Page images
PDF
EPUB

et tous les ressorts de sa lubricité pour le faire succomber. N'ayant pu y réussir, elle dit, pour excuser sa défaite, qu'elle avait entendu d'avoir affaire à un homme, et non pas à une statue.

3. Chanson d'Agathon. Pour exprimer un discours qui renfermait plus d'agrément que d'utilité. Agathon, fort habile joueur de flûte, mais décrié par sa vie licencieuse, a donné lieu au proverbe.

4. Plus ridicule que Morychus. Les anciens Siciliens avaient donné à Bacchus le nom de Morychus. Dans le temps des vendanges, ils barbouillaient le visage du dieu avec du moût de vin et des figues. Cette cérémonie a occasioné le proverbe.

5. Personne, excepté Pyrrhias, n'a immolé un bœuf à son bienfaiteur. Proverbe dont les Grecs se servaient d'une manière ironique pour exprimer l'ingratitude des personnes à qui les services les plus signalés ont été rendus. Le fait suivant y a donné lieu. Pyrrhias, marchand de l'île d'Ithaque, ayant rencontré dans ses voyages un vieillard qui avait été pris par des pirates, touché de compassion, le racheta ainsi que des tonneaux remplis de poix qui étaient la propriété du prisonnier. Celui-ci, pour témoigner sa reconnaissance à son libérateur, lui en fit présent, et lui révéla que ces tonneaux qu'il croyait de peu de valeur, contenaient de l'or recouvert de cette poix. Le marchand, devenu riche par une circonstance aussi imprévue, se contenta d'immoler un bœuf en témoignage de sa gratitude. Ce sacrifice n'était nullement proportionné à l'importance du bienfait, et l'habitant

d'Ithaque pouvait être à bon droit comparé à ces hommes intéressés qui donnent un auf pour avoir un bœuf.

6. C'est un Zoile. C'est un détracteur. Zoïle était né à Amphipolis, ville de Thrace, dans les temps les plus florissans du royaume de Macédoine; il était grand et maigre, il avait le teint påle l'air vif, le tempérament mêlé de bilieux et de flegmatique. On l'avait surnommé le chien rhéteur; c'est le type de tous les hommes jaloux du mérite d'autrui. Elien nous le représente avec une longue barbe et la tête rasée, pour se donner l'air plus magistral. Sa robe traînait malproprement, et ses manières contrastaient ridiculement avec les usages reçus. Il poussait la haine pour le mérite et pour les talens jusqu'à la fureur, etl'on était tenté de le regarder moins encore comme un homme jaloux et envieux, que comme un fou et un enragé. On lui demandait un jour pourquoi il disait du mal de tous les hommes: C'est, répondit-il, parce que je ne puis leur en faire. Il avait voué surtout une haine implacable à Homère, et composé contre le Nestor des poètes une critique volumineuse, et un recueil de traits empoisonnés, qui avait pour titre Zoile, le fleau d'Homère a écrit ceci contre les adorateurs de ses fables. Ses critiques, à en juger par quelques-unes qui sont venues jusqu'à nous, étaient puériles et minutieuses. Son nom était odieux par toute la Grèce, et est devenu par la suite une injure. S'étant présenté aux jeux olympiques, il fut précipité du haut des rochers Scyronieux, ce qui est, à mon avis, un acte de vengeance outré. Suidas dit qu'il y trouva la

mort, ce qui est fort croyable; d'autres prétendent qu'il se sauva en Egypte à la cour de Ptolemée Philadelphe, où il ne fut pas très-bien accueilli. Ce fait, s'il est vrai, prouve que le saut des rochers Scyroniens n'était pas aussi dangereux que celui de Leucade. Quelquefois, dans ses accès de haine, Zoïle était si transporté de fureur qu'il était comme un loup enragé. Il outrageait les passans, et jetait des pierres aux enfans qui le suivaient; d'autres fois il entrait dans les bibliothèques, effaçait le nom d'Homère partout où il se trouvait, et déchirait les endroits les plus sublimes de ses poèmes. Couvert enfin d'opprobre et d'infamie, il s'enfuit d'Alexandrie, et vint à Smyrne, qui s'attribuait, comme d'autres pays, la gloire d'avoir donné naissance au prince des poètes, et qui lui rendait des honneurs divins. Zoïle brisa les bustes de ce grand hommes, foula aux pieds ses médailles, insulta ses prêtres et renversa ses autels. Les magistrats de Smyrne, indignés de tant de frénésie, le condamnèrent à être brûlé. De nos jours on eût mis un pareil homme à Charenton, ce qui eût été plus conforme à la raison et à la charité. Homère a eu des détracteurs moins forcenés que Zoïle, mais tout aussi ardens. Parmi ses ennemis, ceux qui l'ont traduit n'ont pas été les moins dangereux.

7. Mener la vie d'Abron; c'est-à-dire, mener une vie molle et voluptueuse, comme le faisait Abron, Grec, à qui ses mœurs dissolues ont probablement fait donner ce surnom.

8. Effronterie de Néoclide. Aristophane, dans ses comédies, parle d'un rhéteur de ce nom qui, bien

qu'aveugle, ne laissait pas que d'être très-adroit à dérober. Sa dextérité et son impudence étaient passées en proverbe.

9. Temporiser comme Nicias. Cette expression, devenue proverbiale, était rendue en grec par le mot mellonikian, et provenait de la lenteur de Nicias, général athénien, distingué par ses talens, et célèbre dans l'histoire par sa malheureuse expédition de Sicile.

10. Plus crasseux que Patrocle. C'était un Athénien fort riche, qui, par lésine, ne faisait jamais usage du bain, si commun à Athènes, et dont l'avarice a donné lieu au proverbe. Il n'est rien cependant en comparaison de celui dont Villegas fait mention. Ce chef-d'œuvre d'avarice ne coupait jamais sa barbe, tant était grande en lui la peur de perdre la moindre chose; il ne dormait jamais que sur un côté de peur d'user ses draps, et ne parlait que par monosyllabe, ne voulant point perdre de temps, porté qu'il était à tout ménager. Les statuts de la famosissima compagnia della Lezina, ouvrage plaisant composé, vers la fin du seizième siècle, par un nommé Vialardi, portent la lésine au plus haut point de perfection et de raffinement, jusqu'à prescrire de porter la même chemise aussi long-temps que l'empereur Auguste était à recevoir des lettres d'Egypte, c'est-à-dire quarante-cinq jours; de ne point jeter de poudre sur les lettres fraîchement écrites, afin de diminuer le port de la lettre, et plusieurs autres pratiques d'avarice de cette force.

11. Astuce de Phanias. C'était un Grec fort rusé, et qui eut l'art de se faire passer pour très-riche.

Sa fourberie fut découverte, et passa en proverbe pour exprimer la dissimulation. Que de Phanias dans le monde !

12. Les oiseaux de Psaphon, Psaphon, ne pouvant supporter le mépris que les Lybiens, ses compatriotes, faisaient de lui, apprit à plusieurs oiseaux à répéter ces trois mots : Meyas Oεos xpwv, c'està-dire Psaphon est un grand dieu. Lorsqu'il vit que sa leçon profitait, et que les oiseaux la savaient prononcer très-distinctement, il leur donna la liberté. Son charlatanisme lui réussit : ces oiseaux proclamèrent sa divinité, et il fut par la suite adoré comme un dieu; c'est de là qu'est venu le proverbe les oiseaux de Psaphon. Combien de gens dont la réputation n'est établie que sur des moyens très

futiles et sur des chansons. On aurait pu citer ce proverbe au connétable de Luynes, qui parvint à être le favori de Louis XIII, en amusant ce prince avec des pies-grièches qu'il élevait et dressait.

13. La porte de Phanus. Un homme de ce nom et fort jaloux, afin de dérouter les galans qui rôdaient autour de sa femme, avait fait fermer si artistement les portes de sa maison, qu'on ne pouvait les ouvrir sans que cela n'occasionât un grand bruit; mais un des galans, qui connaissait le proverbe fallacia fallaciam trudit, descendit par les toits, et rendit inutiles les précautions prises par le jaloux ce que veut exprimer le proverbe.

14. Tamyris devient fou. Proverbe que l'on applique à ceux qui, sous prétexte de folie, donnent ordre à leurs affaires. Il se tire du fait suivant: Tamyris, ayant été envoyé par les Sybarites pour con

T. II.

14

« PreviousContinue »