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32. Qui brûle en plein midi des essences précieuses, manquera bientôt d'huile commune pour brûler pendant la nuit. Image de la prodigalité.

33. L'aumône est le sel des richesses; sans ce préservatif, elles se corrompent.

34. La patience est un arbre dont la racine est amère, et dont les fruits sont très-doux.

35. La plus saine nourriture est celle qu'on obtient par ses peines. Cette maxime se trouve dans le Qôran. Les mahométans soutiennent que l'usage des biens administrés par les sedres, ou grands pontifes des musulmans de Perse, et appartenans aux mosquées ou aux églises, doit être interdit à tous ceux qui peuvent se procurer par leur travail une subsistance honnête, conformément à la maxime du Qôran.

36. Si la poule veut chanter comme le coq, il faut lui couper la gorge. Ce proverbe, conforme au génie empoulé et hyperbolique des Orientaux, nous apprend qu'il n'est pas permis aux dames persannes de cultiver la poésie; cependant la défense, toute sévère qu'elle est, n'est point prise au pied de la lettre.

37. Le monde est semblable à un vieux château à demi-ruiné et bâti sur le courant rapide d'un torrent qui en emporte sans cesse quelque pièce : c'est en vain qu'on pense le réparer et le rétablir avec une poignée de terre.

38. Si tu veux trouver dans le monde une véritable grandeur, fais-toi Nakschibendi, car on ne saurait trouver de modèle plus parfait d'un serviteur de Dieu.

Cette sentence proverbiale se tire de ces vers per

sans:

Gher hakiki iahi der gehan bulendi
Nakschihendi kium Nakschibendi.

Ce Nakschibendi est le fondateur de l'ordre des derwichs ou des mevelavites. Ce fut le maître de l'émir Ebrbuhar, regardé comme un saint en Turquie, et fondateur de l'ordre des Ebrbuharistes, remarquable par son austérité; on leur donne aussi le nom de Nakschibendis. Ils ne se croient point obligés, comme les autres musulmans, d'être haggis, c'est-à-dire de faire le pélerinage de la Mecque, prétendant que la pureté de leurs âmes et leurs visions séraphiques les rendent aussi capables de voir la Caabah (maison carrée ou temple de la Mecque) que s'ils étaient dans ce saint lieu.

39. Le monde est un pont, hâte-toi de le traverser; mesure et pèse tout ce qui se trouve sur le passage, tu verras que le mal environne le bien et le surpasse.

40. L'homme est la plus parfaite de toutes les créatures, et le chien une des plus viles: cependant le chien reconnaissant l'emporte sur l'homme ingrat. Le chien est regardé comme immonde par les mahométans. Le chien des sept-dormans est le seul pour lequel ils conservent une très-grande vénération. Anciennement, en Perse, on punissait du bodoveresté celui qui battait un chien, le blessait ou lui ôtait la vie, c'est-à-dire qu'on coupait tous ses membres par morceaux. Le chien était regardé alors comme le gardien et le protecteur des troupeaux contre les ravisseurs et les bêtes féroces. (Voyez Histoire de la religion des anciens Perses, par Henri-Lord.)

41. Il vaut mieux avoir des douleurs que des remords.

42. Jouis, voilà la sagesse; fais jouir, voilà la vertu. 43. Les grands besoins naissent des grands biens, et souvent le meilleur moyen de se donner les choses dont on manque est de s'ôter celles qu'on a.

44. L'arbre de la générosité porte sa cîme jusqu'aux cieux; quiconque veut goûter du fruit délicieux de cet arbre, ne doit pas avec la faux de l'avarice, le couper par le pied.

45. Si l'on mène un âne à Jérusalem et à la Mecque, il retourne toujours un âne, sans avoir gagné les pardons: Simia semper et ubiquè simia.

46. Ce qui distingue un homme d'esprit d'un sot, c'est, dit-on, qu'un sot se flatte lui-même, et qu'un homme d'esprit flatte les autres; mais c'est sottise encore de flatter les autres : ce qu'on y gagne quelquefois ne vaut jamais ce qu'on y perd.

47. Le diamant tombé dans un fumier n'en est pas moins précieux, et la poussière que le vent élève jusqu'au ciel n'en est pas moins vile.

48. Le feu d'enfer ne peut jamais brûler un beau visage. Un beau visage s'entend toujours, chez les Persans, d'un homme de bien; de même un visage noir signifie un méchant homme. Cette expression des Persans a beaucoup d'analogie avec celle dont les Romains se servaient pour rendre la même idée. (Voir le proverbe latin 84.)

49. L'ignorant dans le sein des richesses ressemble à un vase de terre dont l'extérieur est doré; le savant dans l'indigence est comme une pierre précieuse enchâssée dans un vil métal.

50. Un âne qui porte sa charge vaut mieux qu'un lion qui dévore les hommes.

51. Dix pauvres dormiront tranquillement sur une natte, et deux rois ne sauraient vivre en paix dans un quart du monde.

52. La compassion pour les méchans est une injure pour les bons; et rien ne porte plus d'atteinte à la vertu, que l'indulgence pour le crime.

53. Chaque feuille d'un arbre vert est, aux yeux du sage, un feuillet du livre qui enseigne la connaissance du créateur.

54. Celui qui creuse dans le chemin d'un autre un puits pour l'y faire tomber, s'ouvre souvent, par son imprudence, un chemin sous terre pour s'ensevelir.

55. Le vrai sage est celui qui apprend de tout le monde.

56. Deux choses sont inséparables du mensonge : beaucoup de promesses et beaucoup d'excuses.

57. Malheur à la nation où les jeunes gens ont déjà les vices des vieillards, et où ceux-ci retiennent encore tous les travers de la jeunesse.

58. Le corps de l'homme, dit un philosophe à des railleurs qui lui reprochaient sa difformité, doit être considéré comme un fourreau dont l'âme est le sabre; c'est le sabre qui tranche, et non le fourreau.

59. Dans la mer il est des biens sans nombre, mais si vous cherchez la sûreté, elle est sur le rivage. C'est la même pensée que celle d'Horace :

Littus ama, altum alii teneant,

« Attache-toi au rivage, laisse les autres courir la pleine mer. » Habitans des îles, disait le sage Pit

tacus, restez chez vous, rien de plus inconstant que la mer.

60. O toi! qui jouis d'un doux sommeil, pense à ceux que la douleur empêche de dormir. O toi! qui marches lestement, aie pitié de ton compagnon qui ne peut te suivre. O toi! qui es opulent, songe à celui que la misère accable.

S XVI. Proverbes des Orientaux et des Indiens.

La dénomination d'Orientaux s'applique plus spécialement aux Arabes, aux Turcs et aux Persans, mais elle peut s'étendre à certains peuples des contrées comprises dans l'Indostan. J'ai rassemblé dans ce paragraphe les proverbes et les adages qui émanaient de l'esprit de ces peuples, et qui, ne se rattachant pas à la morale de chacun en particulier, constituaient des maximes générales, communes aux Orientaux et aux Indiens orientaux, dont je tracerai succinctement les mœurs et le caractère, après avoir donné quelques notions pour compléter le tableau des mœurs des premiers.

De tous temps, chez les Orientaux, quand le mari admet sa femme à sa couche, celle-ci n'y entre que par le pied du lit, dont elle soulève modestement la draperie pour marquer sa soumission parfaite et son entière dépendance. Cette coutume n'a lieu que chez les personnes d'un rang élevé, comme anciennement parmi les gymnosophistes. Quelques familles turques d'une antique origine observent encore de nos jours ce cérémonial recommandé par le Qôran.

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