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cette expression, si commune parmi eux, je vous baise les mains, et qu'ils l'auront adoptée des Sarrazins, leurs vainqueurs. On retrouve chez eux les restes d'une vertu bien précieuse, l'hospitalité. Il serait difficile de trouver sur la terre un peuple plus hospitalier que les Arabes. Nulle part cette vertu touchante n'est exercée avec plus de délicatesse; un étranger, un ennemi même, a-t-il touché la tente d'un Bédouin, sa personne devient pour ainsi dire inviolable; ce serait pour lui un lâcheté, une honte éternelle de satisfaire même la plus juste vengeance aux dépens de l'hospitalité. Le Bédouin a-t-il consenti à manger le pain et le sel avec son hôte, rien au monde ne peut le lui faire trahir; la puissance même du sultan ne serait pas capable de retirer un homme réfugié dans une tribu arabe, à moins de l'exterminer tout entière. Lorsque ces peuples nomades établissent leur camp, ils ont toujours soin de dresser à côté de la tente du chef une autre tente réservée exclusivement pour les étrangers qui demandent hospitalité et protection. Toutes les fois qu'un voyageur s'égare dans le désert, ou qu'il manque d'un abri, s'il aperçoit la nuit une colonne de fumée, s'il entend aboyer des chiens ou bêler des agneaux, il doit diriger ses pas de ce côté. A son approche la tente du pâtre s'ouvre, l'étranger reçoit le salut de paix; on lui présente un vase de laît, et une corbeille de raisins, de figues sèches et de dattes. Le chef de famille est toujours celui qui montre les attentions les plus empressées. Comme c'est la coutume dans ces régions de marcher nu-pieds ou seulement

avec des sandales, aussitôt que les voyageurs arrivent chez les Bédouins, on leur lave les pieds, puis on leur présente de l'onguent ou de l'huile pour leurs cheveux; l'hôte ne s'assied pas pour manger avec son convié, il reste debout et le sert tout le temps qu'il est à table. Le trait suivant prouvera combien l'hospitalité est sacrée chez les Arabes. Un Arabe nommé Thaleb eut le malheur de tuer, dans une querelle, le père de l'émir Alcasar. Celui-ci, par un esprit de vengeance implacable, passait les jours à chercher le meurtrier. Au bout d'un certain temps, un étranger se présente devant lùi et lui demande l'hospitalité. Alcasar lui prodigue les attentions les plus généreuses. Le lendemain, il recommence ses recherches accoutumées, et revient le soir plein de tristesse de n'avoir pas réussi. L'étranger lui demande la cause de son chagrin; Alcasar lui déclare qu'il est à la poursuite d'un nommé Thaleb, qui a tué son père. Ne cherchez pas plus long-temps votre ennemi, dit l'étranger en ôtant une grande barbe qui le déguisait, le malheureux Thaleb est devant vous. -O cieux! s'écria l'émir étonné, est-il bien possible? mais vous êtes mon hôte; prenez cette bourse, éloignez-vous de ma tente, alors je déterminerai ce que j'aurai à faire. Le prestige de cette vertu antique attribuée aux Arabes, est atténué par le sentiment de l'abbé Goguet; il dit, dans son ouvrage de l'Origine des lois, « qu'il faut beaucoup rabattre de cette vertu des Arabes, l'hospitalité ne pouvant être bien à charge dans les premiers temps, où l'on voyageait alors très-peu et sans beaucoup de suite; enfin les Arabes, dit-il,

nous prouvent encore aujourd'hui que l'hospitalité peut compâtir avec les plus grands vices, et que cette espèce de générosité ne décide rien pour la bonté du cœur et la droiture dans les mœurs. On sait quel est en général le caractère des Arabes; il n'y a cependant pas de peuple plus hospitalier. »

Les Arabes ont cultivé avec beaucoup de succès plusieurs sciences, principalement la médecine et l'astronomie : ils ont eu des médecins célèbres, parmi lesquels on distingue Averrhoès, Avicène, Albucasis, et Hareth, contemporain de Mahomet.

La langue la plus universellement répandue est, sans contredit, la langue arabe; elle se parle ou est entendue depuis le mont Atlas jusque dans la Tartarie, et depuis la Valachie et la Moldavie jusque dans la présqu'île de l'Inde; c'est la langue sacrée de l'intérieur de l'Afrique et des îles qui en dépendent. La langue vulgaire en usage dans les trois Arabies est l'arabe corrompu; il n'y a peut-être pas de langue, suivant le témoignage du savant Niebuhr, qui contienne plus de dialectes différens que l'arabe moderne. L'idiome usité dans les montagnes voisines de l'Yémen et de l'Hédjâz est celui qui approche le plus de l'ancien type. La langue du Qôran ressemble si peu à celle que l'on parle aujourd'hui à la Mecque, qu'on l'enseigne dans les colléges comme le latin à Rome. L'ancienne langue arabe est énergique, très-féconde en images, et sert admirablement l'imagination exaltée des Orientaux; aussi l'Arabie ne manque pas de poètes célèbres, dont les sentences principales ont été insérées dans ce paragraphe. Les plus estimés sont Abu-Naovas,

T. II.

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né à Bassora l'an de l'hégire 145; Benana, originaire de Miafarekin, en Syrie, grand poète et moraliste; Lokman, originaire d'Éthiopie, l'Ésope des Arabes, auteur d'un livre intitulé Amth'al, ou Recueil de proverbes et apologues; Lebid, le plus ancien des poètes arabes depuis l'origine du mahométisme, et dont les ouvrages moraux étaient si estimés des Arabes, qu'ils les attachaient à la porte du temple de la Mecque, mort à Koufah l'an 141 de l'hégire ; Zamach-Schari, commentateur du Qôran et poète, auteur du Rabi-Alabrar, ou le Printemps des Justes; Mohammed-Ebn Qâcen, auteur du Raoud-A lakhiar, ou Jardin des gens de bien; Ahmed Ebn-Arab-Chah, auteur du Merat-al-Adad, ou Miroir des bonnes mœurs; et Mohammed Ebn-Ziad, mort l'an de l'hé– gire 231, auteur de divers recueils de proverbes et de poésies.

PROVERBES ARABES.

1. Le principe de la sagesse est la crainte de Dieu. Ce proverbe est probablement tiré des proverbes de Salomon: Timor Domini principium sapientiæ, chap. 1, v. 7. Si les lois sont des freins puissans pour comprimer les passions des hommes, la crainte d'un Dieu vengeur des crimes et rémunérateur des vertus doit produire sur leurs cœurs un effet bien plus puissant encore. Les lois se présentent à leurs yeux entourées d'appareils terribles et menaçans; elles parlent en maîtresses avares de récompenses, qui n'exigent que des devoirs, et non des vertus. Dieu est un père tendre qui retient ses enfans sur

le bord de l'abîme; par de douces leçons qui pénètrent plus intimement dans leurs âmes, il les rappelle à la vertu, et leur paie encore le prix de leur soumission. Il est donc plus avantageux et plus digne de la reconnaissance d'un fils de se soumettre à Dieu, plus sage et plus prudent d'obéir aux lois : l'un est un véritable père, qui châtie, mais récompense; les autres sont des souveraines absolues, qui commandent et punisṣent.

2. Le sage dans son pays natal est comme l'or dans sa mine. Ce précieux métal, en restant dans sa gangue, conserve sa pureté originelle; mais lorsqu'il est extrait de sa mine et mis en œuvre par la main des hommes, il subit, par les alliages, toutes sortes d'altérations.

Demeure en ton pays, par la nature instruit.

(LA FONTAINE.)

On pourrait dire de la sagesse ce que le fabuliste français dit de la fortune:

Avec beaucoup de peines

On s'en va la chercher en des rives lointaines,
La trouvant assez tôt sans quitter la maison.

3. Celui qui désire exceller dans la sagesse ne doit pas se laisser gouverner par les femmes. Salomon donne le même précepte: Ne attendas fallaciæ mulieris, ne vous laissez point aller aux artifices de la femme.

4. Qui est behoul danse sans tambour de basque. Le mot behoul, en arabe, signifie un homme moqueur, un railleur, un homme qui a l'esprit gai. C'était un sobriquet donné à un savant de la cour du calife Haroun-al-Raschid, et qui avait l'esprit

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