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trouble et la division. Seraient-ils si hardis et si entreprenans, les ennemis de la patrie, s'ils n'avaient point d'intelligences secrètes jusqu'au sein de la Convention?

On vous a dit, et les trompettes de la renommée vous ont appris qu'il y avait autour des Tuileries des gens stipendiés, qui répandaient l'argent pour corrompre et retenir en captivité les membres de la Convention; un fait malicieusement interprété, donna lieu à cette calomnie. Un bataillon, partant pour la Vendée, et qu'on avait retenu, reçut, à cette époque, sa solde ordinaire; c'est ainsi que les méchans dénaturent les meilleures actions; ce sont des harpies qui infectent tout ce qu'elles touchent. Pourquoi ne vous a-t-on pas dit que l'Assemblée entière était sortie de la salle, qu'elle avait parcouru librement le Carrousel et les Tuileries, et que partout on n'entendait que les cris d'un peuple immense, et de cent mille hommes armés, qui répétaient sans cesse : vive la République! vivent les députés patriotes!

Citoyens, défiez-vous du tableau infidèle et défiguré que des malveillans pourront vous tracer de Paris. Si cette ville s'est montrée digne de la reconnaissance de toute la République, c'est vous particulièrement qui avez ressenti l'influence de ses bienfaits. Souvenez-vous que c'est de sa commune que partit, en 1790, la motion qui fit suspendre le tribunal sanguinaire de la prévôté du Limosin; de ce tribual qui, après avoir égorgé deux cultivateurs innocens, allait s'abreuver du sang d'un millier de nouvelles victimes. Alors, comme aujourd'hui, vos ennemis criaient contre cette commune; ils lui faisaient un crime de l'intérêt qu'elle vous avait témoigné ; pourquoi Paris, disaient-ils, se mêle-t-il de nos affaires? De quel droit veut-il influencer la Convention et diriger notre conduite? J'ai connu cette affaire, citoyens ; les circonstances qui l'avaient précédée m'avaient vivement affecté; je fus attendri sur le sort des malheureux cultivateurs, et j'ai la douce satisfaction de ne leur avoir pas été inutile.

Souvenez-vous, Citoyens, que c'est la commune de Paris qui a sollicité le décret qui fixe le maximum du prix du grain pour tout le sol de la République ; que c'est elle qui a demandé que le

T. XXVIII.

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maximum du prix du pain fût toujours fixé à trois sous la livre; et observez que cette ville s'occupait plus des départemens que d'elle, puisque, située au milieu des grandes cultures, elle ne peut jamais être sujette à ces variations qui portent le prix du pain et du blé à un prix exorbitant.

Souvenez-vous, Citoyens, que cette commune a provoqué l'emprunt forcé d'un milliard sur les riches, pour diminuer la masse des assignats, et faire cesser, par là, une grande partie de l'agiotage et de l'accaparement; souvenez-vous que c'est elle qui a demandé l'impôt progressif, et que toutes ces mesures tournent au profit du pauvre; ne perdez jamais de vue, que la fixation du prix du grain et du pain, que l'emprunt forcé, que l'impôt progressif, blessent si fort les favoris de la fortune, qu'ils s'agitent en tous sens pour exciter des troubles et des divisions. Citoyens, ne vous laissez pas prendre aux piéges qu'on pourrait vous tendre, pour vous porter à mettre obstacle à l'exécution de ces décrets bienfaisans.

Ne croyez jamais, Citoyens, que Paris ne veuille pas fraterniser avec vous et avec tous les départemens; on aurait beau armer tous les volontaires de la France contre cette cité; les Parisiens iront toujours au devant de leurs frères, en portant à la main la branche d'olivier. Ne craignez pas de choc entre eux et les Bordelais, les Marseillais et les Brestois; qu'ils viennent, tous les guerriers de la République ! qu'ils viennent! Paris n'en acquerra qu'une nouvelle force; les Parisiens, ces héros de la liberté, s'empresseront de recevoir leurs dignes émules; ils se montreront tels qu'ils sont; le masque des intrigans sera arraché; la honte et le mépris seront leur récompense.

N'oubliez pas, citoyens, que ce sont les Parisiens qui forcèrent Lafayette à demander la fédération du 14 juillet 1790; que ce sont eux qui demandèrent à l'assemblée législative un camp près de Paris, composé de volontaires pris dans tous les départemens; que ce sont eux, enfin, qui ont demandé et obtenu la fédération générale de la République pour le 10 août prochain. Et vous, braves guerriers, vous qui serez députés à cette cérémonie ci

vique, recevez d'avance mes félicitations, car vous n'aurez jamais éprouvé une plus douce jouissance; ce sera dans cette solennité que vous fortifierez les liens de la fraternité; et c'est alors que des frères si long-temps calomniés acquerront de nouveaux droits à votre estime et à votre amitié.

Citoyens, la justice que je rends aux Parisiens ne doit pas vous être suspecte; jamais ils n'ont rien fait pour moi; je n'attends ni ne veux rien d'eux; je suis né parmi vous ; je veux y vivre et y mourir ; mais je dois à eux et à vous ces dernières paroles : il en est des corps politiques comme des corps physiques; Paris est le cœur de la République; les blessures faites au cœur sont toujours mortelles, et tout le corps périt à l'instant.

Tout à vous.

Signé, BRIVAL.

Paris, cc 9 juin 1793, l'an 2o de la République.

N B. Depuis le décret du 2 de ce mois, la Convention nation a leaplus fait qu'elle n'avait fait depuis trois mois, et tous les décrets qu'elle a rendus depuis cette époque sont salutaires au peuple. Hier, elle a décrété que tout citoyen qui ne jouira, par son travail, que de l'absolu nécessaire, ne paiera à l'avenir aucune espèce d'impôt; demain, on discutera la Constitution, et, sous quinze jours, le peuple frençais pourra la juger.

RAPPORT

FAIT PAR LE CITOYEN BRIVAL,

AU NOM DU COMITÉ DE SURETÉ GÉNÉRALE,

RELATIVEMENT AUX PAPIERS TROUVÉS CHEZ LE CITOYEN
ROLAND, ET INVENTORIÉS PAR LES COMMISSAIRES

DE LA CONVENTION.

Citoyens, des inculpations graves se manifestent de toutes parts contre l'ex-ministre Roland: on l'a accusé d'avoir voulu corrompre l'esprit public, tandis que ses affidés soutenaient qu'il s'occupait utilement à répandre la lumière et à propager l'in

struction.

C'est dans ces circonstances que la Convention nationale, acquiescant aux demandes qui lui étaient faites depuis long-temps, a cru utile de faire inspecter les papiers de l'ex-ministre, déjà suffisamment averti, par la publicité de ces demandes, à ne présenter à nos recherches que ce qu'il croirait ne pas pouvoir justifier les soupçons élevés contre lui.

Mais quelque temps qu'il ait eu pour se préparer à cette inspection, quelque soin qu'il ait mis à prendre toutes les précautions que son intérêt lui suggérait, il est resté parmi ces papiers des traces qui nous paraissent indiquer qu'il a existé un complot pour corrompre l'esprit public.

Ce n'est pas en transmettant des opinions au peuple, que nous remplissons le devoir qui nous est imposé de l'éclairer c'est au contraire en ne lui dissimulant rien; c'est en mettant sous ses yeux tous les faits desquels il doit lui-même tirer les conséquences, que nous faisons connaître son désir et sa volonté.

On retarderait l'affermissement de la liberté, si on se conduisait, dans le moment présent, comme les gens de cour se conduisent avec les tyrans. Fasciner les yeux du peuple pour le tromper; l'aveugler, l'enivrer pour le conduire; le corrompre, le dégrader jusqu'à l'avilissement pour l'enchaîner; ce serait exercer la plus cruelle de toutes les tyrannies.

Si telle a été la conduite de Roland, le moindre reproche qu'on puisse lui faire, c'est d'avoir voulu exercer un odieux monopole sur l'esprit public. Si uniquement occupé de se faire passer pour un homme essentiellement nécessaire à la chose publique, il n'a employé que les intrigues les plus basses, les agens les plus vils et les moyens les plus perfides; il doit être montré à la nation tel qu'il est : s'il n'a été que trompé par ses suppôts, tout doit être rejeté sur eux, et on ne peut blâmer que son imprévoyance ou sa faiblesse.

Tâchons d'éclairer le peuple et de le préserver à jamais des manœuvres de tous les imposteurs. C'est dans cette vue, Citoyens, que votre comité de sûreté générale, après avoir fait imprimer toutes les pièces qui peuvent répandre quelques lumières sur cette affaire, m'a chargé de vous faire part de ces observations, qui ne seront pas longues.

Neuf lettres non-signées, écrites par Gadol, chargé par Roland ou par son épouse de propager l'esprit public, indiquent ce que Roland entendait par l'esprit public qu'il voulait propager aux dépens de la chose publique.

L'auteur de ces lettres s'y peint lui-même comme chef d'une bande salariée : ce chef, l'un des principaux agens du ministre, n'était occupé qu'à lui faire des partisans ; ce n'est pas l'amour de la liberté qu'il a prêché, ce ne sont pas les principes d'égalité qu'il veut répandre, mais la foi au patriarche c'est ainsi qu'il nomme Roland.

Les idées politiques que, sous les auspices de l'ex-ministre, ce correspondant cherchait à répandre, paraissent n'avoir d'autre but que de le perpétuer dans le ministère; aussi annonce-t-il qu'il a prouvé que si la Convention nationale nomme les minis

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