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les fausses assertions de ces désorganisateurs, afin de détruire ou d'atténuer au moins l'effet de leur venin.

On voit que ces hommes tendent à exciter de la méfiance contre les hommes les plus précieux de la Convention nationale, à faire naître des inquiétudes, à amener la fureur, et à profiter de tel ou tel degré d'intensité de cette fureur, pour arriver à leur but.

L'évidence de ce parti m'a paru fondée sur ce qu'après avoir vaincu plusieurs de ces agens dans différens groupes, ils s'en allaient aussitôt en créer un autre hors de mon atmosphère; et dès qu'ils me voyaient approcher, ils diminuaient l'outrance de leur thèse.

Le moyen de les vaincre consiste à se trouver là sans aucune apparence de partialité, et à parler paisiblement sur tout. Afin d'éviter ce violent froissement d'idées qui décèle ou fait soupçonner l'esprit de parti, il suffit de prier le parleur d'articuler quelques faits propres à éclairer la religion des citoyens, pour qu'ils cherchent à former un autre groupe dont l'ignorance lui présage un meilleur succès.

Ces apôtres d'une nouvelle sédition sont accouplés à ces sabreurs du 2 septembre, que je compare à des tigres oisifs qui lèchent en murmurant leurs griffes pour y découvrir encore quelques gouttes du sang qu'ils viennent de verser en attendant le nouveau. Ces hommes sont plus faciles à ramener que les déclamateurs; il suffit d'apaiser leur estomac.

La pétition en question ne put avoir lieu hier par un contretemps incalculable. J'en vis l'auteur qui m'en parut affligé, mais qui espère sur dimanche prochain; et dans ce cas, il faudra que cette pétition prenne le langage du jour; j'y ferai attention.

D'après mes recherches, il m'a paru évident que Danton, appuyé des moyens pécuniaires du caméléon Dumourier, soutenait seul ce grand mouvement à l'aide d'écrivains d'un patriotisme aussi fanatique qu'impétueux, à l'aide de ces exécuteurs du 2 septembre, et enfin à l'aide de la stupide crédulité ou du cœur

gangrené de tous ces hommes devenus importans par ces nominations brusques, soit à la ville, soit dans les sections, soit enfin dans les départemens, en qualité de commissaires de la part de la coterie Danton: à ces hommes se trouvent toujours accolés tous les aristocrates, les commissaires de la ville ou des sections actuellement inquiets pour leur compte à rendre, les députés jaloux de ne pas dominer dans tel ou tel comité, ceux du comité de surveillance de la ville, qui ont signé des mandats d'amener, et qui craignent l'œil du public dans une menée si obscure; enfin tous ceux qui vivent de ce mouvement, et qui attendent leur bonheur de son succès.

Il m'arriva hier de découvrir enfin, par l'exécuteur même de ces mandats d'amener, que tandis que Roland aurait été amené, on aurait fait la visite de ses papiers pour y découvrir quelques relations secrètes avec Brissot; mais la suite de la conversation me fit voir évidemment que c'était plus particulièrement à Roland que l'on en voulait, à cause de son influence dans la Convention pour le choix de ses collègues, à cause du crédit que son génie et ses vertus lui donnaient dans les départemens, et en général à cause du pouvoir qu'il avait acquis sur l'esprit d'un monde dont la religion morale s'élevait trop au-dessus de l'atteinte des cabaleurs plus rusés qu'instruits, et dont l'espoir ne peut être placé que dans une petite Saint-Barthélemi, ou au moins dans le succès d'une crise un peu hardie.

Je vois avec consolation qu'en soutenant mon fil d'observations pour déjouer à propos, et en éclairant l'esprit des justes, ces malheureux clabaudeurs à trois livres par jour sont de plus en plus déroutés. J'ai maintenant affaire à leurs limiers: c'est une secte facile à combattre par la raison, parce que ce sont des hommes qui ont eu le malheur de se croire auteurs ou philosophes avant d'avoir réfléchi; ce ne sont que des outres remplies d'air que la raison froisse aisément.

T. XXVII.

6

Copie d'une lettre adressée à la citoyenne Roland, sans signature: cette lettre est du citoyen Gadol.

Le dimanche 21 octobre 1792.

Rien de plus juste que les motifs de la concitoyenne en faveur de la garde départementale; mais il est impossible de toucher à une corde aussi délicate dans cet instant-ci. Les agitateurs qui craignent cette garde, en ont investi l'existence d'une teinte si monstrueuse, qu'il serait grossièrement impolitique d'en parler dans l'assemblée. Cette garde aura lieu; l'impression de son horreur diminue, et les bons esprits commencent à en sentir la plausibilité. Dès que l'on verra le moment favorable, on le saisira; et, dans tous les cas, je me chargerai, s'il le faut, soit d'en faire la pétition, soit d'écrire en faveur de cette garde : des principes en appuient la nécessité; et la négligence de la garde de Paris justifie surtout cette nécessité. Cela viendra: je me suis simplement efforcé de faire changer quelques idées hétérogènes à la circonstance, pour y en substituer de plus conformes. L'homme à la pétition n'est pas encore assez convaincu de la vérité qui sollicite cette garde je dispose son imagination à la sentir; et si j'y réussis, il s'environnera de tous les influens de son faubourg: j'y ajouterai les miens; et dans l'intervalle, je livrerai progressivement à la discussion des oisifs quelques idées claires en faveur de cet établissement. L'hydre baisse la tête, mais il s'impatiente de la relever. Laissons-le donc s'étouffer sous le manteau de son hypocrisie. Quand les corps administratifs seront organisés, et que l'anarchie s'effraiera, la raison fera tout ce qu'elle voudra. Le peuple veut le bien; il est seulement malheureux qu'il se trompe sur le moyen d'y parvenir.

J'ai cru entrevoir un pressant à-propos pour faire accepter 50 francs à cet homme: son besoin a prévalu sur une délicatesse qui m'a fait plaisir. Je crois qu'il serait sage de lui donner plus souvent, et moins à la fois : il vit dans un généreux abandon de

ses affaires domestiques, afin de n'obéir qu'à son penchant oratoire, qui dégénérera en folie dès que la vérité toute nue dédaignera le costume des phrases. Les hommes ne tarderont point à parler, et les singes se tairont sous peu.

La raison pour laquelle je lui ai fait accepter les 50 liv. était fondée sur ce qu'il aurait besoin d'offrir quelques verres de vin à ses acolytes du faubourg, dans la crainte qu'ils ne tombassent dans l'assoupissement moral, faute d'un entregent bachique. Cet homme est, dans tous les cas, d'une grande utilité par son influence, et il est respectable par la pureté de ses intentions. Ne basardez jamais de lui proposer l'entreprise d'une démarche qu'il n'aurait pas sentie, en lui laisant entrevoir un sort à la suite de son succès. M.................... lui ayant fait sentir le besoin de cette garde, lui avait, je crois, présagé qu'il y aurait du commandement; eh bien! il a mal vu cet alléchement. Il s'ouvre entièrement à moi. Il en est de même de ce sapeur à large sabre, qui est concierge du Temple; enfin tout mon monde ne voit en moi qu'un ardent patriote, qui caresse et choie les défenseurs de la patrie, qui fait amitié à leurs enfans, et qui devine leurs besoins, leur prête, ou donne à l'enfant de quoi acheter un beau joujou, bien persuadé que le ménage en tirera un autre parti. Cela me procure des camarades respectueux et très-dévoués. Je vous préviens de tout evi, afin qu'aucune clarté ne vous échappe au sujet de ma tâche

J'amènerai Peuchon et les autres en faveur de la garde : je connais les issues de leur intelligence. Allons doucement.

Ne serait-il pas à propos de faire traduire en espagnol quelques écrits patriotiques, et de les envoyer prêcher la liberté dans ce pays d'esclavage, à l'aide des contrebandiers qui pullulent sur les limites des deux royaumes? Je m'en vais combattre autour de l'assemblée la horde désorganisatrice qui ne manquera pas de s'élever contre la pétition. La plupart sont des ex-commissaires revenus des départemens; je ne sais dans quelle intention on a choisi de pareils forcenés pour aller prêcher la paix dans la Ré

publique. Je frémis; ou leurs chefs étaient des scélérats ou des ignorans fanatiques. Oh! l'horreur! Que dira l'histoire ? Bonjour, loyale concitoyenne: soyez tranquille; ça va.

Copie d'une lettre écrite par Gadol à la citoyenne Roland.

La journée d'hier fut très-orageuse : les partisans de Marat et les désorganisateurs essayèrent de mettre le feu et la flamme dans les faibles esprits que le dimanche faisait abonder autour de la salle. Nous avons suffoqué tout ce que nous avons pu, et la raison n'a pas été domptée. Il est heureux qu'on n'ait pas agité l'affaire du corps armé, car il s'en serait suivi un trouble fâcheux.

L'homme à la pétition, désespérant d'être admis à la barre, et s'étant fourré en tête que le parti Brissot entravait son admission, sortit plein d'une fureur écumante; il me trouve beureusement le premier: il me saisit; il s'exclame d'une manière effrayante contre ceux qu'il avait à défendre. Tous les partis sont ou criminels ou maladroits à ses yeux; il voit sa patrie perdue et moi, je vois un fou difficile à calmer; enfin, après quelques verres d'eau, il reprend ses sens, retourne à l'assemblée sur ma parole; il y est admis, et il en sort satisfait. Je vais l'aller voir ce matin.

Ne serait-il pas possible de soustraire l'assemblée à l'influence des tribunes, toujours composées de deux tiers de têtes salpêtrées? Il me semble n'y voir que des membres exaltés des sociétés fraternelles, jacobines, etc. C'est une masse de combustibles à la disposition des agitateurs adroits; aucune force armée ne lui en imposerait; le martyre semble être son vœu : que chacun rêve à un moyen; voici déjà le mien :

1° Qu'il soit distribué dans toutes les sections un nombre égal de cartes d'entrée; que ces cartes soient ensuite réparties par tour égal, à tous les citoyens, sauf par eux à y venir, ou à les donner à leur voisin qui désire y aller. Cette marche serait juste et sans réclamation fondée; elle rendrait toute coalition difficile, par le défaut de connaissance entre les arrivans à la tribune.

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