Page images
PDF
EPUB

veut donner à Rome une littérature philosophique, comme il lui aurait donné, s'il eût vécu plus long-temps, une littérature historique. Partout et avant tout il est préoccupé de la forme; il prépare même d'avance une collection de cadres littéraires élégans, pour y renfermer, au besoin, ses développemens philosophiques. Jusqu'alors la doctrine épicurienne était la seule qui eût produit à Rome quelques ouvrages. Outre l'admirable poème de Lucrèce, qui paraît avoir été trop peu goûté de Cicéron, nous trouvons cités dans ses ouvrages les écrits de Catius et d'Amafanius, dont le succès le révolte il leur reproche amèrement la nudité de leur style et la sécheresse de leur exposition. Pour lui, il veut donner aux Romains quelque chose qui se rapproche davantage de l'éloquence de Platon; mais involontairement il substitue à la couleur poétique ou aux causeries gracieuses de son modèle, les formes plus solennelles de l'éloquence oratoire. La plupart de ses ouvrages de philosophie sont de véritables plaidoyers en faveur de tel ou tel système.

style, une finesse d'observation qui nous font regretter de le voir à la fin s'arrêter si long-temps sur des combinaisons de rhythme et des calculs de syllabes; et lorsque pour compléter tout ce qui se rattache à l'art qui lui avait donné tant de gloire, il trace dans le Brutus une histoire de l'éloquence latine, parmi cette foule de noms un peu sèchement entassés, mais qui nous attestent combien la parole était cultivée à Rome, avec quel éclat se détachent les portraits de Caton, de Gracchus, de Crassus et d'Antoine; avec quel intérêt on y voit Hortensius jugé par un ami qui se souvient d'avoir été son rival; avec quel plaisir on y suit l'histoire des études et des premiers travaux de l'auteur! Ajoutons que ces traités sur l'art oratoire sont, indépendamment de tout autre mérite, la source la plus abondante où nous puissions aujourd'hui chercher l'histoire littéraire de Rome et quelquefois de la Grèce; son traité même de l'Invention et ses livres à Hérennius, dont il parle avec quelque dédain dans son premier livre de l'Orateur, sont peutêtre ce qui nous fait le mieux connaître cette étonnante machine à improviser que le génie des Grecs avait inventée sous le nom de rhétorique. Les huit derniers chapitres du troisième livre nous donuent tout ce que nous savons sur la mnémonique des anciens.

C'est encore comme monumens historiques à la fois et comme modèles d'élocution que se recommandent ses ouvrages philosophiques. Cicéron n'est rien moins qu'un penseur consciencieux qui se replie sur lui-même, et cherche, par l'observation interne, à saisir la véritable nature de l'intelligence humaine et ce que l'homme peut savoir de sa destinée : c'est un curieux de philosophie, qui voit dans ces recherches une sorte de gymnastique pour la pensée, un moyen d'étendre ses idées et une matière de plus pour déployer l'inépuisable richesse de son style. Ce qui détermine sa préférence pour la philosophie de l'Académie, c'est d'abord l'absence de convictions profondes, c'est la liberté qu'elle donne à la discussion et qui permet de déployer toutes les ressources de l'esprit, c'est enfin qu'elle est la philosophie la plus éloquente. Cicéron

Une des parties les plus intéressantes des œuvres de Cicéron, c'est ce qui nous reste de ses lettres : ce sont les mémoires les plus curieux que nous puissions lire sur les événemens d'ailleurs si peu connus de cette grande époque; mémoires tracés par un admirable écrivain et par un homme mêlé à tous les mouvemens des dernières années de la république. Ce qui nous en reste est ordinairement partagé en quatre recueils: lettres à Brutus, dont l'authenticité est contestée; lettres à Atticus; lettres à Quintus son frère; lettres à divers correspondans. A côté des lettres de Cicérou, ce dernier recueil en contient un certain nombre qui lui sont adressées souvent par les premiers personnages de la république, César, Pompée, Caton, Brutus, Cassius, Antoine, Pollion, Plancus, Lepidus, Sulpicius, Marcellus, et une foule d'autres. Toutes ces lettres, marquées de caractères différens, nous démontrent, par l'aveuglement des uns, par l'indifférence ou l'égoïsme des autres, par les misères des provinces, c'est-à-dire du monde, par la corruption des mœurs et l'anarchie qui

régnait dans la capitale, la fatalité de ce le rapport de l'habileté politique, il serait dénouement que combat en vain la vertu | difficile de lui contester cet éloge que la fanatique de Caton et de Brutus, que | vérité arrachait à l'homme qui l'avait déplore l'amour-propre de Cicéron, et trahi: « C'était un grand citoyen, disait que subit avec quelque regret l'égoïsme Auguste, et qui aimait bien sa patrie.»> clairvoyant de Pollion. C'est là le grand Cependant Quintilien nous atteste que mérite des lettres ad diversos: elles nous beaucoup de lâches flatteurs, pour faire montrent une galerie de portraits, nous leur cour au pouvoir nouveau, s'attachèdonnent une foule de détails de mœurs rent à critiquer les ouvrages de Cicéron. publiques et privées, et commentent par Peut-être cette nouvelle école d'éloquence la peinture des hommes et de l'époque qu'il avait combattue si fortement penles faits même dont Cicéron n'a pas saisi dant sa vie, ces Attiques, à la tête desle caractère. Quels doivent être nos re- quels se trouvait, après la mort de Calgrets quand nous songeons que nous vus et de Brutus, Salluste son ennemi, avons perdu la partie la plus considéra- contribuèrent-ils à donner cette direcble de ce recueil; quand nous voyons tion aux esprits, et la lutte entre les deux citer par les grammairiens un troisième écoles conduisait à critiquer le maître. livre à Jules-César, un troisième à Oc- Peut-être l'esprit de parti ne fut-il pas tave, un huitième à Brutus, un neuvième étranger à cette injustice: les républicains à Hirtius, sans parler des lettres à Nepos et les césariens s'accordaient pour blåmer et à Calvus, qui devaient être si riches la conduite de Cicéron. Cependant, dès le en détails littéraires! temps d'Auguste, Cornelius Severus maudit la mémoire d'Antoine en rendant hommage au grand orateur qu'il a proscrit, et d'autres poètes déploraient sa mort comme réduisant au silence l'éloquence latine. Asconius Pedianus écrivait les savans commentaires dont il nous reste de précieux débris. Plus tard, l'admiration, plus libre, fut aussi générale que le permettent les aberrations inévitables du mauvais goût individuel. Velleius et Pline l'ancien s'interrompent au milieu de leurs livres pour saluer avec enthousiasme le nom de Cicéron. La rhétorique de Quintilien n'est qu'une longue étude de ses ouvrages. Son nom traverse le moyen-âge toujours honoré dans les écoles, et à la renaissance des lettres le culte rendu à son génie fut poussé jusqu'au fanatisme. Il faut reconnaître qu'aujour d'hui les hommages sont beaucoup moins vifs: beaucoup de ceux qui le jugent sur la parole de Fénélon ou de Rousseau enchérissent encore sur la sévérité de ce dernier. Rappelons toutefois qu'un des meilleurs juges en fait de style l'appelle, dans la Biographie universelle, le plus grand écrivain du monde entier.

Les lettres à Quintus sont particulièrement intéressantes par les conseils pleins de sagesse et d'honneur que Cicéron donne à son frère sur le gouvernement de sa province; et les faits attestent qu'il ne lui prescrivait rien qu'il ne pratiquât lui-même. Les lettres à Atticus nous font connaitre surtout le caractère de Cicéron. C'est une épreuve difficile, même pour un homme de bien, que cette publicité donnée aux confidences de l'amitié la plus intime; et Cicéron, dans ces lettres, fournit souvent des armes contre sa vanité, sa faiblesse et l'imprévoyance de sa politique. Ces lettres sont souvent fort obscures. Le peu de sûreté des moyens de communication, les allusions nombreuses à des entretiens plus intimes ou à des passages aujourd'hui perdus, d'auteurs anciens, probablement aussi, et même avant tout, l'extrême prudence d'Atticus,qui commandait plus de réserve à son correspondant, mêlent beaucoup d'énigmes à ces causeries, si attachantes quand Cicéron s'y laisse aller à toute la vivacité de ses impressions. Beaucoup de lettres annoncées comme devant contenir plus de détails ne se trouvent pas dans le recueil et paraissent avoir été supprimées avec toutes celles d'Atticus.

Au reste, quels que soient les reproches qu'on puisse faire à Cicéron, sous

pre

La collection complète des ouvrages de Cicéron a été imprimée pour la mière fois à Milan en 1498, 4 vol. in-fo. Cette édition fut reproduite en 1512. On note ensuite, comme indiquant au

dont nous avons déjà parlé. Revenu à Rome pendant l'exil de Cicéron, il exposa plusieurs fois sa vie, dans les luttes entre Clodius et les tribuns qui proposaient le rappel de son frère. En 699, il fut un des quinze lieutenans de Pompée, chargé de l'approvisionnement de Rome, et bientôt après lieutenant de César dans les Gaules et de son frère en Cilicie. Dans la guerre civile, il suivit ce dernier au camp de Pompée. Après la bataille de Pharsale, il s'excusa aux dépens de Cicéron, pour rentrer en grace auprès de César. Bientôt réconcilié avec son frère, il fut comme lui victime de la haine d'Antoine, et fut tué avec son fils. Il nous reste de lui un traité sur la candidature pour le consulat, et deux petites

tant d'ages différens, celle des Aldes, Venise, 1519-1523, 9 vol. in-8°, qui fut suivie par les éditeurs de Bâle, 1528 et 1534; celle des Juntes avec le commentaire de Vettori (Victorinus), 4 vol. in-fo, 1534: c'est celle qu'ont suivie dans leurs premières éditions Robert Etienne, 1538, et Gryphe, 1540; celle de Paul Manuce, 1540-1546, 9 vol., en y comprenant les ouvrages de rhétorique imprimés à part; celle de Lambin, Paris, 1566, 4 tom. en 2 vol. in-fo; celle de Gruter, Hambourg 1618,quia servi de base à celles de Gronove, Leyde, 1692, et de Verburg, Amsterd., 1724; celles d'Ernesti, particulièrement la 3o, Halle, 1774-77, avec les tables réunies sous le nom de Clavis Ciceroniana que M. Leclerc a beaucoup augmentées dans son édition, sans essayer de les complé-pièces formant une vingtaine de vers. Il ter entièrement; celle de Schutz, Leipzig, 1814-1823, 20 tom. in-8° formant 28 vol., où le texte est trop souvent dénaturé par l'inconcevable hardiesse de l'éditeur. Les 4 derniers tomes (7 vol.) contiennent un Lexicon Ciceronianum beaucoup plus étendu que la clé d'Ernesti.

Mais les nouveaux fragmens publiés postérieurement à tous ces travaux par M. Mai en 1814 et 1822, par M. Niebuhr en 1820, par M. Amédée Peyron en 1824, manquent à toutes ces éditions. La première qui ait été vraiment complète est celle de M. Leclerc (en lat. et en fr., 1821-25, 30 vol. in-8°, et 182327, 35 vol. in-18). Depuis, la collection de M. Lemaire et celles de M. Panckoucke ont également donné tout ce qui nous reste de Cicéron. Ils avaient été précédés par M. Amar, 1823-25, 18 vol. in-32. Plusieurs autres éditions ont paru depuis en Allemagne : il faut distinguer celle de M. Orelli, Zurich, 1826,5 vol. in-8°, à laquelle sont joints 2 vol., contenant les scholiastes de Cicéron.

Il nous reste à dire quelque chose des autres membres de la famille de Cicéron, qui portaient le même nom que lui. Son frère QUINTUs épousa Pomponia, sœur d'Atticus, dont le caractère acariâtre finit par amener un divorce; il obtint l'édilité et la préture. Au sortir de charge en 692, il fut envoyé en Asie où sa hauteur excita quelque mécontentement, et amena les lettres de Cicéron

paraît qu'il avait aussi publié des annales, et Cicéron cite dans ses lettres les noms de trois tragédies: Erigone, Électre, la Troade, que Quintus avait composées en quinze jours, avec une quatrième dont le titre nous est inconnu.

Son fils, nommé comme lui QUIntus, après avoir donné à son père et à son oncle de nombreux sujets de plainte, s'honora par la piété filiale qu'il montra dans ses derniers momens. Découvert par les satellites d'Antoine qui voulaient lui arracher le secret de la retraite de son père, il supporta les plus cruelles tortures; et quand ce malheureux père, instruit de sa persévérance, vint se présenter aux bourreaux, chacun d'eux implorant la faveur de mourir le premier, ces misérables, émus autant qu'ils étaient capables de l'être, les séparèrent et les frappèrent tous deux en même temps.

MARCUS, le fils de l'orateur, survécut seul à ces proscriptions. Il était né en 688 à Arpinum, et par conséquent il avait à peine 17 ans lors de la bataille de Pharsale où il assista. Cicéron parle souvent avec un ton de satisfaction de son caractère et de ses dispositions. Pendant son séjour à Athènes, sa dissipation, causée par les mauvais exemples du rhéteur Gorgias, donna quelques chagrins à son père; mais il rentra bientôt en grace avec lui et ne paraît pas lui avoir donné d'autres sujets de plainte. Brutus, qui lui confia un commandement dans son ar

et d'une bonne vue : on les supporte par nécessité ou par charité chrétienne.

Au sommet de la pyramide se dresse le cicerone en frac noir ou en petit col

ne le trouverez ni dans la rue, ni dans l'antichambre : il vient vous chercher dans votre salon; sans lui point de Rome, point de Pompéi. D'une politesse recherchée, il unit à la diction la plus élégante de bonnes manières, un peu obséquieuses, il est vrai, mais flatteuses au demeurant pour votre vanité. Digne élève de son patron, de l'orateur par excellence, il foudroie ses adversaires et ses rivaux avec un imperturbable aplomb: lui seul, il a restauré, remanié, refait le forum ; lui seul a confronté, avec une sagacité digne d'une adhésion universelle, les témoignages de tous les temps; lui seul a compris l'art difficile de donner un nom sans réplique aux statues mutilées, une destination aux murs en ruine, un sens aux bas-reliefs obscurs, aux caractères à demi effacés des vases étrusques. Sa réputation est européenne; il a servi de guide aux princes de tout étage, aux nobles de toute nation, aux poètes de toute langue. Six courses archéologiques avec lui vous donneront la science de Niebuhr et la perspicacité de Winckelmann. C'est l'espèce la plus perfide, la plus dangereuse et la plus chère. On n'ose les contredire, car ils ont la voix forte et le langage facile; on ne peut les renvoyer, car ils sont répandus; et on les paie en pièces d'or, car c'est la taxe.

mée, en parle à Cicéron avec beaucoup | de bienveillance. Après la mort de Brutus, il alla joindre Sextus Pompée, et ne rentra dans Rome qu'après la paix conclue entre ce dernier et les trium-let: celui-là est professeur ou abbé. Vous virs. Il y resta long-temps sans prendre part aux affaires publiques; Pline dit même qu'il s'y livra aux excès de la table. Nommé consul par Auguste après la rupture avec Antoine, il fut chargé en cette qualité de faire exécuter le décret qui ordonnait de détruire les monumens élevés en l'honneur d'Antoine. On le voit ensuite proconsul en Asie ou en Syrie. Le reste de sa vie et l'époque de sa mort sont totalement inconnus. Il nous reste de lui deux lettres adressées à Tiron. J. R. CICERONE. Lorsque dans une ville d'Italie vous descendez de voiture, vous êtes enveloppé sur-le-champ de mendians qui vous tendent la main et de laquais de place qui vous cornent aux oreilles : «< Monsieur veut-il voir les curiosités? » Quelquefois les laquais de place se font mendians; d'autres fois ces derniers usurpent l'office et le professorat des premiers: ce sont là des cicerone du plus bas étage. Quelques noms propres estropiés, la connaissance toute matérielle des rues et des églises, forment le bagage de leur érudition: blagueurs grotesques ou menteurs impudens, ils font rire; inoffensifs et serviles, ils supportent d'un air soumis jusqu'à la contradiction et aux injures des sots: c'est sans contredit la meilleure espèce. A un degré plus élevé se placent les cicerone attachés à une localité spéciale. Dans les musées et les monumens, ils s'incrustent dans le marbre et la pierre que vous regardez; dans les bibliothèques, ils s'incorporent avec le parchemin que vous feuilletez; perroquets à face humaine, ils répètent comme une litanie leur leçon monotone. Dates, anecdotes, termes techniques, entremêlés d'enthousiasme de commande et d'exclamations, ils ont tout appris; leur impitoyable faconde ne vous fera pas grace d'une syllabe; ils s'interposeraient entre vous et le soleil s'ils étaient chargés de vous l'expliquer. D'une incontestable utilité pour les myopes et les paresseux, ils sont le fléau des voyageurs doués de bon sens

[ocr errors]

En dehors de cette caste officielle, s'il vous arrive de rencontrer dans le coin d'un salon, d'une ruine ou d'une galerie, un homme à maintien modeste, qui ne vient pas à votre rencontre, mais qui ne vous évite point, un homme absorbé par une maîtresse du Titien, un bel architrave ou un buste antique, approchezvous de lui avec confiance! Des paroles rares échapperont d'abord à ses lèvres ; mais qu'il aperçoive dans vos yeux le rayon de cette admiration pure qu'il éprouve lui-même, alors son front se chargera de pensées, et sa bouche les transmettra sans prétention, sans emphase. Il vous dira avec calme les opinions de ses devanciers, avec une con

ques ou dans les campagnes : aussi affirme-t-on que cette coutume prit naiscommerçants et voyageurs, durent plus sance à Gênes, au XVIe siècle. Les Génois, un isolement d'autant plus sensible que d'une fois abandonner leurs femmes dans dans leur ville àrues étroites où se saient et les étrangers et les hommes du peuple, c'eût été à la fois chose inconvenante et hasardeuse pour elles que de sortir seules. Les maris, fatigués sans doute de plus d'une remontrance, de plus d'une prière, firent choix de quelque pauvre parent, ou d'un ecclésiastique, pour servir d'escorte à leurs femmes; mais bientôt l'abus sortit de cet usage, certes fort honnête et très légitime : ce qu'on avait admis dans le principe comme exception temporaire devint règle dominante; la mode en fit une loi. La cicisbéature se répandit bientôt dans toute l'Italie; les ecclésiastiques et les cousins appauvris cédèrent la place à des sigisbées de meilleure tournure, et la vanité féminine ne se trouvait satisfaite que lorsqu'elle pouvait s'attacher un homme aussi riche, aussi haut placé, aussi gracieux que possible. Pour ne pas encourir le ridicule, les maris cédèrent; d'ailleurs, en se faisant cavaliers servans d'une autre dame, ils rendaient la partie égale. Cette habitude, contraire à tous nos principes de morale, avait si bien passé dans les mœurs dans le contrat de mariage, seulement que très souvent on stipulait un cicisbeo pour se conformer à l'usage. Une femme sans cicisbeo ne jouissait d'aucune considération : c'était manquer de diamans et de parure.

viction ardente la sienne; il ne vous impose rien, il semble vous dire: Choisissez! Cet homme, attachez-vous à ses pas, faites-en votre ami : c'est le vrai ciceL. S. CICINDÈLES, genre d'insectes de l'ordre des coléoptères, section des pentamères, famille des carnassiers, tribu des cicindelettes. Ses caractères sont: abdomen en carré long; palpes maxillaires intérieures très distinctes, et les extérieures au moins aussi longues que les labiales; avant-dernier article des tarses entier. Ces insectes ont le plus souvent le corps orné de belles couleurs métalliques, tirant en général sur le vert. Leur tête est large, dépassant le corselet. On les rencontre dans les lieux arides et sablonneux, où ils cherchent leur proie; leur démarche est précipitée, leur vol court et rapide; lorsqu'on les saisit, ils exhalent souvent une odeur de rose. La larve d'une espèce, la cicindèle hybride, a été étudiée avec beaucoup de soin: elle se creuse, au moyen de ses pattes et de ses mandibules, une fosse perpendiculaire de près de huit pouces de profondeur. Elle enlève les déblais occasionnés par une telle fouille au moyen de sa tête, dont elle se sert en manière de hotte. Aussitôt que l'habitation est formée, cette larve place sa large tête comme une bascule à l'ouverture de la fosse, et dès qu'un malheureux insecte vient à passer sur ce pont perfide, elle baisse la tête, fait une culbute, et précipite sa proie au fond de son trou. La larve de la cicindèle champêtre, commune dans presque toute l'Europe, a des moeurs à peu près semblables. C. L-R. CICISBEO, ou cavaliere servente. La bizarre institution de la cicisbéature s'est formée de deux élémens, la galanterie chevaleresque et les formes adoptées par la société moderne. Au moyen-âge, on défendait sa dame les armes à la main; dans des temps plus rapprochés des nôtres, on ne pouvait faire preuve de dévouement qu'en la protégeant au milieu d'une foule, au théâtre, à la promenade. Le sigisbée, ou cavalier servant, est le produit de la civilisation et des grandes villes; ce serait une espèce absurde dans les âges héroï

[graphic]

fondamentales ainsi posées, on trouveL'institution ainsi définie, les règles rait d'infinies variétés en descendant dans les détails. Tantôt la cicisbéature ne devait commencer qu'un an après le mariage, tantôt après les premières couches; jusque là une jeune épouse s'appelait novice. D'autres fois plusieurs cavaliers servans se partageaient les devoirs. Car ce n'était pas une sinécure, au moins, que cet emploi! et le voile poétique que les romanciers ont jeté sur de pareilles liaisons était pur mensonge et fiction. Un assujétissement pénible et ennuyeux en formait la base, sans que les faveurs

« PreviousContinue »