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endroits réservés dans les carrefours, dans le courant des eaux et dans la mer même, les choses qui leur avaient servi à expier leurs crimes, parce qu'ils appréhendaient qu'on ne marchât dessus. croyant superstitieusement que ceux à qui ce malheur arrivait, par hasard ou autrement, s'attiraient par une espèce de contagion la peine que méritait le crime expié. Les Romains avaient la même superstition pour toucher les corps morts: elle leur était venue des Grecs, qui l'avaient reçue des Hébreux, car on lit au Livre des nombres, chap. vi, v. 9, ces paroles: Celui qui touchera un corps mort, sera impur pendant sept jours; mais s'il jette sur lui de l'eau lustrale le troisième jour et le septième, il sera purge. Ils se gardaient encore d'approcher des tombeaux et des lieux où l'on avait dressé des bûchers.

2. Il est nourri du lait de poule. Il est délicate-ment nourri. C'était, à ce qu'il paraît, un préjugé chez les anciens, que les poules pouvaient donner du lait, si l'on s'en rapporte à ce passage de Pline l'ancien :

Afflua divitiis omni virtute redundans,
Gallina, ut fertur, lac reperire queas.

Lieux charmans où les biens se sont placés en foule,
Où l'on trouve de tout, jusqu'à du lait de poule.

Ce passage de Pline, il est vrai, n'est qu'une ironie; mais il paraît cependant que c'était une croyance populaire, comme semble l'indiquer l'expression, ut fertur. Nous appelons aujourd'hui vulgaire ment lait de poule, un remède fort bon, dans le commencement d'un rhume, pour rétablir la transpi

ration; c'est un jaune d'œuf délayé dans de l'eau chaude avec du sucre.

3. Voir vaches noires en bois brûlé. On prétend communément que les vaches noires sont les meilleures laitières; c'est, dit le Duchat, se repaître de chimères. Il n'y a que la seule fantaisie, ou l'esprit le plus porté à la superstition, qui puisse persuader qu'on voit des vaches noires dans le bois brûlé d'une cheminée. Scarron dit, dans une de ses lettres à Sarrazin :

Mais espérer qu'un Sarrazin normand
De ses amis garde quelque mémoire,
En bois brûlé c'est chercher vache noire.

4. Les plus rouges y sont pris; c'est-a-dire, les hommes les plus remplis de malice et de finesse se laissent attraper. Le préjugé attribue aux hommes dont le poil et les cheveux sont roux, un caractère rusé et artificieux. Martial emploie le fiel de la satire contre les hommes de cette couleur, et le peuple s'imagine, sans doute par suite de ce préjugé, que les ânes d'une couleur fauve sont plus méchans que les autres; aussi dit-il, d'un homme dont l'esprit est subtil et délié : Il est malin comme un âne rouge.

5. Je n'appréhende rien, puisque j'ai une baguette de laurier. C'était un proverbe fort commun chez les Grecs. Leurs prêtres ont attribué au laurier des vertus merveilleuses, comme celles de purifier, de sanctifier, enfin de détourner tous les malheurs imaginables. Les poètes l'ont pris pour la banderolle de la gloire, et pour le symbole de l'éternité,

à cause de son excellente odeur et de ses feuilles

toujours vertes.

Quippè perennè virens dignis promittit et offert
Immortale decus, famamque perennè viventem
Laurus opaca.

Ils ont raison les uns et les autres. Il n'y a pas d'arbre qui ait été plus honoré chez toutes les nations. Les Egyptiens, les Grecs, les Romains et les Gaulois, ont eu pour lui un respect superstitieux. Il mérite bien cette prérogative, puisqu'il figure comme une belle fille au royaume des métamorphoses. Daphnée, fille du fleuve Penée, poursuivie par Apollon, fut changée par lui en laurier; et bien qu'elle ne fût plus que du bois, elle eut encore la cruauté de refuser un baiser au dieu

amoureux.

Oscula dat ligno, refugit tamen oscula lignum.

Les anciens avaient, sur les feuilles de laurier, des idées aussi ridicules que singulières. Ils croyaient qu'elles procuraient l'enthousiasme et l'esprit prophétique. C'est à quoi Martial fait allusion, en parlant d'une femme qui cherchait à tromper :

Fallat ut nos, folia devorat lauri.

(Liv. V, épig. 4,)

Les sibylles s'en nourrissaient. On attribuait encore au laurier la vertu de rendre les hommes plus sages et plus prudens.

6. L'oreille me tinte. Expression familière et proverbiale, dont on se sert pour témoigner que quelqu'un parle dans le moment de nous; préjugé fort

des

ancien, et que Pline a mis, avec raison, au rang superstitions. On ne peut au surplus rendre compte de ce caprice de l'imagination, à moins que de supposer un génie ou un démon familier, tel que celui de Socrate, qui prenne la peine de nous avertir en conduisant à nous les sons des objets éloignés, et qui nous apprenne à entendre par attouchement. Dalechamp cite, par rapport à cette expression, le distique suivant :

Garrula quid totis resonas mihi noctibus auris?
Nescio quem dicis nunc meminisse mei.

7. Il est né coiffe; pour dire qu'un homme est heureux. La plupart de ceux qui emploient cette expression vulgaire, ignorent que c'est l'entraînement tout naturel d'une partie de l'amnios ou arrière-faix que le fœtus emporte avec sa tête, si cette membrane est trop compacte pour se déchirer. Ainsi, dans le sens réel, et non celui qu'on y attache, c'est plutôt un signe de malheur qu'un signe de bonheur, puisque c'est plutôt un obstacle qu'un moyen d'avancement dans l'accouchement, C'est une superstition introduite sans doute par les sages-femmes, pour préjuger la fortune future de l'enfant. Chez les Romains, les avocats avaient la bêtise d'acheter cette coiffe bien cher, se persuadant qu'elle leur était d'un grand secours pour gagner les causes qu'ils plaidaient. Naudé dit, dans son Apologie des grands hommes accusés de magie, qu'il y a des superstitieux qui prétendent que les enfans qui naissent aux jours des Quatre-Temps apportent ordinairement leurs coiffes avec eux. »

«

Voici un rondeau de Malleville où se trouve cette

expression:

Ce n'est pas que frère René
D'aucun mérite soit orné;
Qu'il soit docte, qu'il sache écrire,
Ni qu'il dise le mot pour rire;
Mais c'est seulement qu'il est né

Coiffé.

8. Turdus sibi malum cacat. Proverbe qu'on applique d'ordinaire à ceux qui sont les auteurs de leurs propres disgrâces; car, suivant l'ancienne tradition de Pline, qui se trouve sur cela d'accord avec Aristote, les grives, ne pouvant digérer la baie du gui, qu'elles dévorent avec avidité, la rendent si peu altérée, qu'il en croît une plante d'où sort une graine dont on tire la glu, et cette glu est la cause de leur perte. Mais tout ce qui a passé en proverbe n'est pas vrai. Souvent, en affirmant une chose, on en désigne une autre, et quoique la lettre soit fausse, l'esprit du proverbe ne laisse pas que

d'être bon.

9. Camphora per nares, castrat odore mares: Quelques personnes prétendent que le camphre détruit les feux de l'amour, et que la subtilité de son odeur rend même les hommes impuissans; mais il est certain que les gens qui travaillent assiduement sur le camphre, n'ont jamais rien éprouvé qui paralyse en eux les vœux de la nature.

10. C'est un regard de basilic. Des écrivains ont donné le nom de basilic à un animal fabuleux. qu'ils rangeaient parmi les serpens et les dragons. On prétendait qu'il provenait de l'œuf d'un coq, et que son seul regard donnait la mort. En fait

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