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> est doux de le supposer quand on aime, les morts conservent › quelque sentiment pour ceux qui vivent, je viens vous dire, » au nom de tous vos amis que vous avez laissés sur le sol de › la France, que nous sommes prêts à nous dévouer à votre › exemple, impatiens d'atteindre l'ennemi et de continuer votre > valeur, afin qu'on dise que vous étiez vraiment nos proches, et › que votre cœur s'en réjouisse ; je viens vous dire que nous tâche› rons même de vous surpasser; car si nous ne faisions que con› sommer le fond de gloire que vous avez légué, si nos vertus ne > luttaient pas avec les vôtres, notre infériorité contristerait vós › månes. La mort moissonne également le làche et le brave: › quand la destinée nous rappellerait près de vous comment pour> rions-nous supporter votre accueil? Une voix terrible s'écrierait: > vous comballiez cependant pour la justice et pour la liberté! Non, chers citoyens! guerriers magnanimes! Nous serons di> gnes de vous; nous n'aurons à recevoir que vos embrassemens, › vos éloges; nous vous aurons vengés! Nous vous raconterons › que nos mains ont achevé votre ouvrage ; que vos armes, dont › nous avons hérité, étaient invincibles; que la République > triomphe, cette République qui à elle seule tient tête à tous les › tyrans, à toutes les viles passions conjurées, à tous les peuples › qui se déshonorent ; cette République que l'humanité a chargée › de sa cause, et qui doit sauver l'univers ! »

› Telle était la marche, tels étaient les objets et les tableaux offerts aux regards du peuple souverain dans l'inauguration de la République française. Jamais la liberté ne s'était montrée plus auguste aux siècles et aux nations; le peuple a été grand et majestueux comme elle.

Signé: HÉRAULT-SÉCHELLES, président; AMAR, LEONARD BOURDON, FAYAU, AUDOUIN, THIRION, DARTIGOEYTE, Secrétaires. >

La fête fut terminée par un repas frugal; le peuple, dit le Républicain français, n° CCLXIX, assis fraternellement sur l'herbe et sous des tentes pratiquées à cet effet au pourtour de l'enceinte, a consommé avec ses frères la nourriture qu'il avait apportée. A

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dix heures du soir, une salve d'artillerie a annoncé la représentation d'une pantomime intitulée : le Bombardement de la ville ue

Lille.

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Maintenant que la Constitution était sanctionnée par le peuple, et l'union des départemens avec la capitale mise sous le sceau àu serment, les actes du pouvoir allaient être revêtus d'un caractère national incontestable. Aussi c'était au lendemain du 10 août qu'on avait ajourné toutes les grandes mesures de salut public. .La Convention ne prit pas l'initiative: elle accueillit au contraire. dès le début de la séance du 11, une proposition presque conforme au vou témoigné par quelques fédérés, et qui était la dernière espérance des Girondins; nous voulons parler de sa propre dissolution. Lacroix (d'Eure-et-Loir) vint dire à la tribune: Nous avons été envoyés ici pour deux objets principaux d'abord pour juger le dernier de nos tyrans, et ensuite pour donner une constitution au peuple français. Louis Capet a été jugé et puni. Nous avons présenté la Constitution républicaine hier elle a été acceptée par les commissaires des assemblées primaires. Notre mission est remplie; mais vous avez à détruire les calomnies qu'on repand contre vous. Les administrateurs fé téralistes disent que vous voulez vous perpétuer : si l'acceptation de la Constitution n'eût pas changé le mode d'élection, nous pourrions être reinplacés sur-le-champ; mais vous avez à connaître la population par cantonnement. Je demande que les administrations de district en envoient l'état à la Convention, qui, d'après un rapport de son comité de division, convoquera de suite les assemblées primaires. ›-Cette motion fut convertie en décret. La Convention reçut ensuite les commissaires des assemblées primaires, apportant le faisceau de l'unité et de l'indivisibilité, et l'arche constitutionnelle. L'assemblée entière se leva et resta découverte.' Un de ses membres prit la parole: < Citoyens, dit-il, j'aperçois ici un signe de la constitution qui vient d'être proscrite. Je demande qu'en présence de celle qui vient d'être adoptée par le peuple français le vieil oriflame soit brisé. « Aussitôt, au milieu des applaudissemens, des citoyens

détachèrent cette bannière de la voûte et en jetèrent les lambeaux dans la salle. Alors la députation fut entendue.

L'orateur des commissaires. Citoyens représentans, l'amour du peuple français pour la liberté s'est manifesté hier avec la majesté qui convient à un grand peuple; toutes les affections se sont déployées, toutes les ames se sont agrandies, le Ciel a souri à notre allégresse, la terre en a tressailli, les trônes se sont ébranlés, et l'espèce humaine a fait un grand pas vers sa régénération.

› Aujourd'hui, nous venons placer au milieu de vous l'acte constitutionnel que vous confiâtes hier au peuple souverain, et sous la sauvegarde de ses vertus. Puisse sa présence vous rappeler la grandeur de votre mission! Ah! si jamais l'aveugle fortune pouvait favoriser les crimes des tyrans, au point que leurs satellites vinssent à Paris, représentans, jetez les yeux sur cette arche sainte ; souvenez-vous que vous en êtes comptables à la nation, à l'univers; souvenez-vous que votre devoir est de mourir plutôt que de souffrir qu'une main sacrilége... (Tous les membres: Oui, oui.)

› Et toi, peuple, peuple grand et magnanime, ne perds jamais de vue que ta force est dans ton union; que ce faisceau soit ton premier attribut, qu'il soit la consolation de la vertu, le désespoir du crime, et le gage assuré de la liberté du monde. »

Le président répondit : « Commissaires du peuple français, votre présence dans le temple national est le complément de l'auguste cérémonie que nous avons célébrée hier sous la voûte du ciel, dans le champ de la Réunion. Quelle époque que celle où tant d'hommes, confondus dans la même opinion, se seirent et s'embrassent, au nom des droits de la justice et de la nature, dont ils viennent de rétablir entre eux l'empire! Dépositaires du vœu de vos concitoyens, chargés de venir le manifester ici, vous étiez dignes de cette mission. Ce souvenir honorera votre vie, et chacun de nous comptera parmi ses jours fortunés celui où il a été témoin de ce spectacle immortel. Dites à ceux qui vous ont envoyés que la Convention est heureuse et fière de l'approbation

de tous les Français; dites-leur que rien ne peut nous désunir, que nous sommes éternellement identifiés, comme le faisceau que vous venez de déposer ici.

Et toi, monument sacré, arche sainte, protectrice de cette vaste République, reste à jamais au milieu de nous, nos yeux y liront notre devoir. Non, tu ne peux pas périr; car tout Français a juré de recevoir la mort, plutôt que de souffrir qu'il te soit porté atteinte, et tous les jours nous t'offrirons le tribut des larmes, de l'amour et du sang des Français. >

A côté de cette séance, que déshonorait la proposition de Lacroix, et où un reste amoindri du spectacle de la veille jeta en la traversant un reflet de grandeur, plaçons la séance des Jacobins, ou, pour mieux dire, le discours que Robespierre y prononça, le 11 au soir.

Robespierre. Amis de la liberté, je viens vous avertir que le moment est arrivé de connaître la vérité tout entière, de sauver la patrie par tous les moyens qui nous restent.

› Des circonstances particulières m'ont mis à même de connaître des vérités terribles, que ceux qui ne sont pas dans la même position ne peuvent deviner. Quelque mesure que vous premiez, si elle n'est que partielle, elle n'est qu'un palliatif dangereux. Vos armées ont éprouvé de nouveaux revers; vos cnnemis reprennent une nouvelle audace; tout cela tient à la même cause, à la scélératesse, à la trahison d'une part, à la faiblesse, à la crédulité de l'autre. La trahison, la scélératesse sont chez vos ennemis; et vous, patriotes, trop de faiblesse et de crédulité vous perdra.

› Les ennemis extérieurs n'auraient jamais entamé votre territoire, je dis plus, ils n'auraient jamais pensé à y porter leurs armes, s'ils n'eussent compté sur les traîtres que vous nourrissez.

>> Ce qui doit nous ranimer, c'est que le succès de nul d'entre eux n'est dû à son courage ou à ses talens; toujours la trahison les leur fit obtenir; c'est elle qui leur fit occuper nos villes;

CONVENTION NATIONALE.

toutes nos places fortes, toutes ont été livrées. (On entend de violens murmures.)

› Il me paraît qu'on ne m'a pas compris ; je n'ai pas voulu dire que toutes fussent au pouvoir de l'ennemi, mais que toutes celles qui furent prises depuis Longwi ne sont passées sous sa domination que par la plus noire et la plus incroyable perfidie. De toutes parts nous avons été trahis, livrés par ceux qui avaient envahi notre confiance.

› Ce qui doit nous étonner, c'est qu'après tant d'échecs, c'est qu'avec tant d'ennemis conjurés contre elle, la République subsiste encore, et, puisqu'elle existe, j'en conclus qu'elle est immortelle. (Applaudissemens.)

› Elle est dans des circonstances bien difficiles, il ne faut pas que vous l'ignoriez. Le mal en est venu à un grand point de gravité; il empire tous les jours, et sera bientôt peut-être incurable; cependant fixons aussi nos regards sur le remède.

› Il en est; mais pour les employer, d'abord, il faut connaître notre véritable situation ; elle ne peut effrayer que des lâches, et ceux-là doivent être relégués parmi les aristocrates. (Applaudissemens.) Ce que la société doit savoir, c'est que les traîtres en partant nous ont laissé leur esprit.

› Dumourier a commandé nos armées jusqu'à ce jour, et toujours ses plans, ses projets, ont été exécutés à la lettre; on s'est bien gardé d'en changer même la marche, cela aurait pu dérouter les Autrichiens. Il a livré les millions, les armes et les hommes; les plus zélés défenseurs de la République, tout est devenu la proie de l'ennemi.

> Il a disparu : les hommes superficiels ont cru que la trahison était déconcertée. Non, il avait des successeurs. Voyons s'ils ont profité de son exemple.

› Custine a amo celé dans Mayence les canons, les munitions, de toute espèce, et tout a été donné aux Autrichiens. Sa trahison est la même; elle ne diffère que par le nom des villes qui ont été prises et pillées.

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