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homme de bien, que de l'acquérir à force de fausses protestations d'humilité.

3. Nella città Pistoyese, chiare case, oscure chiese, dans la ville de Pistoia les maisons sont claires et les églises obscures.

4. Pare che siamo nel bosco di Baccano, il paraît qu'on est ici aussi en sûreté que dans le bois de Baccano. C'est un proverbe qui existe encore aujourd'hui en Toscane, et qui se dit lorsqu'on est en danger d'être écorché ou filouté dans des auberges. Il existait près de Baccano, bourg éloignéde quinze milles de Rome, une grande forêt qui était le fréquent théâtre de meurtres et de vols, ce qui a donné lieu au proverbe.

5. Napoli odorifera e gentile, ma la gente cattiva. C'est un propos injurieux tenu par les Italiens contre la ville de Naples : « L'air y est admirable, le territoire fertile; mais c'est un paradis habité par des diables. » Beaucoup de voyageurs avouent que ce propos sent la calomnie, et que les Napolitains sont généralement fort doux et fort serviables.

6. In Fano il più bel sangue d'Italia. C'est un préjugé reçu en Italie que la ville de Fano renferme le plus beau sang de ce pays.

7. Bâtir des châteaux en Espagne; c'est se repaître de chimères. Ce proverbe est fort ancien, puisqu'on le trouve dans le roman de la Rose :

Los feras chasteaulx en Espaigne.

Il vient, selon Pasquier, « de ce qui a été de tout temps pratiqué en Espagne, où vous ne rencontrez

!

aucun château par les champs, ains seulement quelques cassines et maisonnettes, ès-quelles passant chemin vous êtes contraint d'éberger, et encore distantes d'un long intervalle les unes des autres. Ceux qui rendent raison de cela estiment que ce fut pour empêcher que les Maures, qui faisoient ordinairement plusieurs courses, ne surprissent quelques châteaux de force ou d'emblée où ils auroient eu moyen de faire une longue et sûre retraite. D « Une resvêrie sans corps et sans sujet, dit Montaigne, régente notre âme et l'agite; que je me mette à faire des chasteaulx en Espaigne, mon imagination m'y forge des commodités et des plaisirs desquels mon âme est réellement chatouillée et réjouie. » Il n'y a qu'à aller en Espagne pour n'avoir pas d'envie d'y bâtir des châteaux.

8. Italia para nacer, Francia para vivir, España para morir. S'il nous était permis de choisir le lieu de notre naissance, il faudrait naître en Italie, à cause de la douce température du climat. Il faudrait venir en France pour y vivre, attendu que les commodités et les aises de la vie sont plus à la portée du commun des hommes dans ce beau pays, fertile de son sol et heureux de son gouvernement. Lorsqu'on trouverait qu'on a assez vécu, ou si l'on se sentait quelque velléité de mourir, il faudrait choisir l'Espagne pour se mieux pénétrer de l'idée de la mort, attendu que ses emblêmes sont prodigués partout, et que ce pays, que la nature d'ailleurs a favorisé de ses dons, est devenu triste par le caractère morose de ses habitans, et infécond par leur paresse et leur indolence. La dif16

T. II.

férence de ces trois contrées a donné lieu à cette définition, devenue proverbe.

9. Allez vendre vos coquilles à ceux qui n'ont point été à Saint-Michel. Perse a une pensée à peu près pareille. On conçoit que les habitans des bords de la mer, et principalement ceux du MontSaint-Michel, où l'on ramasse beaucoup de coquillages, doivent se connaître en coquilles, et ne peuvent être trompés sur leur qualité, comme le seraient ceux qui n'ont jamais vu la mer. Voici le vers de Perse qui est devenu proverbe :

Ad populum phaleras: ego te intùs et in cute novi.

« Laissons au peuple ces bagatelles, je vous connais jusqu'au fond de l'âme.» Perse veut faire entendre par-là que les riches caparaçons ne sont que de vains ornemens propres à éblouir les yeux de la populace, qui se laisse aisément duper.

10. Cours à Pouzzol, tu feras fortune. Vers le onzième siècle, les Sarrasins, ayant surpris la ville de Pouzzol, dans le royaume de Naples, en emportèrent les effets les plus précieux. Ne jugeant point à propos de se charger de la statue de saint Janvier, patron de ce royaume, ils résolurent de la mettre en pièces; mais ils n'eurent que le temps d'abattre le nez du saint, qu'ils jetèrent dans la mer. Les habitans de Pouzzol, au désespoir de ce que leur patron était ainsi défiguré, chargèrent un habile sculpteur de rétablir le nez abattu. Mais ni lui ni aucun artiste ne purent en venir à bout; quelques précautions qu'ils prissent, quelques mesures qu'ils employassent, ils ne pouvaient jamais fabriquer

un nez qui convînt au visage du saint : il était trop gros ou trop menu, trop court ou trop long. Les plus fameux statuaires, mandés de tous côtés, embarrassés et confus d'une aussi incroyable difficulté, prirent le parti de modeler les plus beaux nez du pays, espérant mieux réussir à rendre un objet qu'ils auraient sous les yeux; vain espoir, le nez fatal se trouvait toujours hors de mesure et des proportions convenables, ensorte qu'après avoir mis à l'épreuve tous les nez napolitains, il fallut recourir aux nez étrangers, et payer chèrement toute personne qui avait la patience de se laisser modeler la partie la plus saillante de sa physionomie. Cette circonstance si singulière fut cause pendant long-temps que, lorsqu'on voyait en Italie un homme qui avait un beau nez, on lui disait proverbialement : Cours à Pouzzol, tu feras fortune. Quatre cents ans se passèrent ainsi dans des tentatives inutiles, dit la chronique; on commençait à croire, et il était temps, que le buste de saint Janvier resterait camus, lorsqu'un pêcheur apporta sur la place du marché un poisson extraordinaire. Tout le peuple vint en foule pour le contempler après que sa curiosité eût été satisfaite, on ouvrit ce monstrueux poisson, et l'on trouva dans son ventre un morceau de marbre blanc qui avait une forme qu'on ne pouvait définir, lorsqu'un enfant à la mamelle tira tout le monde d'embarras, en s'écriant que c'était le nez de saint Janvier. On porta sur-le-champ en procession ce nez si long-temps désiré; on l'appliqua à l'endroit où il manquait, et il s'y attacha aussitôt d'une ma

nière si solide et si parfaite, que ce bienheureux nez n'a pas branlé depuis trois cents ans, et cela est si vrai, qu'un avocat nommé Dom Girolamo Murano, ayant douté du prodige, et s'étant avisé de le secouer avec vigueur pour éprouver si le nez du saint tenait bien solidement, le sien tomba aussitôt. Se non vero, è ben trovato.

11. On ne s'amende pas pour aller à Rome. Le pélerinage le plus célèbre autrefois, parmi les chrétiens, était celui de la Terre-Sainte. Les voyages à Notre-Dame de Lorrette, à Saint-Jacques de Compostelle, et aux tombeaux des S. S. apôtres à Rome, n'acquirent pas moins de célébrité par la suite. Les pères racontaient à leurs enfans les aventures de leurs voyages, et leur inspiraient, par ces récits, le désir de les imiter. Les femmes quittaient leurs maris, les moines leurs couvens, pour faire cette pieuse caravane. Il est probable que les uns et les autres, loin d'en devenir meilleurs, se trouvaient chargés de quelques gros péchés de plus, et que les abus qui résultèrent de ces pélerinages donnèrent lieu au proverbe.

12. OEil de Calcédoine. Bysance, aujourd'hui Constantinople, fondée par les Grecs à l'extrémité de l'Europe, n'est séparée de la côte d'Asie que par un bras de mer fort étroit. L'oracle d'Apollon, consulté par eux sur l'endroit où ils bâtiraient une ville, leur avait répondu qu'ils devaient la bâtir vis-à-vis la terre des aveugles. Cet oracle leur indiquait, en termes ambigus, les Calcédoniens, qui, arrivés les premiers et à portée de choisir la meilleure situation, avaient pris la moins bonne.

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