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d'absurdités, il n'y a rien que l'homme ne puisse inventer. Ce qu'on appelle aujourd'hui basilic, est le petit lézard à crête, animal fort innocent qui se trouve dans l'Amérique Méridionale. Ce que les charlatans et les saltimbanques exposent aux yeux d'un public crédule, pour le basilic, n'est autre chose qu'une petite raie de la Méditerranée, à laquelle ils donnent, en la faisant dessécher, une configuration bizarre.

11. Festinans canis cæcos parit catulos. Ce proverbe est tout-à-fait opposé à l'expérience, car il est prouvé que les petits chiens qui ont été portés le plus long-temps voient le plus tard; et voici en effet ce qui arrive leurs yeux sont d'abord exactement fermés, et les paupières demeurent collées jusqu'au douzième jour, qu'elles s'entrouvent, et qu'elles peuvent aisément se séparer. Elles commencent à s'ouvrir d'elles-mêmes au coin interne de l'œil, d'où elles continuent à se séparer jusqu'à l'autre coin. Un médecin de Saint-Malo avait poussé le ridicule jusqu'à prétendre que les chiennes qui se pressent trop dans la copulation, faisaient des petits chiens borgnes.

τετρακορανοσ.

12. Longa et cervina senectus. C'est une expresdont Juvénal s'est servi pour désigner une longue vieillesse. Oppien a nommé le cerf Teтpaxоpavoσ. La longévité du cerf était un véritable préjugé chez les anciens. Les Egyptiens employaient ordinairement la figure du cerf pour exprimer une longue vie; mais leurs emblêmes n'étaient souvent appuyés que sur des choses incertaines ou fausses. Leur croyance est d'autant plus déraisonnable,

qu'ils n'étaient pas à même de faire de bonnes et de justes observations à cet égard, puisqu'il n'y a pas de cerfs en Afrique. Des Egyptiens, cette erreur a passé chez les Grecs, et rien ne l'a plus accréditée qu'un passage d'Hésiode, qu'Ausonne a rendu

ainsi :

Ter binos deciesque novem super exit in annos,
Justa senescentem quos implet vita virorum.
Nos novies superat vivendo garrula cornix,
Et quater egreditur cornicis sæcula corvus.
Alipedem cervum ter vincit corvus.

La vie de l'homme finit à quatre-vingt-seize ans; celle de la corneille est neuf fois plus longue; la vie du cerf est quatre fois plus longue que celle de la corneille, et la vie du corbeau trois fois plus longue que celle du cerf léger»; ensorte que, suivant ce calcul, la vie du cerf est de trois mille quatre cents cinquante-six ans. Calcul, au reste, si difficile à comprendre et si absurde, que la plupart des commentateurs ont abandonné la lettre de ce passage, et ont pensé qu'il y avait erreur dans la valeur des chiffres. Pline dit qu'un cerf, à qui Alexandre luimême avait attaché un collier, fut trouvé en vie cent ans après la mort de ce prince. Quand on accorderait que le fait fût vrai, on ne pourrait rien conclure d'un cas aussi extraordinaire. Quelle énorme différence d'ailleurs entre l'âge de ce cerf, et celui attribué par le préjugé à toute l'espèce.

13. Mensibus RRatis, ad solem ne sedeatis, pour conserver la santé, ne demeurez point exposé au soleil pendant les mois dont le nom renferme la lettre R. On dit encore qu'il faut boire le vin pur pendant

ces mois, et y mettre beaucoup d'eau les autres mois :

Mensibus RRatis purissima vina bibatis.

14. Cum faba florescit, stultorum copia crescit. C'était un préjugé parmi les anciens. Ils croyaient que l'odeur forte et pénétrante qu'exhalent les fèves en fleur, affectait les cerveaux faibles et pouvait y déterminer la folie; aussi disait-on communément, en désignant une personne qui se faisait remarquer par l'extravagance de ses paroles et de sa conduite : C'est la floraison des fèves.

15. Cur moritur homo cui salvia est in domo (horto)?

Pourquoi faut-il qu'un homme meure,
Puisqu'en son jardin, à toute heure,
Il a de la sauge plantée.

Voilà un grand éloge de la sauge; il est vrai qu'elle a plusieurs propriétés très-utiles, entre autres d'être un excellent spécifique contre l'apoplexie et la paralysie.

16. Il a des yeux de lynx; il a des yeux perçans, comme les anciens les attribuaient à l'animal fabuleux dont la vue pénétrait à travers les murailles les plus épaisses, et dont l'urine se changeait en une pierre précieuse appelée : Lapis lyn

curius.

17. Il est sain de s'enivrer une fois le mois. C'est un propos de débauché. Avicenne, médecin arabe d'une grande réputation, semble être de ce sentiment, bien que sa religion lui défendît l'usage et

T. II.

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encore moins l'excès du vin. Mais Averroès, médecin mahométan comme lui, ne permet d'en user que jusqu'à la gaieté.

18. Il a un estomac d'autruche; il digère le fer. Cela se dit d'un homme dont l'estomac est doué au plus haut degré de facultés digestives. La force de contractilité de l'estomac de l'autruche a fait naître ce préjugé, devenu proverbe, que cet oiseau digérait le fer. Les végétaux sont la principale nourriture de l'autruche; cependant elle avale avec voracité et indifféremment tout ce qu'on lui présente, le cuir le plus épais, et beaucoup de corps durs ; mais le fait est qu'elle ne digère ni ces corps durs, ni le fer, et qu'elle les rend en entier par l'anus. Il n'était pas naturel de penser que le ventricule de cet animal fût pourvu d'un dissolvant capable de digérer le fer et les pierres. Dans les oiseaux et dans beaucoup d'animaux que la nature a pourvus d'un ventricule musculeux, et qui prennent une nourriture dure sans la mâcher, la liqueur gastrique ne suffisant pas pour dissoudre les alimens, la nature a donné à ces oiseaux et à ces animaux l'instinct d'avaler des cailloux, qui, par leur frottement, concourent avec les sucs gastriques à triturer leurs alimens. Ainsi lorsque l'autruche avale du fer, et surtout du cuivre, qui se change en poison dans son estomac, elle ressemble au gourmand, qui use mal de l'instinct que la nature lui a donné pour choisir ses alimens.

19. Incombustible comme la salamandre. Les expériences de Maupertuis ont prouvé jusqu'à l'évidence, que la propriété attribuée à la salamandre

d'être incombustible, est une fable ridicule. La plupart des salamandres qu'il jeta dans le feu y périrent sur-le-champ; quelques-unes seulement en sortirent à demi-brûlées, et périrent à une seconde épreuve; il crut s'apercevoir seulement d'une petite circonstance qui retardait leur combustion. Lorsqu'elles sentaient les premières atteintes du feu, elles laissaient échapper de leur corps, et principalement de leur tête, des gouttelettes d'une liqueur laiteuse, qui, condensées par la chaleur, se durcissaient et éteignaient quelques charbons faiblement allumés. C'est cette circonstance qui, au premier aperçu, aura fait croire que la salamandre était incombustible, et l'on a admis le fait comme une vérité, parce qu'on n'a pas poussé l'expérience jusqu'au bout. On a encore avancé que sa morsure était mortelle comme celle de la vipère, et il était passé en proverbe qu'un homme mordu par une salamandre avait besoin d'autant de médecins que cet animal a de taches sur le corps; mais l'expérience a encore démontré combien peu sa morsure était dangereuse. Ce prodige de l'incombustibilité de la salamandre était tellement accrédité chez les anciens, qu'il a fait naître deux célèbres devises parmi les modernes : la première, que prit François Ier, était une salamandre dans le feu avec cette légende: Nutrio et extinguo, j'y vis et l'éteins; l'autre fut faite pour une dame espagnole, dont le cœur était insensible à l'amour; elle portait cette inscription: Mas yelo que fuego, glacée même au milieu des flammes. L'idée de cette inscription était fondée sur le préjugé admis par les

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