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Siste gradum, Naïs, nec amicas desere sedes,
Talibus auspiciis quæ metuenda tibi?
Vindice te, spernit civis convicia linguæ.
Si quis enim nugax, unda silere docet.

O Nymphe! arrête-toi, que crains-tu dans ces lieux
Où l'habitant chérit ton onde salutaire?

Par elle il est vengé des traits injurieux,

Car aux mauvais plaisans elle apprend à se taire.

61. Les épinards de monsieur de Vendôme. On vantait un jour certaine épigramme dont le docte Guillaume du Bellai avait régalé ses convives. Un gentilhomme de la compagnie, nommé Lavarenne, n'ayant jamais entendu proférer ce mot, et croyant qu'il s'agissait de quelque ragoût, ne fut pas plutôt de retour chez lui, qu'il querella son cuisinier de ce qu'il ne lui avait jamais fait manger d'épigramme. Ce propos de Lavarenne a été attribué par Henri Étienne à M. de Vendôme, et l'autorité d'Étienne a laissé ce dicton devenu proverbial sur. le compte de M. de Vendôme.

62. Il en est ceint sur le cul comme Martin de Cambray. Cela se dit proverbialement de quelqu'un qui a fait un mauvais marché. On disait anciennement ceint sur le baudray (voir les Quinze joies du Mariage, page 150): « Si en sera Martin de Cambray, car il en sera ceint sur le baudray; mais baudray est ici pour rimer à Cambray. C'est une corruption du mot brodier ou broudier qui veut dire cul, ainsi appelé apparemment par onomatopée, comme on le voit dans Rabelais (Építre à la première Vieille) :

Vieille de qui, quand le brodier trompette,
Il fait ung bruyt de clairon ou trompette.

63. Ah! le bon billet qu'a la Châtre. Le marquis de la Châtre aimait éperdument la fameuse Ninon de Lenclos, et en étaît aimé, lorsqu'il reçut l'ordre de rejoindre l'armée. Il était inconsolable, moins encore de la nécessité que des suites de son éloignement. Pour rassurer son esprit inquiet sur les dispositions amoureuses de sa maîtresse, il s'avisa d'un expédient assez singulier; ce fut d'exiger de Ninon qu'elle s'engageât par un billet à lui rester fidèle. Elle eut beau représenter que ce qu'il demandait était extravagant, il fallut faire le billet et le signer. Le marquis le baisa mille fois, le serra précieusement, et partit avec la plus grande confiance dans l'éxécution de cette promesse. Deux jours après, l'inconstante Ninon se trouva dans les bras d'un nouvel amant. La folie de ce billet lui revint alors à l'esprit, et elle s'écria deux ou trois fois Ah! le bon billet qu'a la Châtre; saillie plaisante, qui depuis est devenue proverbe, pour exprimer une assurance peu solide et sur laquelle il ne faut pas faire fond.

:

64. Il faut l'envoyer à saint Mathurin; c'est-àdire, il est devenu fou. Ce proverbe est fondé sur l'opinion que ce saint a le don de guérir la folie, parce que l'on fait dériver son nom du mot grec Maтalos stultus, qui signifie insensé. On dit aussi d'une femme, qu'elle a fait le chemin de saint Mathurin, pour dire qu'elle a fait folie de son corps.

65. Vieux comme Hérode; par corruption pour Hérodote, et par allusion d'Hérodote à radote, parce que certains vieillards sont sujets à radoter.

On sait que ce célèbre historien était fort crédule et grand ami du merveilleux.

66. Il ressemble à Tournemine, il croit tout ce qu'il imagine. Le père de Tournemine, jésuite, qui a joui d'une grande réputation dans la république des lettres, était un homme d'une imagination très-vive et souvent exaltée, comme celle du père Maimbourg. Il aimait à raconter des choses extraordinaires qu'il avait lues ou entendues; et, quand il en était vivement frappé, il se persuadait trop aisément qu'elles étaient véritables, ce qui faisait dire proverbialement, quand on rencontrait des gens du même caractère :

Il ressemble à Tournemine,

Qui croit tout ce qu'il imagine.

67. Il est comme saint Jacques de l'Hôpital, il a le nez tourné à la friandise. L'image de ce saint, qui se trouvait sur le portail de l'église de ce nom, était placée en face de la rue aux Ours, où il y avait autrefois un grand nombre de boutiques de rotisseurs qui ne vendaient que des oies, et qui, lorsqu'ils furent réunis en communauté, reçurent le nom d'oyers. La rue de Paris où ils s'établirent fut appelée en vieux langage la rue aux Oues. Ce n'est que par corruption que son nom fut changé depuis en celui de rue aux Ours. Ce proverbe s'entend d'un homme porté à la gourmandise.

CHAPITRE IV.

Proverbes relatifs à des contrées et à des villes.

Le caractère national d'un peuple peut se déduire de causes morales et de causes physiques. On nomme causes morales tout ce qui peut influencer l'esprit d'une nation, la façonner à certaines habitudes, comme la nature du gouvernement, sa position politique, la fécondité ou la pénurie qui y règne : on entend par causes physiques. tout ce qui agit directement sur le corps, sur les tempéramens, tout ce qui peut modifier, altérer les complexions, comme l'air qu'on respire, les alimens. Il y a, par exemple, certains airs de vent qui affectent la tête d'un sentiment douloureux de pesanteur et de compression. Il est constant, par des expériences réitérées, que l'air exerce une influence majeure sur nos facultés physiques et morales, comme l'a si bien observé le plus grand des médecins dans son Traité des airs, des eaux et des lieux et ne serait-ce pas à des causes de ce genre, qu'il faudrait attribuer la différence frappante qui existe entre certains peuples, dont les uns ont généralement l'esprit vif, la conception aisée et rapide, tandis que d'autres ont l'esprit pesant et la perception obtuse et lente.

PROVERBES RELATIFS A DES CONTRÉES ET A DES VILLES.

1. Ce n'est pas le Pérou. Le nom de cette grande contrée de l'Amérique Méridionale, devenu pro

verbe, est le synonyme de l'empire de Plutus. Les grandes richesses et tout l'or qu'en retirèrent les Espagnols du temps de Pizarre sont loin de répondre aujourd'hui à l'idée que s'en forme le vulgaire. Le voyageur qui visite aujourd'hui le port de Calao, qui a été détruit par un tremblement de terre, reconstruit depuis, et par lequel s'écoulent toutes les richesses actuelles du Pérou, ne tarde pas à revenir de son enchantement, auquel succède une surprise d'une toute autre nature. Son imagination, éblouie sans doute par toutes les merveilles qui ont été débitées sur la richesse du Pérou, lui fait supposer que les maisons de Calao sont bâties avec des masses d'argent et couvertes de lames d'or. Quel doit être son étonnement, lorsque sur un sol aride et privé de toute espèce de végétation, il aperçoit quatre cents maisons formant des rues anguleuses, étroites et irrégulières; lorsqu'il ne trouve dans cette ville, que le commerce a rendue célèbre, que de misérables auberges où règne la plus dégoûtante malpropreté, et inférieures à nos gargottes de village; que doit-il penser, lorsqu'il apprend qu'il n'y a même pas un boulanger dans la ville, et que les habitans sont dans la nécessité de faire venir leur pain de Lima, ville éloignée de deux grandes lieues! C'est bien le cas pour lui de faire usage d'un de nos dictons, et de s'écrier: Le Pérou n'est pas le Pérou, ou ce n'est pas le Pérou.

2. Il est comme les juges de Padoue, qui, pour paraître intègres, se condamnaient eux-mêmes contre droit et raison. Ce proverbe veut dire que c'est acheter sottement la réputation extérieure d'un

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