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main du peuple, qu'il écrasera ensuite comme un vil instrument, veut écraser aujourd'hui tous ceux qui, sans flatter le peuple, cherchent à fonder sa félicité sur de bonnes lois, sur un gouvernement libre et juste.

Voilà ma profession dans ce moment de crise; elle est, j'ose le dire, celle d'un homme qui ne craint rien, parce qu'il n'a aucun reproche à se faire; d'un homme qui a pu quelquefois se tromper, mais dont les erreurs trouveraient leur excuse dans son ardent amour pour la liberté, dans sa haine implacable pour tout ce qui portait les livrées de la tyrannie; d'un homme qui, sans fortune, est aussi sans ambition; d'un homme qui n'a jamais éprouvé qu'un regret, celui de n'avoir pas reçu de la nature des talens proportionnés au zèle qui l'enflamme pour sa patrie; d'un homme qui a la perfidie (1) de croire qu'il faut, même en temps de révolution, des preuves pour condamner son semblable; d'un

(1) Ce mot pourrait n'être pas entendu de tout le monde, je dois l'expliquer, et c'est en rapportant les détails consignés dans plusieurs journaux d'une séance du conseil-général de la Commune de Paris, du 5 juin.

« Le président donne lecture d'une lettre du comité de salut public, qui annonce que, puisque la Commune de Paris ne fournit pas les preuves qui doi» vent servir de base à l'acte d'accusation contre les membres dénoncés, il va in» cessamment faire son rapport. » ( Plus de quinze jours sont passés, et le rapport n'est pas fait, quoique les preuves ne soient pas fournies.)

<t« Un membre observe que ce n'est pas à la Convention, mais au peuple « ( au » peuple de Paris apparemment,) » à juger les membres dénoncés.

>> Lubin trouve fort surprenant que le comité de salut public demande des > chefs d'accusation contre les députés perfides, il faut être aveugle ou fourbe pour ne pas connaitre leur crime...

» Le comité central révolutionnaire prévient le conseil que demain on s'occu● pera de la compulsation des journaux de Gorsas et de Brissot, afin d'en recueil» lir leurs opinions liberticides, et dresser contre eux l'acte d'accusation ; il ob» serve que ce travail exige beaucoup de temps. (Il en résulte que les membres ont été dénoncés, arrêtés même avant que les preuves et les faits aient été recueillis; il en résulte aussi que ce n'est pas sur des faits qu'ils ont été dénoncés, mais sur leurs opinions. Et M. Hébert criait à l'oppression, parce qu'il avait élé arrêté prêchant dans ses feuilles le meurtre et la violation de tous les droits.)

Chaumette : « On vous demande des preuves, c'est encore une perfidie. » A » Orléans, on a donné quelques coups de bâton à un député à la Convention « ́(ici, c'est M. Léonard Bourdon que je charge de remercier Chaumette). « Qu'aton fait? on a déclaré cette ville en état de rébellion. Eh bien ! les membres

» dénoncés par le peuple ont assassiné la patrie (ce fait est encore à prouver; on 1 regarde toujours comme constant ce qui est en question), déclarez-les donc en

homme qui, connaissant toute la force qu'il faut attacher au mot de révolution, ose dire qu'il est affreux d'appeler de ce nom, une révolte contre la première, contre la plus sainte des autorités; qui ne voit de révolution que dans la volonté exprimée par un peuple tout entier de changer la forme de son gouvernement; d'un homme qui a assez étudié l'esprit du peuple pour attester en son nom qu'ayant adopté le gouvernement républicain, comme le seul qui puisse garantir sa liberté, il n'en veut pas changer, attend et presse de tous ses voeux la constitution qui doit organiser ce gouvernement, et saura punir ceux qui y mettraient obstacle, ou voudraient le forcer à en recevoir une contraire à ses droits, contraire au serment d'être libre et d'exterminer les tyrans, quel que soit le nom dont ils se décorent, quel que soit le masque ou la forme qu'ils empruntent.

Ces hommes-là existent à Paris, il faut le dire, et ce sont ceux

» état de rébellion contre la France. » (Ici, il n'y a plus d'équivoque, c'est bien la Commune de Paris qui va déclarer en état de rébellion, et la Commune de Paris ne se croit pas supérieure à toutes les communes de la République, à la représentation nationale elle-même.)

Je conclus, continue Chaumette, par demander que, puisque le comité révolutionnaire ne peut parvenir à rédiger un travail utile ou qui ne servirait au moins qu'à vous conduire vous-mèmes à l'échafaud, « (je prie M. Chaumette de nous expliquer cette phrase, elle n'est cependant pas inintelligible, et contient un aveu qu'on se serait difficilement flatté d'obtenir), «< il soit formé une commiş.. › mission dans le sein du conseil, non pas pour rédiger un acte d'accusation, » mais pour présenter au comité de salut public les plaintes du peuple.

» Pour moi, si on le veut, je parcourrai les groupes avec du papier et un crayon à la main, et je recueillerai avec soin » ( oui, monsieur Chaumette, on est bien sûr du soin et des précautions que vous y apporterez, mais l'écriture au crayon est sujette à s'effacer) « les griefs énoncés par le peuple contre les traîtres.» Adopté.

M. Chaumette connaît bien les groupes et l'esprit qui les anime, il les a formés, et ses savantes instructions, ainsi que celles de MM. Hébert et Varlet, ne laissent rien à désirer. Mais M. Chaumette observera que le peuple n'est pas dans les groupes, qu'il n'est pas dans les habitans de Paris, qu'il n'est pas dans les habitans de tel ou tel département; que dans les groupes, que dans les habitans de Paris, que dans les habitans de chaque département, je ne vois que des citoyens ; que, suivant moi, le peuple est la masse entière des individus qui composent la République, et que, voir le peuple dans les collections particulières d'hommes, c'est fédéraliser la République en criant au fédéralisme. Mais telle est la manière de ces messieurs, ils blasphèment contre la souveraineté du peuple et punissent ans les autres les crimes qu'ils ont commis.

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là même qui, se targant de je ne sais quelle initiative d'insurrection, ont espéré peut-être, en caressant les uns, en imprimant aux autres cette terreur dont l'homme le plus courageux n'est pas toujours exempt, en atterrant par des arrestations multipliées à un point effrayant, ceux qu'ils n'espéraient ni de gagner, ni d'intimider, se sont flattés d'entraîner sous leur bannière liberticide tous les citoyens de Paris, et de communiquer à toutes les parties de la république, ces mouvemens qui, à d'autres époques, ont garanti la conquête de la liberté et qui en assureraient aujourd'hui la perte inévitable. Insensés! entraînés par l'esprit de vertige, ils ne voient pas que le peuple qui a applaudi à la ruine des tours menaçantes du despotisme, qui a applaudi à la chute d'un trône, dernier abri de la tyrannie, se demandera s'il existait encore une Bastille à renverser, un trône à foudroyer, et éclairé enfin sur le bord du précipice, y fera tomber ceux qui l'ont creusé.

Il en est temps encore, citoyens généreux de Paris, le crime triomphe; mais son triomphe sera court; d'éclatans revers menacent ceux que n'effraie peut-être pas la lente, mais sûre vengeance de nos départemens; c'est vous qui avez conquis la liberté, c'est à vous à la défendre. Ne permettez pas que des forcenés agitateurs vous ravissent une gloire que ne vous dérobera ni le siècle, ni la postérité; opprimés vous-mêmes, rougissez donc d'avoir pu être un instant les instrumens de l'oppression qu'on prépare à la République ; brisez, brisez avec courage les liens honteux qui vous enchaînent; qu'une lâche apathie, qu'un honteux égoïsme ne vous laissent pas plus long-temps endormis sur le volcan prêt à s'embraser.

Venez vous-même à la Convention, y demander la justice que nos départemens ont droit d'attendre, que peut-être ils attendent aussi de vos vertus, des sentimens fraternels que vous leur avez montrés.

Venez, par des mesures énergiques et imposantes, sauver la patrie des malheurs que lui prépareraient des moyens timides et pusillanimes.

Venez dire à la Convention : « On vous a, en notre nom, dénoncé des législateurs, on les a donc crus coupables; mais il fallait à côté de la dénonciation placer et les faits et les preuves.

La force vous a arraché un décret qui les prive de leur liberté. Ce décret a violé la représentation nationale, s'il n'a pas été précédé d'un examen réfléchi. Rompez les liens qui les retiennent, rétablissez l'intégrité de la représentation.

› La dénonciation restera, vous la peserez, vous apprécierez les faits, vous entendrez les preuves; elles doivent être prêtes : tout dénonciateur est coupable, s'il ne les présente à l'instant même, si après avoir porté un coup funeste, il hésite ou tarde à le justifier.

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» Ne différez pas, proclamez l'innocence de ceux qui sont injustement accusés; traînez devant les tribunaux ceux dont le crime vous paraîtra démontré, et les départemens applaudiront; les traîtres remplacés par des hommes purs laisseront intacte une réputation que rien ne peut altérer.

› Dites: Un crime a été commis; nous aussi, nous avons été outragés par l'outrage fait au peuple entier : il lui faut une vengeance, et nous la demandons. Qu'à l'instant même un décret d'accusation frappe, et ce chef audacieux qui a méconnu la représentation nationale, qui a osé la menacer d'une main parricide, et les coupables artisans des détestables complots, des horribles attentats qui ont pu souiller un instant le berceau de la liberté. Qu'un châtiment prompt et éclatant apprenne à la République que si Paris renferme des traîtres, Paris sait les punir.

Que la liberté ébranlée sur sa base immortelle s'y raffermisse pour jamais; qu'ils disparaissent, ces comités inquisitoriaux, anarchiques, que la loi n'a point créés, et qui, sous le nom de comités révolutionnaires, sont devenus les instrumens de toutes les haines et de tous les passions.

» Qu'elles s'organisent enfin, et dans le plus court délai, ces autorités tutélaires des citoyens, conservatrices de nos droits, et sans lesquelles la liberté est détruite.

› Que le secret des lettres soit gardé avec ce respect religieux que commande le bonheur de la société.

Que la presse reprenne cette liberté qu'elle n'aurait jamais dû perdre.

Oui, Parisiens, voilà le langage que chacun de vous tient en particulier, que réunis dans vos sections, vous tiendrez en commun, que vous apporterez à la Convention : j'en ai pour garant, et vos vertus civiques, et votre attachement à la gloire et à la prospérité de la République.

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