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que le tourbillon révolutionnaire a lancés au haut de la roue de fortune, et qui se trouveraient bien étonnés si cette capricieuse femelle les reportait où elle les a pris; n'ont-ils pas été éminemment possédés de cette pensée : ôte-toi de là que je m'y mette? « Dans les procès, les parties contendantes ne disentelles pas autre chose que : ôte-toi de là que je m'y mette? Je pourrais étendre cette matière à l'infini. Chacun cherche à se supplanter dans le monde; il n'est pas de proverbe qui soit d'une application plus

générale.

38. Belle montre et peu de rapport. Dorilas est un auteur incomparable. Les éditions nombreuses qu'il a faites de sa brochure, monument de son génie fécond, lui composent un brevet d'immortalité en bonne forme. Il peut maintenant, sans craindre la satire, hasarder en tête de son opuscule, le portrait de l'auteur, surmonté d'une auréole, risquer même l'inscription, dans laquelle il pourra faire entrer le mot latin impar. Un océan de gloire l'environne. Il est d'ailleurs assez riche pour supporter à lui tout seul les frais d'une édition de luxe, ornée de vignettes, de culs de lampes, d'après les plus habiles artistes qui sont à sa disposition. Dorilas est un Mécène. Dorilas possède un équipage; il connaît tout le prix, comme le dit plaisamment le docteur Johnson, de pouvoir faire atteler ses chevaux à sa voiture, et débiter, chemin faisant, son chef-d'œuvre dans les salons qui l'admirent: Dorilas est un joli homme. Déjà toutes les acadéinies, toutes les sociétés savantes et littéraires le réclament. Toutes les avenues lui sont ouvertes, les

titres d'associé, de correspondant lui volent à la tête. Le fauteuil académique, dans une agréable perspective, lui tend les bras; Dorilas est si savant! il faudra qu'un jour il descende à l'académie; car enfin on n'y peut pas monter en voiture. Au titre de sa brochure, lisez maintenant dixième édition. On n'a rien changé au texte, on a laissé subsister les mêmes fautes d'impression, les mêmes fautes de français. Quelle main téméraire autre que la sienne oserait toucher aux œuvres du génie : Dorilas est inimitable. Partout vous voyez sa brochure, vous la trouvez sur le bureau d'un conseiller d'État, vous l'apercevez sur le canapé de la comtesse Julie; vous la distinguez sur la toilette de Dorimène: elle n'est pas encore coupée, mais tous la savent par cœur; qui oserait l'ignorer? Dorilas est gentihomme ordinaire. Il a du crédit, et beaucoup. Cette exubérance d'éditions prouve incontestablement la sublimité du génie de Dorilas, et le goût d'un public qui s'obstine à les dévorer. Dix éditions successives, c'est un jugement sans appel, c'est, sans contredit, la voix de Dieu. Dorilas ira droit à la postérité.

CHAPITRE VII.

Proverbes politiques.

La politique est la connaissance des moyens qui conduisent à une fin, et l'art de gouverner les hommes réunis en société. C'est l'âme des États; c'est la science de l'esprit, celle qui l'exerce au plus

D

haut degré. «Consulter long-temps, exécuter vite, dit Bacon, c'est l'abrégé de la politique : le mys»tère dans les conseils et l'activité dans l'action, » voilà tout son art. » La saine politique ne doit se proposer que des objets avoués par l'honnêteté et l'équité, et n'employer que des moyens légitimes; car, comme le pensait le sage Fénélon, la générosité et la bonne foi sont plus utiles dans la politique que la finesse et les détours; mais il s'en faut de beaucoup que cela soit ainsi. La politique n'est souvent que la science de la fourberie, un masque à deux visages. Comme la coquetterie, elle emploie tous les manéges et les artifices de la duplicité et du mensonge. Il serait cependant facile de démontrer que rien n'assure mieux le succès d'une négociation, que la probité et la bonne foi; elles concilient l'estime et la confiance de ceux avec qui l'on traite sans elles, on perd un temps infini à se défier les uns des autres; on se trompe mutuellement; on craint de proposer ce qui aurait réussi, on hésite, on s'attend réciproquement. Cependant l'affaire languit, le moment décisif qui l'aurait terminée s'évanouit. On ferait un volume des négociations manquées faute d'avoir mis ces principes en pratique.

Une pénétration vive, un jugement solide, beaucoup de connaissances et le talent de les faire valoir, un air ouvert dans la physionomie, le mystère au fond de l'âme, de l'imagination et du sangfroid, de la sagacité à pénétrer les hommes sans qu'ils s'en aperçoivent, l'adresse de les prendre pour ce qu'ils sont, car on se trompera toujours

en politique, tant qu'on voudra les supposer tels qu'ils devraient être, l'habileté à flatter leur amourpropre et celle de leur sacrifier quelquefois le sien, de la patience, de l'assiduité et de la vigilance dans la poursuite de ses projets, l'art de persuader aux hommes qu'on n'a en vue que leurs véritables intérêts, celui de les ramener par la force du raisonnement et de la conviction à ses propres idées, enfin l'art bien important de maîtriser, de concentrer assez ses propres passions, pour ne donner à ceux qui ont intérêt de les observer aucun moyen de les découvrir et d'en tirer avantage contre vous: telles sont les qualités essentielles qui constituent un bon politique.

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1. Robe amie sauve marchandise ennemie. Le pavillon indique la nation à laquelle le bâtiment appartient, et il en assure l'indépendance. Les nations neutres, dit M. Gérard de Rayneval, ne consentent à la restriction de cette indépendance, que pour les marchandises dites de contrebande de guerre, parce qu'elles seules y ont rapport; hors ce cas, elle doit demeurer intacte, et la moindre atteinte est une injure. Il résulte de là que la marchandise ennemie naviguant sous pavillon neutre, participe à son indépendance; que par conséquent elle n'est point saisissable. C'est de là qu'est venu l'axiome proverbial.

2. Les républiques sont ingrates. Les républiques ne se conservent que par l'ingratitude; l'ambition

y prenant toutes les formes, la sévérité, la défiance. les caprices de l'opinion publique, les intrigues et la vengeance, n'y doivent épargner ni les talens, ni la gloire, ni la vertu même; il suffit d'ouvrir l'histoire de la Grèce pour être convaincu de cette vérité proverbiale.

3. Les armes portent la paix; si vis pacem, pare bellum. On obtient aisément la paix de son ennemi, lorsqu'on a en campagne une armée redoutable, un généralissime habile, et des finances bien garnies.

4. La force fait taire la raison. Les guerres entre les princes, et même les querelles entre particuliers, ne prouvent malheureusement que trop la vérité de ce proverbe.

5. Nouveaux maîtres, nouvelles lois. On voit pen de princes gouverner leurs Etats par les mêmes règles que leurs prédécesseurs. Chaque homme pense différemment d'un autre; il a ses vues et ses goûts, comme ses vertus et ses vices.

6. Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner. C'était la maxime favorite de Louis XI; il la mettait souvent en pratique, et plus d'une fois elle lui a été préjudiciable. L'homme, quelque fin qu'il soit, ne l'est jamais assez pour prévoir toutes les occurences: il échappe toujours quelque chose à sa sagacité, et il trouve souvent un plus fin que lui. Ferdinand trompa souvent François Ier; quoiqu'il l'eût trompé plus de dix fois, comme il s'en vantait, il fut lui-même encore plus souvent trompé par un autre. Ulysse enfin, le plus rusé de tous les hommes, fut pris à ce jeu dangereux.

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