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et à qui nous devons attribuer en grande partie les maux qui

nous désolent.....

Un membre.

Propose donc des moyens. >

Robespierre. Des moyens! quel est l'homme assez hardi pour soutenir que ce ne sont point là des moyens? Les agens de la faction anglaise se fourrent jusque dans les sociétés les plus pures. Leur nouveau système est d'atténuer le mérite des propositions, et de décourager le peuple, en lui persuadant que son salut est devenu impossible. Je les accuse de tourner en dérision les moyens simples, présentés par les amis de la liberté, pour sauver la patrie, et de servir puissamment par cette conduite les desseins criminels des rois sur notre liberté.

› Ce n'est point assez de déclarer la guerre à Georges, et à tous ces hommes qu'on appelle potentats: si l'on n'y comprend leurs complices, si l'on n'enchaîne les hommes qu'ils paient pour favoriser leurs projets, la République ne sera pas sauvée.

Ce sont les journalistes, ces hommes qui consacrent leur existence à calomnier le peuple et les patriotes, à empoisonner l'esprit public, dont la plume mercenaire et assassine distille tous les jours le poison le plus séducteur.

› Ce sont ces hommes d'autant plus dangereux, qu'ils se parent quelquefois du masque d'un patriotisme outré, qu'il faut punir, dont il faut arrêter les entreprises criminelles.

> Je résume mes propositions :

> Destituer les généraux, et empêcher les intrigans et leurs cidevant courtisans de les remplacer.

› Substituer aux administrations actuelles des hommes honnêtes, qui, avant même le talent de gérer, aient le désir de sauver la chose publique.

» Tomber sur tous ces journalistes odieux, dont chaque trait de plume est un crime à ajouter aux autres, et dont l'existence devient tous les jours plus pernicieuse à la société.

› J'appelle à mon secours tous les citoyens zélés pour le bonheur de leur patrie, et je m'engage, aidé du génie de la liberté et de l'énergie des citoyens, à confondre tous ces lâches calomnia

T. XXVIII.

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teurs, et à faire triompher à la fois et la vérité et le patrio

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tisme. > Robespierre invita ensuite Royer à rédiger une adresse aux quarante-huit sections, afin qu'elles envoyassent des commissaires aux Jacobins pour y concerter avec la société, les commissaires nommés par la Convention, et les fédérés, les mesures les plus propres à opérer la grande crise qui devait enfin sauver l'état. Bourdon prit alors la parole: « Je propose, dit-il, d'envoyer sur-le-champ vers le maire pour le prier de faire battre le rappel demain, à six heures du matin, dans toutes les sections de la ville, pour engager les citoyens, les bons patriotes, à se rendre aux Jacobins pour y organiser aussitôt les mesures convenues et les moyens d'expédition. En outre, j'engage chacun des citoyens qui sont dans la salle ou dans les tribunes, à faire auprès de leurs sections respectives, l'annonce dont il est question, en les invitant, au nom de la société, à y envoyer une députation de quarante huit membres. La société se sépara dans cette intention. (Le Républicain français, n. CCLXXIV.) Cette grande assemblée eut lieu le vendredi matin 16 août ; il fut rédigée l'adresse suivante portée immédiatement à la barre de la Convention.

Y

Les envoyés du peuple français, réunis aux commissaires des quarante-huit sections de Paris, à la Convention nationale.

› Citoyens législateurs, les envoyés du peuple français paraissent encore au milieu de vous, attirés par le grand intérêt de sauver la République. Vous à qui le sort de la liberté fut confié, élevez-vous à la hauteur des grandes destinées de la France. Le peuple français est lui-même au-dessus des dangers qui l'assiégent. Nous avions indiqué la mesure sublime d'un appel général au peuple, vous avez seulement requis la première classe. Ainsi, cette grande mesure a été convertie en un simple recrutement, qui augmente nos forces, à la vérité, mais qui laisse aux tyrans la possibilité de nous dévaster encore. Les demi-mesures sont toujours mortelles dans les dangers extrêmes. (On applaudit.) La nation entière est plus facile à ébranler qu'une partie de la nation, Si vous demandez cent mille hommes, peut-être ne les

trouverez-vous pas ; si vous demandez des millions de républicains, vous les verrez se lever pour aller écraser les ennemis de la liberté. (Mémes applaudissemens.) Le peuple ne veut plus d'une guerre de tactique, où des généraux traîtres et perfides sacrifient impunément le sang des citoyens. Décrétez que le tocsin de la liberté sonnera dans toute la République à une heure fixe. Qu'il n'y ait d'exception pour personne. Que l'agriculture seule conserve les bras nécessaires à l'ensemencement des terres et aux récoltes. Que le cours des affaires soit interrompu ; que la grande et universelle affaire des Français soit de sauver la République; que les moyens d'exécution ne vous inquiètent pas. Décrétez seulement le principe; nous présenterons au comité de salut public les moyens de faire éclater la foudre nationale sur tous les tyrans et leurs esclaves. (On applaudit à plusieurs reprises.)

La Convention ordonna le renvoi de cette adresse au comité de salut public pour en faire le rapport séance tenante. — Voicí ce rapport:

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Barrère, au nom du comité de salut public. Je viens vous faire le rapport de la pétition des envoyés des assemblées primaires. Les généraux français ont méconnu jusqu'à présent le véritable tempérament national. L'irruption, l'attaque soudaine sont les moyens qui lui conviennent. Ce n'est point à des Français à aller dans les camps mollir dans l'oisiveté, et attendre une attaque qui réussit toujours. C'est à nous à attaquer, à foudroyer les troupes des tyrans; voilà la première pensée qu'ont eue les envoyés du peuple et votre comité. Je n'ai pas besoin de m'étendre sur les motifs du projet de décret que nous vous présenterons; il suffit de dire que la guerre des rois n'est qu'un tournois qu'ils font durer à leur gré, tant que la patience du peuple la leur permet. L'irruption, l'inondation de la liberté, qui couvre des flots bouillonnans du courage et du patriotisme les hordes ennemies, et renverse en un instant les digues du despotisme : telle est l'image de la guerre de la liberté.

› Votre comité vous propose aujourd'hui de faire une décia

ration solennelle, au nom du peuple français, il vous présentera demain les moyens militaires; vous décréterez l'organisation d'un commissariat nouveau, qui, joint au premier, va régulariser les mouvemens du peuple français; de ce peuple qui enfin, indigné de voir les tyrans envahir son territoire pour lui donner des fers, fait retentir de toutes parts le vœu de réunir ses efforts pour écraser de sa masse tous ses ennemis.

› Les tacticiens jouent un jeu de calcul et de combinaisons, et quand on en multiplie les chances, les plus adroits l'emportent. Les Romains étaient tacticiens, ils conquirent le monde esclave; les Gaulois libres, sans autre tactique que leur impétuosité, leur rudesse et leur courage, détruisirent l'empire des Romains: c'est ainsi que l'impétuosité française fera tomber ce colosse de la coalition des puissances. Quand un grand peuple veut être libre, il l'est, pourvu que son territoire lui fournisse les métaux avec lesquels on forge les sabres et les piques. Voici le projet de décret.

› Le peuple français déclare, par l'organe de ses représentans, qu'il va se lever tout entier pour la défense de son indépendance, de sa liberté, de sa Constitution, et pour délivrer son territoire de la présence des despotes et de leurs satellites.

> Les commissaires des assemblées primaires feront, en conséquence, toutes les réquisitions d'armes et de subsistances.

› Les autorités constituées marcheront à la tête du peuple : elles seront remplacées provisoirement par des citoyens d'un patriotisme reconnu.

› Les commissaires ne pourront, dans aucun cas, choisir ni conserver aucun des administrateurs qui auraient coopéré à des arrêtés liberticides, ni même ceux qui ont donné leur rétractation.» Ce projet de décret fut adopté au milieu des plus vifs applaudissemens.

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Plusieurs discussions consécutives furent encore nécessaires pour arrêter les détails de mise en œuvre de ce projet. Le décret définitif ne fut présenté que le 25 août par le comité de salut Bublic; il fut adopté en ces termes :

• La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète:

› Art 1". Dès ce moment, jusqu'à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la République, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées.

» Les jeunes gens iront au combat; les hommes mariés forgeront des armes et transporteront des subsistances; les femmes feront des tentes, des habits et serviront dans les hôpitaux; les enfans mettront les vieux linges en charpie, les vieillards se feront porter sur les places públiques pour exciter le courage des guerriers, la haine des rois et l'unité de la République.

› II. Les maisons nationales seront converties en casernes, les places publiques en ateliers d'armes, le sol des caves sera lessivé pour en extraire le salpêtre.

» III. Les armes de calibre seront exclusivement confiées à ceux qui marcheront à l'ennemi; le service de l'intérieur se fera avec les fusils de chasse et l'arme blanche.

> IV. Les chevaux de selle seront requis pour compléter les corps de cavalerie ; les chevaux de trait, autres que ceux employés à l'agriculture, conduiront l'artillerie et les vivres.

› V. Le comité de salut public est chargé de prendre toutes les mesures pour établir, sans délai, une fabrication extraordinaire d'armes de tout genre, qui réponde à l'état et à l'énergie du peuple français; il est autorisé en conséquence à former tous les établissemens, manufactures, ateliers et fabriques qui seront jugés nécessaires à l'exécution des travaux, ainsi qu'à requérir pour cet objet, dans toute la République, les artistes et les ouvriers qui peuvent concourir à leurs succès; il sera mis à cet effet une somme de 30 millions à la disposition du ministre de la guerre, à prendre sur les 498 millions 200,000 liv. d'assignats, qui sont en réserve dans la caisse à trois clefs. L'établissement central de cette fabrication extraordinaire sera fait à Paris.

› VI. Les représentans du peuple envoyés pour l'exécution de la présente loi, auront la même faculté daus leurs arrondissemens respectifs, en se concertant avec le comité de salut public; ils

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