Page images
PDF
EPUB

le rameau vert, comme symbole de la joie et du plaisir. Dans le nord, les amans ont conservé cette coutume, et vont planter un rameau vert sous les fenêtres de leurs maîtresses. Dans les XIII, XIV'et XVe siècles, il fallait, pendant les premiers jours du mois de mai, porter sur soi une branche, un feuillage, ou quelque rameau vert, sans quoi l'on s'exposait à recevoir un seau d'eau sur la tête; c'est cette dernière circonstance qui a plus spécialement donné lieu au proverbe, plutôt que la plantation du mai.

8. Ily a loin de huit à dix-huit. Fort ancien proverbe pour dire que deux choses qui se ressemblent par certains côtés peuvent pourtant être différentes et tout-à-fait opposées. Je sais, dit un des auteurs de la satire Ménippée, qu'il y en a qui veulent jouer sur l'affinité des paroles, mais grande est la différence entre aspirer et siffler, et il y a loin de huit à dix-huit.

9. Mettre les pouces. Proverbe trivial usité en France. A Rome, dans les combats de gladiateurs, qui faisaient les délices du peuple romain, lorsque l'un des combattans paraissait être vaincu, il était d'usage que le peuple présent à leur lutte demandât sa grâce, qui lui était accordée. Le peuple romain n'avait pas encore poussé la barbarie à l'excès; mais Domitien, par une loi spéciale, avait voulu que le vaincu avouât lui-même sa défaite en levant le doigt, action qui exprimait qu'on demandait grâce, et se rendait, chez les Romains, par le mot missio, comme l'explique Martial par ce vers :

Missio sæpè viris magno clamore petita est.

Celui qui ne faisait point le signe exigé, ou qui s'obstinait à ne pas s'avouer vaincu, était mis à

mort.

10. C'est le roi de la fève. La cérémonie du roi de la fève nous vient des Romains, dont les enfans, pendant les saturnales, tiraient au sort à qui serait roi du festin. Cet emploi de la fève pour interroge le sort, remonte aux Grecs, qui se servaient de fèves pour l'élection de leurs magistrats; c'est peut-être ce qui les faisait défendre par Pythagore, dans le sens que l'on suppose être attaché à cette allégorie, comme nous l'avons expliquée au proverbe grec n° 84. Nous avons transporté au commencement de janvier une fête que les anciens célébraient vers la fin de décembre, au solstice d'hiver, et que les Romains, s'il en faut croire Lucien, Strabon et Vossius, avaient emprunté des Perses. L'élection de ce roi de circonstance se faisait à table comme chez nous; mais, après avoir été traité pendant la courte durée de son règne avec tout le respect et tous les égards dus à son rang, ce monarque éphémère était pendu pour terminer la fête; il est cependant bon d'ajouter, ce qui ne diminue en rien l'atrocité de cette action, qu'il était choisi dans la classe des esclaves, et plus souvent même parmi les criminels. Autrefois, on tirait le gâteau des rois avant le repas; dans une de ces cérémonies où se trouvait Fontenelle, le sort le fit tomber roi; et, comme il négligeait de servir d'un excellent plat qu'il avait devant lui, quelqu'un lui dit : Le roi oublie ses sujets. Voilà comme nous sommes, nous autres rois, répondit-il. C'est par de légères escarmouches

contre la royauté que les philosophistes préludaient à la révolution; on peut dire alors d'eux qu'ils pelottaient, en attendant partie.

11. Méchant comme les mille diables. On trouve dans l'historien Dupleix, en la vie de François Ia, le passage suivant : « En ce temps (pendant les années 1522 et 1523), la licence des gens de guerre était si désordonnée partout le royaume, que, sous ombre de ce qu'ils se disaient mal payés du roi, ils ravageaient le plat pays, violaient les femmes et les filles, et commettaient impunément les cruautés les plus exécrables qu'on eût pu attendre d'une nation infidèle et barbare. Les brigands, pour se rendre encore plus effroyables, se faisaient nommer les mille diables, d'où est venu le proverbe.

12. Ferrer la mule ; c'est acheter une chose pour quelqu'un, et la lui faire payer plus qu'elle ne vaut. Lorsqu'un domestique retient à son profit une partie de l'argent que son maître lui donne à dépenser pour son ménage, on dit communément qu'il s'entend à ferrer la mule. Quelques auteurs font remonter ce proverbe au règne de Vespasien. Cet empereur sortant un jour en litière, son muletier, qui avait promis à un particulier de lui procurer une longue audience du prince, prétexta qu'une des mules étoit déferrée; l'empereur, obligé d'attendre, donna en effet l'audience promise, mais, instruit du profit qu'en avait retiré son muletier, il n'eut pas honte de partager avec lui la somme donnée, après lui avoir demandé ironiquement combien il avait reçu pour ferrer la mule. D'autres prétendent que l'origine de ce proverbe remonte au temps où

les conseillers au parlement de Paris, se rendaient le matin au palais, montés sur des mules. Leurs laquais, pendant l'audience, jouaient, et, pour se faire de l'argent, ils en demandaient à leurs maîtres, sous prétexte que leurs mules avaient besoin d'être ferrées. On dit d'un avare, qu'il se ferre la mule à lui-même sur sa propre dépense. Un poète satirique avait une servante qui savait fort bien ferrer la mule; elle le quitta pour épouser un loueur de chevaux. Il fit sur elle l'épigramme suivante :

Si Marion épouse un loueur d'haridelle,

C'est qu'à ferrer la mule il a su qu'elle excelle;
La façon est égale à la mule, au cheval,
Le futur gagne douc les frais du maréchal.

13. J'en mettrais la main au feu. C'était un ancien usage qui s'est perpétué depuis le sixième jusqu'au treizième siècle, pour tirer quelque preuve d'un crime, d'obliger ceux qui en étaient soupçonnés de se justifier en touchant un fer ardent; ct, s'ils n'en éprouvaient point de mal, ils étaient renvoyés absous. Cette épreuve, faite également avec un fer chaud ou de l'eau bouillante, avait, en beaucoup d'endroits, remplacé celle des duels judiciaires, qu'on appelait les jugemens de Dieu. Elle consistait à mettre l'avant-bras dans un gantelet de fer rouge qui allait jusqu'au coude, ou à plonger la main dans l'eau bouillante. George Logothète, qui écrivit une chronique du treizième siècle, nous apprend que tout le monde n'était pas dupe de ce charlatanisme. Il fait mention d'un homme d'esprit et de bon sens, qui sut fort bien se dispenser de faire l'épreuve du fer chaud, à laquelle l'empe

reur Michel Comnène voulut l'engager. Il répondit qu'il n'était ni sorcier ni charlatan, et ne se tira pas mal à l'égard d'un archevêque qui lui faisait quelque instance à ce sujet; il lui dit qu'il porterait volontiers le fer ardent, pourvu que l'arch evêque, revêtu de son étole, voulût le lui remettre en mains. Le prélat ne se trouva pas disposé à faire cette cérémonie; il convint que cet usage venait des barbares, et qu'il ne fallait pas tenter Dieu. Déjà même dès le sixième siècle, saint Grégoire de Tours, écrivant à la reine Brunehaut sur le procès qu'on voulait intenter à Memna, évêque de Toulouse, s'était récrié sur l'atrocité absurde de cet procédure : Nolumus te exhibere igniti ferri contactum, dit-il. Un concile de Latran supprima cette superstition. C'est de cette coutume ancienne que vient cette manière de parler quand, pour affirmer une chose, on dit : J'en mettrais ma main au feu.

14. C'est une fée. Cela se dit d'une personne très-adroite. Les fées sont des divinités modernes qui ont succédé aux nymphes des anciens; ce sont pour la plupart d'honnêtes magiciennes, dont le nom moderne a été formé de celui des anciennes divinités appelées Fatua: elles figurent surtout dans nos anciens romans de chevalerie. On leur attribuait des qualités merveilleuses et surnaturelles, telles que de se transporter sur-le-champ aux endroits les plus reculés de la terre, de transformer des chaumières en palais, de les détruire au commandement d'une baguette magique, de prendre les formes les plus bizarres, enfin de distribuer à volonté les trésors, les diamans, la beauté

« PreviousContinue »