioré, gâté seulement il ne s'aperçoit pas que tout a changé graduellement avec son visage, et que le temps, cette carie qui ne fait grâce à rien, l'a associé aux êtres qu'il entraîne et détruit dans son cours. Je m'aperçois que je m'en vais, disait le sage Fontenelle; je commence à voir les choses telles qu'elles sont.

79. Visite rare accroît l'amitié. Il est une classe d'hommes qu'on peut appeler visiteurs. Ils passent leur vie à courir de salon en salon; quel est leur but? Les uns y vont pour singer les agréables et faire étalage de leur fatuité, les autres s'y rendent à bon escient pour s'y ménager des ressources et

s'avancer dans le monde. Se faire voir est un des objets principaux de leur plan. Un homme qu'on voit souvent, disent-ils, est un homme qui tient déjà la moitié d'un emploi. On ne s'informe pas si cet homme, qui fait le métier intéressé de visiteur, a du mérite; on l'a vu souvent chez M. le comte Lisimon, cet ex-sénateur impérial qui a si bien chanté la palinodie; on se rappelle qu'il vous a adressé la parole chez un conseiller d'État qu'on peut désigner par autant d'étoiles qu'il a subi de métamorphoses; il est protégé par la comtesse Araminthe, qui se connaît plus en beaux hommes qu'en hommes bons. Cela suffit, il est bon à tout. Les visites à Paris, dit La Monnaye, sont la plupart du temps de véritables voyages. Il y en a même qui exigent plus de préparatifs. Un galant homme qui en avait été pendant sa vie extrêmement fatigué, fit à ce sujet, peu de temps avant sa mort, le quatrain suivant, pour être gravé sur son tombeau :

Ci gît qui, d'un air enjoué,

L'âme de tout soin franche et quitte,

Dit en mourant: Dieu soit loué,

Je ne ferai plus de visite.

80. Celui qui t'apporte t'emporte. Erpenius a traduit ainsi cette sentence proverbiale: Qui affert ad te, aufert a te; et il ajoute elegans adagium in garrulos: Qui si aliorum secreta tibi aperiant, haud tua aliis celant, celui qui prend plaisir à te raconter les fautes des autres ne manque pas de raconter aux autres celles que tu commets.

81. L'amour de la patrie se conserve et se réveille

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