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le besoin de savoir ce qui se passe dans leur empire autrement que par leurs ministres, ils se déguisent pour se mêler dans la foule, et pour connaître par eux-mêmes les souffrances et les vœux des peuples. L'éducation moderne des Persans, dit Pinkerton, est généralement militaire, et leurs grossières flatteries, ainsi que leurs expressions ambiguës, prouvent qu'ils ont totalement oublié le noble système de leurs ancêtres, qui commençaient à apprendre, avant tout, à leurs enfans à parler et à entendre le langage de la vérité. Ce précepte, si simple, si on l'envisage convenablement, présente des conséquences infinies; car non seulement il existe une liaison nécessaire entre la vérité de l'expression et la moralité de la conduite, mais même la duplicité atténue les facultés de l'esprit, produit des idées fausses, altère le jugement, et souille la source pure de toute moralité.

La justice, en Perse, se rend d'une manière trèssommaire; la sentence, quelle qu'elle soit, est mise sur-le-champ à exécution. La peine du larcin est communément la perte du nez et des oreilles ; le vol sur les grands chemins est puni très-sévèrement; on ouvre le ventre au criminel, et on l'expose, en cet état, sur un gibet dans un des quartiers de la ville les plus passagers, et il y reste jusqu'à ce qu'il expire dans les tourmens. Cette punition est terrible, mais elle rend le vol très

rare.

La religion de la Perse est la mahométane; les Persans sont de la secte d'Ali, gendre de Mahomet. Ils ont adopté un système de croyance plus doux

et moins absurde que celui que suivent les Turcs et les Arabes; leur bon sens naturel leur a fait rejeter une foule d'idées ridicules et superstitieuses, ce qui les a fait traiter d'hérétiques par les autres musulmans, sectateurs d'Omar et d'Abubekre, qui leur donnent le nom de schiaïs, tandis qu'ils s'attribuent exclusivement celui de sunnis, ou vrais croyans. Les Persans consentent volontiers à discuter avec des étrangers les dogmes de leur religion, tandis que les Turcs regarderaient comme une véritable impiété qu'on mît en question ce qui leur est ordonné de croire. Moins infatués de la prédestination que les Turcs, qui, par suite de ce système, restent dans l'apathie et dans l'inaction, les Persans croient qu'il ne leur est pas défendu de détourner les coups du sort; et ils ne regardent pas l'activité et la prudence comme des moyens inutiles pour y parvenir.

Les Persans ont pour Mahomet la même vénération que les Turcs; mais ils font rarement les pélerinages de la Mecque et de Médine. Abbas-leGrand, aussi adroit politique qu'habile guerrier, s'étant aperçu combien ces voyages soutiraient d'argent de la Perse, sut en dégoûter ses sujets en faisant bâtir sur le tombeau de Riga, huitième iman et fils d'Ali, mort en Perse près de Mesched, une magnifique mosquée qu'il dota de revenus considérables. Dès-lors les pélerinages de la Mecque et de Médine furent oubliés, et les Persans portèrent depuis tous leurs vœux au tombeau de Riga. Ils observent avec beaucoup de sévérité le jeûne du Ramazan, le neuvième mois de l'année mahomé

tane; ils célèbrent la fête du petit Bayram ou la Pâque; ils immolent alors, de même que les Turcs, quelques moutons, en mémoire du sacrifice qu'A-braham voulut faire de son fils Ismaël; ils croient que ce fut ce dernier qui devait être immolé, et non pas Isaac. A Ispahan ils sacrifient un chameau avec de grandes cérémonies : ils prétendent que le patriarche immola un chameau au lieu d'un bélier.

Les sciences sont aujourd'hui bien déchues en Perse. La profession la plus estimée est celle de la médecine; mais elle est déparée par un mélange incohérent d'astrologie et de pratiques ridicules produites par l'empirisme. Les médecins cependant suivent assez régulièrement les préceptes de Gallien et d'Avicenne. Le principal mérite des chirurgiens consiste à pratiquer la saignée. La peste n'est point étrangère à la Perse; les maladies les plus communes sont la goutte, la petite vérole, la consomption et surtout l'ophtalmie.

Les Persans ont l'esprit vif et le jugement şain. Appliqués à l'étude, ils réussissent parfaitement dans la poésie; ils sont féconds en pensées fines et ingénieuses. Ils s'attachent aussi à l'étude de la morale, du moins quant à la théorie; ils aiment à exprimer leurs idées d'une manière sententieuse, mais qui sent l'hyperbole. Ils écrivent comme les Hébreux, de droite à gauche et sur leurs genoux, parce qu'en Perse on n'a point l'usage des tables ni des siéges. Les Persans, dit Otter, voyageur très-estimé, ont l'esprit très-délié; ils réussissent dans les sciences, dans les arts, et généralement dans tout ce qu'ils entreprennent. Ils sont de bonne

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société, civils et polis envers les étrangers. Ils aiment le vin, les fêtes, et le luxe, qu'ils ont porté aussi loin qu'aucune autre nation. Ils sont bons connaisseurs en tout, et il est difficile de les tromper: c'est ce qui fait que les juifs, qui, dans la Turquie, sont puissamment riches, sont fort misérables en Perse. »

Le langage persan est peut-être, de toutes les langues orientales, le plus vanté pour sa force, sa beauté et sa mélodie. Il est préféré pour la poésie et pour les compositions élégantes, au turc, qui est sec et dur, et à l'arabe, qui, quoique riche, est trop rempli de sons gutturaux.

PROVERBES PERSANS.

1. C'est tous les jours fête pour lui, ou Tous les jours sont pour lui New-Rouz. Ce mot en Persan signifie jour de l'an ou nouveau jour, qui correspond au 22 de mars. C'est ainsi que l'appelaient les anciens Persans. Lorsque ce jour arrive, les Persans modernes se font mutuellement de petits cadeaux, comme cela se pratique parmi nous, se livrent aux divertissemens et à la joie. Ces cadeaux se nomment new-rouzyah c'est-à-dire étrennes. Les Italiens les appellent la mancia delle buone feste. Ce fut, dit-on, un des premiers rois de Perse, nommé Dgiemschid, qui institua cette fête à l'occasion suivante Faisant le tour de ses États, et étant arrivé dans l'Aderbaïdjân, il se plaça un jour sur un trône pour être vu de tout le peuple, qui, frappé de la dignité de sa personne et de l'éclat des pierreries

T. II.

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dont sa tête était ornée, s'écria: New-Rouz! NewRouz! c'est-à-dire, c'est aujourd'hui un nouveau jour pour nous.

2. La politesse est une monnaie destinée à enrichir non point celui qui la reçoit, mais bien celui qui la dépense. La véritable politesse consiste à paraître persuadé que les autres sont tels qu'ils se montrent. Elle les rend contens de nous et d'eux-mêmes.

3. S'il existe un homme sans passions, cet homme n'est pas fils d'Adam. Il existe cependant des hommes dont les passions sont assez paisibles pour échapper aux yeux de la malignité; ils sont, comme le flux et le reflux de la Méditerranée, presqu'insensibles.

4. Plus on pile l'ail, plus il sent mauvais; c'està-dire, plus on tarde à arranger une affaire, plus elle devient difficile.

5. La vie est une ivresse continuelle, le plaisir passe, le mal de tête reste. La vie est courte pour le plaisir des sens, et longue pour les regrets et le repentir.

6. La royauté éternelle appartient à Dieu seul. Ce proverbe rappelle un trait de la vie de Kosrou-Perwyz, roi de Perse. Ce prince, réfléchissant sur la fragilité de la vie, qui bientôt le priverait de l'empire, disait à Chyryn, sa maîtresse : Qu'y aurait-il de plus beau que la royauté, si elle était éternelle? Chyryn lui répondit : Si elle durait toujours, elle ne serait pas parvenue jusqu'à vous.

7. Plus on laisse de biens à ses héritiers, moins on laisse de regrets.

8. L'homme qui rend le bien pour le mal, ressem

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