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public, fit un rapport qui semblait la contre-partie des paroles que l'on vient de lire. Il fit décréter d'abord la dissolution des forces, départementales, pure et vaine formalité, car tout le monde connaissait l'illégalité de ces forces et les mauvais sentimens de ceux qui les composaient; mais elles n'inspiraient à personne la moindre crainte. Barrère déclara ensuite que la situation de la République s'améliorait chaque jour; que les traîtres étaient arrêtés; que les égarés rentraient dans le devoir; que la Constitution était acceptée. Il communiqua plusieurs lettres, dont une renfermait les détails d'un nouveau coup qu'allait frapper le cabinet de Londres. « Un citoyen inconnu, dit Barrère, a envoyé un paquet à votre président, avec cette inscription: « L'amour de la patrie m'a fait soustraire cette lettre à un ⚫ homme qui est malheureusement mon parent; tirez-en le part > le plus utile; mais n'exigez ni mon nom, ni le sien ». — Vous verrez par cette lettre la suite et la confirmation des trames du ministère anglais. La voici :

• Dunkerque, 1er août. La poste n'étant plus sûre, je vous › écris par occasion, et la chose en vaut bien la peine. Je suis › instruit par mon banquier de Londres, que si le cabinet de › Londres ne peut pas parvenir, d'ici au mois de septembre, à » occasionner un grand mouvement dans la République, par ⚫ la dépréciation des assignats et la hausse progressive des den

rées, le ministre doit tenter un dernier coup qui doit infailli›blement réussir. A la fin de septembre, tous les banquiers de Londres, d'Amsterdam, de Vienne, de Hambourg doivent ⚫ suspendre tout paiement. Aucun effet ne sera acquitté ; et lors » du recours sur ceux qui les auront tirés, il faudra dans toute › la France suspendre également les paiemens. Cette suspension ⚫ subite opérera un ébranlement général dans toutes les fortunes, > et un bouleversement dans votre République, qui doivent diriger les puissances vers le but où elles veulent en venir. Il » est temps que tous les honnêtes gens se prêtent à des mesures › qui peuvent sauver notre malheureux pays, qui ne peut exister › sans roi, et qui, dans l'état de république, bouleverserait tous

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⚫ les royaumes. (On applaudit. Tous les membres de l'Assemblée et les commissaires des assemblées primaires qui remplissent la séance se lèvent avec enthousiasme; les cris unanimes de Vive la République se font entendre à plusieurs reprises. Les plus vifs applaudissemens succèdent à cet élan d'enthousiasme.)

Barrère reprend la lecture: Et qui dans l'état de république › bouleverserait tous les royaumes et écraserait le commerce, › qui heureusement ne se prête point à cet affreux gouverne› ment. Instruisez tous les banquiers de votre connaissance de › ce nouveau plan. Des courriers secrets sont envoyés dans > toutes les places de France. D'ici là, faites toujours en sorte › de discréditer de plus en plus les assignats. Si la confiance › venait à reprendre, tout serait perdu. Puisqu'il n'est plus si › aisé de tromper le peuple, au moins faites en sorte qu'il ne soit pas désabusé sur ce point important.

› Accréditez surtout les revers de la Vendée; les dernières › levées parisiennes nous servent admirablement. Le système de > terreur qu'elles répandent en fuyant constamment devant > l'ennemi, rend ce noyau bien intéressant; car, si les volontaires s'avisaieut de tenir bon, l'exemple des Sables et de Luçon, » où ils ont triomphé, nous serait fatal. Signé, M. T. ›

P. S. Nous avons des émissaires répandus dans le Nord, » pour empêcher les habitans des campagnes de se lever en › masse, et cela réussit à merveille. ›

Barrère annonça encore une violation du droit des gens, par le gouvernement autrichien, sur la personne de Sémonville, ambassadeur à Constantinople, et sur celle de Maret, ministre plénipotentiaire à Naples. L'un et l'autre se rendant, par Venise, à leurs postes respectifs, avaient été arrêtés avec leur famille et leur bagage, au village de Novate, et transportés, liés et garrottés, au château de Gravedona, sur les bords du lac de Coïre.

La plus importante des lettres analysées par le rapporteur était celle des administrations de l'Aisne, où se trouvait confirmée la nouvelle de l'investissement de Cambray. Les ennemis s'avançaient à grands pas sur Saint-Quentin : « Déjà, continua

Barrère; les femmes, les enfans, les vieillards du Catelet sont réfugiés dans cette ville qui offre peu de ressources si elle est attaquée. L'ennemi voulant pénétrer dans ce département, pour y enlever toutes les moissons qui approvisionnent l'armée, les administrateurs ont sur-le-champ fait mettre en arrestation tous les ci-devant nobles, les femmes et enfans des émigrés, les hommes inciviques et suspects; et ils demandent un endroit près Paris où l'on puisse les envoyer, et les tenir de si près qu'ils ne puissent plus conspirer contre la patrie. On a ordonné le recensement dans trois jours des hommes et des armes, la formation des compagnies de canonniers, d'exercer la jeunesse aux évolutions militaires, de disposer les hommes pour marcher à la première réquisition. On a aussi invité le peuple de l'Aisne à se lever en masse. Un commissaire est allé à La Fère constater l'état de l'arsenal, et tenir des voitures prêtes pour faire refluer sur Laon tout ce que contient cet établissement, dans le cas où l'ennemi pénétrerait plus avant. Les dépôts et la garde nationale sont requis de se porter sur Saint-Quentin; les armes manquent et les campagnes retiennent encore beaucoup de bras. On va faire rentrer dans l'intérieur les bestiaux et les moissons; mais il faut frapper un grand coup, et l'impulsion donnée au peuple, par les administrateurs, n'est pas assez forte; il faut qu'elle parte d'une source plus rapide; il faut un mouvement tellement éclatant, qu'il communique l'étincelle à tous les cœurs et les embrasse du feu sacré de la patrie; il faut en un mot, que Paris se lève encore une fois, il faut bloquer l'ennemi devant Saint-Quentin (On applaudit.), sans quoi la patrie est perdue. ›

Après Barrère, vint une députation des fédérés, demandant l'arrestation générale des gens suspects, et qu'il ne fût point accordé d'amnistie aux coupables. Cette pétition appuyée par Fayolle, Danton et Robespierre, fut convertie en décret. On décréta, aussi, en principe, sur la proposition de Danton, que les 8,000 envoyés des assemblées primaires seraient investis, de tous les pouvoirs nécessaires, pour faire, dans leurs départemens respectifs le recensement des armes, des munitions, des

chevaux, et la requisition des hommes pour le recrutement. Barrère présenta, le 14, la rédaction de ce décret dont le but principal était maintenant de charger les fédérés de faire un appel au peuple, et de réchauffer l'esprit public. Danton loua le rapport du comité; mais il déclara qu'il n'avait pas tout dit: • Si les tyrans mettaient notre liberté en péril, s'écria-t-il, nous les surpasserions en audace, nous dévásterions le sol français avant qu'ils pussent le parcourir; et les riches, ces vils égoïstes, seraient les premiers la proie de la fureur populaire. » (Vifs applaudissemens.). Il demanda, et fit décréter la nomination de commissaires pris dans le sein de la Convention pour se concerter avec les délégués des assemblées primaires. Ce fut dans cette réunion qu'on prépara les grandes mesures du 17 août.

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Le 15, la Convention entendit le rapport de Cambon sur la dette publique, qu'il divisait en trois natures de créance: Dette constituée, emprunts à termes, et dette étrangère; il proposait de convertir tous les contrats des créanciers de l'état en ùne inscription sur un grand livre, qui serait appelé grand livre de la dette publique. Nous donnerons, dans notre analyse des travaux organiques de la Convention, un aperçu sur ce travail dont les dispositions furent adoptées, et qui fonda une institution en vigueur depuis cette époque. A cette même séance, Barrère, au nom du comité de salut public, fit décréter, comme moyen d'assurer les subsistances de Paris, que les propriétaires, fermiers, possesseurs ou détenteurs de grains, qui en seraient réquis par les commissaires de la Convention, déposeraient quatre quintaux de grains par charrue, à peine d'être traités en ennemis publics et arrêtés sur-le-champ.

Ce n'étaient là que des délibérations qu'on aurait pu différer sans péril, tandis que les principales étaient ajournées jusqu'àprès l'initiative dont on avait laissé au peuple le soin et la responsabilité. Cependant il devenait urgent de se décider. De mauvais exemples étaient donnés impunément. Plusieurs députés, tels que Dupin, J. B. Leclerc et Moreau, avaient envoyé leur démission, motivée sur ce que l'assemblée avait épuisé son

mandat. Coren-Fortier, qui était du nombre des démissionnaires, ne tarda pas à reprendre ses fonctions. A Paris, le fédéralisme n'était pas entièrement étouffé. Le 12 août, on annonça aux Jacobins que les aristocrates insultaient et assaillaient les patriotes dans la section de la Butte-des-Moulins. Le porteur de cette nouvelle réclamait le secours de quelques-uns de ses frères. > - Tous! Tous! s'écria-t-on. Au reste, c'était là un dernier effort des amis de la Gironde, car, le 18 août, la section du Mail qui s'était le plus distinguée avec celle de la Butte-desMoulins par sa résistance aux Jacobins, vint à la barre de la Convention, demander la peine de mort contre quiconque oserait proposer une amnistie en faveur des fédéralistes, et que son nom fût changé en celui de section de la Montagne.

Du 12 au 16, les Jacobins discutèrent l'adresse que la Convention attendait. Divers modes pour la levée en masse proposée par Royer, curé de Châlons-sur-Saône, y furent développés. Celui de l'auteur consistait en ce que tous les citoyens fussent armés, et que les aristocrates, enchaînés six par six, fussent mis à la première ligne, pour éviter les dangers du sauve qui peut. Le 14, comme plusieurs citoyens demandaient que les fédérés emportassent dans leurs départemens des pouvoirs presque illimités, Robespierre en prit occasion pour dire ce qu'il pensait de la levée en masse, et pour insister sur les moyens de salut qu'il estimait les plus efficaces.

Robespierre. Il est impossible de charger individuellement d'une mission publique des hommes qu'on ne connaît pas assez encore. Je regrette que nos frères des départemeus ne restent pas assez long-temps avec nous pour que nous puissions déterminer et executer ensemble les moyens qui nous restent de sauver la patrie. Je déclare que cette idée magnanime, mais peutêtre enthousiaste d'une levée en masse, est inutile; que ce ne sont pas les hommes qui nous manquent, mais bien les vertus des généraux et leur patriotisme.

Il est une classe d'hommes qu'il faut spécialement surveiller,

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