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à ceux qu'elles prenaient sous leur protection. Les contes des fées avaient dans leur principe pour but de donner des leçons de morale et d'inculquer la pratique des vertus; mais les circonstances ridicules dont on les revêtit, finirent par les faire tomber en discrédit, de sorte qu'ils furent abandonnés aux nourrices, qui s'en servirent pour endormir les enfans et les empêcher de crier. Le mot de fée n'est resté dans le langage du vulgaire que pour désigner une personne très-adroite. Les meilleures autorités attestent que ces êtres mystérieux connus depuis sous le nom de fées, n'étaient autres que les prophétesses et druidesses gauloises, qui, choisissant pour demeures les antres profonds et les vallons déserts, étaient devenues pour nos ancêtres, les divinités des lieux où l'on avait coutume de les consulter.

15. C'est un ogre. Bien des gens parlent des ogres, sans avoir une idée de ces êtres fantastiques, contemporains des fées, et dont on faisait autrefois si sottement peur aux enfans. Les ogres n'étaient autres que les anciens Scythes Arismapes, qui aimaient extrêmement la chair humaine. On voit qu'ils ont une grande similitude avec les peuples que nous nommons antropophages. Tous les peuples du nord étaient en général accusés d'antropophagie; les insulaires de l'Amérique ont eu long-temps cette abominable coutume; elle commence à se perdre parmi eux, grâce à la civilisation. Un certain poète, Aristée de Proconèse, assurait avoir vu de ses propres yeux les Scythes Arismapes, et prétendait qu'ils n'avaient qu'un œil,

comme les Cyclopes. Il est aussi ridicule dans son assertion et plus menteur qu'Ovide, qui croyait que les sorcières avaient deux prunelles dans chaque œil, ce qu'il fait entendre par ces vers :

Suspicor et fama est, oculis quoque pupula duplex

Fulminat, et gemino lumen ab orbe micat.

(Liv. II, Amor., Eleg. 8.)

16. Conter fleurettes. Voici l'origine de cette expression. Il y avait en France, sous Charles VI, une espèce de monnaie sur laquelle étaient gravées de petites fleurs. Ces pièces furent appelées fleurettes, comme l'on dit à présent des écus; de sorte que compter fleurettes, c'était compter de la monnaie. La suppression de cette petite monnaie aura fait altérer l'expression, et l'on aura dit, en désignant les discours amoureux, les fadeurs débitées aux belles, en filant le parfait amour, que c'était compter des fleurettes ou employer de la menue monnaie qui n'avait plus assez de poids et de valeur pour captiver des Danaés; sornettes et fleurettes sont à peu près synonymes dans le langage d'amour.

17. Il sait les foires de Champagne. L'établissement des changes publics par Philippe le Bel fut une institution très-utile pour arrêter le désordre que la multiplicité et l'altération des monnaies avaient introduit en France, et pour anéantir les progrès de l'usure exercée par les Lombards et par les juifs, qui ruinaient, par des prêts illicites et onéreux, les fils de famille, et, par suite, des familles entières. Des personnes instruites du titre et de la valeur de toutes les monnaies particulières, étaient

chargées d'échanger des pièces de monnaie falsifiées ou altérées, contre des monnaies ayant cours dans les lieux où l'on se proposait d'aller. Les lettres de cet établissement furent adressées aux maîtres de foires de Champagne, la province de France où ces marchés privilégiés se tenaient plus fréquemment, de sorte que la connaissance de ces foires était passée en proverbe pour désigner une personne intelligente.

18. Donner des œufs de Pâques. La privation des œufs pendant tout le carême a donné naissance aux œufs de Pâques. La joie qu'on éprouve alors de revenir à une nourriture aussi saine et aussi substantielle, eu égard à son volume, a consacré sans doute cette coutume, et la dévotion, qui aime à étendre son domaine, en a fait une espèce de cérémonie religieuse, qui consiste, dans certains pays, à porter à l'église le jour du vendredi saint et le jour de Pâques des œufs pour les faire bénir. Ces œufs étaient teints en rouge, couleur que les Celtes et les Gaulois, nos ancêtres, avaient prise en affection. On les bariolait aussi de diverses couleurs et on en envoyait à ses parens et à ses amis, en signe de réjouissance. Les étudians et les écoliers profitaient de cette coutume pour faire des processions qui occasionaient souvent des désordres, et que l'autorité était obligée de faire cesser; ce qui fit également tomber la coutume en désuétude, et presque partout maintenant on prend les œufs durs pour ce qu'ils sont. A l'époque de Pâques seulement, les bedeaux et les enfans de chœur viennent dans toutes les maisons qui font partie de

T. II.

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leur paroisse, chercher le tribut annuel des œufs de Pâques, qui sont remplacés, à leur grand contentement, par quelques pièces de monnaie.

19. Tourner casaque. Voici l'historiette sur laquelle se fonde l'origine de cette expression proverbiale. Charles Emmanuel, duc de Savoie, qui échangea la Bresse contre le marquisat de Saluces, prenait indifféremment tantôt le parti de la France, tantôt le parti de l'Espagne. Il avait un juste-aucorps blanc d'un côté et rouge de l'autre, et qui pouvait servir également des deux côtés. Était-il pour la France? le juste-au-corps était blanc; étaitil pour l'Espagne, on retournait le juste-au-corps du côté rouge. Comme ce prince était bossu, et comme le Piémont est un pays de montagnes, un poète français fit ces vers sur le caractère versatile du duc: :

Si le bossu mal à propos

Quitte la France pour l'Espagne,
On lui laissera de montagne

Que celle qu'il a sur le dos.

20. Dangereux comme le retour de matines. Proverbe ancien qui a couru à l'égard des cloîtres. (Voy. Pasquier, Recherches de la France, liv. VIII, chap. xxxi, pag. M. 729). Bayle dit que, moyennant une légère substitution, on pourrait changer le proverbe ci-dessus en celui-ci : Dangereux comme le retour du bal. Lambert Daneau, dans son Traité des Danses, chap. x, pag. 37, édition de 1583, soutient que, pour gâter tout de paillardise, le diable n'inventa jamais plus beau moyen que la danse.

21. Faire le diable à quatre. Voici l'explication

et l'origine de ce proverbe. Dans l'amphithéâtre de Doué et à Saint-Maixant en Poitou, on représentait autrefois des pièces de dévotion, dans lesquelles on faisait paraître d'ordinaire des diables qui devaient tourmenter les pécheurs endurcis. Le nombre de diables déterminait la pompe du spectacle. Quand il paraissait en scène moins de quatre diables, cela s'appelait petite diablerie, et quand il y en avait quatre, la représentation s'appelait grande diablerie, d'où est venu le proverbe. Les acteurs de ces pièces diaboliques paraissaient sur le théâtre revêtus de peaux noires, de costumes et de masques hideux. Ils poussaient d'affreux hurlemens, jetaient des flammes par la bouche; ils tenaient de grands bâtons noirs entourés d'étoupes lançant des étincelles et des tourbillons de fumée. En 1507, il parut un volume in-folio de diableries tracées d'après ces singulières représentations. Il avait pour auteur Éloi d'Arménal, maître des enfans de choeur de Béthune.

22. Il est du régiment de Champagne. Dans un des bals donnés à Versailles, en 1747, à l'occasion des noces du dauphin père de Louis XVI, un particulier s'était mis sur une banquette destinée à d'autres personnes; l'officier des gardes-du-corps de service voulut le déplacer, il résista; l'officier insistant, le quidam, qui sans doute avait des raisons pour garder l'incognito, excédé d'impatience, lui répondit avec vivacité: Je m'en f..., monsieur; si cela ne vous convient pas, je suis un tel, colonel du régiment de Champagne. Cette quérelle fit de l'éclat et le bruit s'en répandit bientôt dans la salle. Un

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