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Vous pouvez, par vos soins et par quelques bienveillantes attentions, tirer d'eux les plus grands avantages, ceux du moins de l'attachement et de la fidélité; ils vous paieront en temps utile des égards que vous avez eus pour eux. Sénèque, dans une de ses épîtres, dit, en parlant des serviteurs : « Souvenezvous de ce qui arriva du temps de Marius. Les sénateurs, les gens de la première qualité de Rome, proscrits, poursuivis, obligés de se cacher, étaient réduits à garder les troupeaux ou à servir de portiers il ne faut donc pas mépriser un homme dans l'état duquel on peut retomber un jour. Toutes ces épreuves se sont renouvelées pendant la révolution les hommes même les plus élevés en dignités, en naissance, ont été réduits aux métiers les plus abjects, jusqu'à balayer les rues et les égoûts, et à l'état plus humiliant encore, celui de mendier. Si quelques misérables ont trahi, dénoncé et fait périr leurs máîtres, il y en a d'autres qui ont eu la générosité de se sacrifier pour les sauver. Il faut vivre avec un inférieur comme vous voudriez qu'un supérieur vécût avec vous.

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40. La familiarité des grands est périlleuse, c'est un feu auquel on se brûle.

41. Celui qui veut s'avancer à la cour doit observer cinq choses: la première est de corriger le penchant qu'il peut avoir aux emportemens par la douceur et par la complaisance; la seconde, de ne pas se laisser séduire par le démon de l'orgueil; la troisième, de ne pas se laisser dominer par l'intérêt; la quatrième, d'être sincère et droit dans l'administration des affaires dont il sera charge; et la cinquième, de ne

T. II.

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pas se laisser abattre par tous les contre-temps qui lui arriveront.

42. Les maux que nous ferons aux autres nous poursuivront, ainsi que notre ombre suit notre corps.

43. Les hommes font paraître de la folie en cinq occasions différentes: lorsqu'ils établissent leur bonheur sur le malheur d'autrui; lorsqu'ils entreprennent de se faire aimer par la rigueur; lorsqu'ils veulent acquérir la science au sein de la mollesse et des plaisirs; lorsqu'ils veulent se créer des amis sans faire des avances, et lorsqu'étant amis, ils ne veulent rien faire pour secourir leurs amis dans le besoin.

44. Un diamant avec quelques défauts est préféré à une simple pierre qui n'en a pas. C'est ainsi qu'il faut en user dans le choix des personnes auxquelles on confère des emplois.

45. La vertu à la fin se décèle, comme le musc se fait sentir, quelque soin qu'on prenne de le cacher. Il n'en est pas de même de la vanité, celle-ci veut s'infiltrer partout.

46. L'échanson de la destinée présente aux mortels une coupe remplie, tantôt d'une liqueur délicieuse, tantôt d'une liqueur plus amère que le fiel : Le sage la vide avec confiance; aussi impénétrable aux rigueurs de la fortune qu'en garde contre ses faveurs, il ressemble à un rocher contre lequel les flots irrités

viennent se briser.

47. De tous les vices, il n'en est aucun de plus nuisible que la fureur du jeu : on ne joue d'abord que par complaisance ou par désœuvrement; on ne donne que des momens au jeu, puis des heures, puis des nuits entières; et c'est ainsi que la passion, s'allu

mant par degrés, dévore le temps, plus cher que l'or, et fait oublier les devoirs les plus sacrés. La ruine à ce métier est le partage du plus grand nombre. Ceux qui prospèrent aujourd'hui, demain seront dans la misère. Cependant ils triomphent; ils ne doutent plus de rien lorsqu'ils ont dépouillé quelqu'un : attendez, ils seront dépouillés à leur tour.

48. La fortune vient les fers aux pieds; mais, lorsqu'elle se retire, elle les rompt tous par l'effort qu'elle fait pour fuir.

49. L'homme dépourvu de connaissances ne se fera jamais remarquer, malgré tout l'éclat de sa jeunesse, de sa beauté et même de sa naissance; il ressemble à une belle fleur qui n'a aucun parfum.

50. Quoique notre corps n'opère pas par lui-même la vertu, il en est en quelque sorte le soutien; il est par rapport à l'âme, ce qu'une barque est par rapport au pilote : la barque n'agit pas par elle-même, mais elle est nécessaire au pilote pour qu'il puisse agir. De même, notre corps n'opère pas la vertu par lui-même, mais il est nécessaire à l'âme pour qu'elle puisse l'opérer. Il faut donc le conserver le plus que l'on peut, pour avoir occasion de pratiquer plus long-temps la

vertu.

S XVII. Proverbes allemands.

Une grande partie de l'Allemagne était comprise dans l'ancienne Gaule. Le nom de Germanie, qui lui fut donné, est moderne, et dérive probablement des mots ger ou gar, etman, qui, dans l'ancien celtique, signifiaient un homme courageux. Les

Germains s'appelaient plus anciennement Teutons. Les Allemands nomment encore leur pays Teuchland. L'Allemagne, du temps des Romains, était couverte de vastes forêts, ce qui rendait la population peu nombreuse; elle est aujourd'hui de vingtcinq millions d'hommes. C'est dans Tacite, Pline, et quelques autres historiens, que l'on peut puiser les notions les plus certaines sur l'état ancien de la Germanie. Nous ne nous occuperons que des Allemands modernes en général, car les mœurs, les usages et les idiômes varient en Allemagne suivant les différens États.

Les Allemands sont grands et bien faits; ils ont communément le teint fort blanc; ils sont francs, hospitaliers, sans art et sans malice; ils ont moins de vigueur que leur stature ne le fait supposer, et plus de constance et d'application que d'activité et de génie dans ce qu'ils entreprennent. Ils sont ceux de tous les peuples européens qui ont le plus persisté dans leur naturel primitif sans y rien changer; ils ont encore la force et le courage de leurs ancêtres, la pesanteur d'esprit jointe à un travail invincible, ce qui paraît principalement dans l'exercice des sciences et des lettres. Ils sont naturellement flegmatiques; leurs sens sont difficiles à émouvoir. Un jeune Allemand, beau et bien fait, qui faisait la cour à une jeune fille, lui disait qu'il l'aimait tout en Dieu. Eh Monsieur! répondit-elle d'un ton doux, commencez à m'aimer tout en diable. Un Français aurait saisi la balle au bond, mais les Allemands ne sont pas si pressés en affaires; quand on leur parle, il faut souvent user de commen

taires; ils n'entendent finesse à rien. Ce n'est pas qu'ils manquent de bon sens ; ils ont même beaucoup de solidité dans le jugement, mais les saillies et les tours les plus vifs de l'éloquence ne les émeuvent pas; ils aiment les discours francs et tout d'une pièce ce qui est trop recherché les embarrasse; ils s'attachent au solide, et veulent, pour ainsi dire, le toucher; c'est ce qui fait que les Italiens disent ironiquement des Allemands, qu'ils n'ont de l'esprit qu'au bout des doigts. En effet, la manière d'écrire, si vive et si saillante, qui plaît tant aux Italiens, déconcerte la roideur d'un cerveau allemand; sa marche est mesurée, et craint les moindres commotions; se repliant avec peine dans ses concavités, il redoute de saisir trop d'objets à la fois; les vues fines et détournées lui échappent : aussi Rivarol disait-il plaisamment de quelques Allemands réunis en société, et qui écoutaient les saillies d'une personne d'esprit : Ils se cotisent pour entendre un bon mot. On accuse les Allemands d'intempérance dans le boire et le manger, et peut-être avec quelque raison, ce qui doit être attribué à l'abondance des vins et des choses nécessaires à la vie que procure un sol extrêmement fertile. Les hommes et les femmes affectent de porter de riches habits, dont la mode vient d'Angleterre ou de France. Les gens de haut parage, les militaires surtout, aiment beaucoup les galons d'or et d'argent. Les bourgeois s'habillent différemment, et même d'une manière extrêmement bizarre. Le costume des femmes du premier rang, dans les cours de l'Europe, ne diffère point de celui des Anglaises

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