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à l'exécution de cet arrêté, et de faire saisir tous ceux qui s'opposeront à son exécution. ›

La veille de la fête, le Journal de Paris, n° 221, publiait le fait suivant:

⚫ Une citoyenne ayant averti la section de la Halle au blé, que des marchands d'argent étaient logés, hôtel de Tours, rue Notre-Dame-des-Victoires, où l'on prétendait qu'était le numéraire, il n'y fut d'abord rien découvert; deux autres commissaires ayant remarqué que l'intérieur des voitures était moins vaste que ne semblait le permettre leur contour extérieur, on fit venir un sellier qui, après avoir décousu le cuir qui les doublait, trouva une espèce de portefeuille, dans lequel étaient cinquantesept sacs de 12,000 livres en écus de six livres, et plusieurs autres sacs en autre monnaie d'argent; plus, trois mille six cent louis en or. Duménil, propriétaire de cet argent, absent alors, rentra dans ce moment, et reconnut la somme en argent, mais se trompa sur celle en or. Les commissaires firent transporter ce numéraire à la trésorerie nationale, dont ils tirèrent un récépissé. Le total de la somme est de 155,447 livres. ›

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Le 10 août 1795, fut une grande et solennelle journée. Combien d'espérances. et combien de souvenirs y furent célébrés! C'était l'anniversaire d'une insurrection qui dominait et celles qui l'avaient précédée, et celles qui l'avaient suivie, et celles qui pouvaient encore la suivre, les unes comme ses préparations, les autres comme ses complémens; c'était une manifestation de l'unité nationale en des circonstances où elle subissait les plus redoutables épreuves; c'était l'anniversaire du triomphe du peuple sur le principe du droit de la naissance, et l'inauguration du principe de la fraternité. Nous ne conserverions de la Révolution française que l'histoire de quelques-unes de ses fêtes, qu'elle suffirait pour nous démontrer la foi profonde dont les œuvres de nos pères furent animées. Sans doute, si cette foi eût été mieux comprise, l'art eût été plus digne d'elle, et au lieu de chercher ses inspirations dans le passé, il eût inventé des formes nouvelles, il eût créé des expressions qui auraient réagi

sur le milieu social avec une puissance incalculable. Et cependant, malgré la fausseté des moyens, malgré ces copies de la Grèce et de Rome, qui étaient plus contradictoires à la France révolutionnaire que les pompes féodales elles-mêmes, malgré ce culte pantheistique de la nature et du bonheur, négation formelle du dévouement, le sentiment de l'époque fut tel qu'il rendit sublimes des imitations et des contresens. Tout fut vrai, parce que le sentiment était vrai; sous ces images et sous ces symboles tirés des archives du paganisme, le peuple n'entendit que les dogmes chrétiens qu'il avait dans le cœur. Quel enseignement pour ce peuple dont aucun sacrifice n'étonnait l'abnégation, si au lieu de figurer processionnellement à ses yeux les quatre années qui venaient de s'écouler, on eût évoqué sa tradition tout entière, si l'on eût disposé en autant de stations les principaux dévouemens accomplis, pendant quinze siècles de nationalité, pour frayer la route difficile qui conduit au but assigné à nos ancêtres par le christianisme. Le temps n'était pas

encore venu.

PROCÈS-VERBAL de la Fête nationale du 10 AOÛT 1793, consacrée à l'inauguration de la Constitution de la République française. Président, Hérault-Séchelles; ordonnateur, David.

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Une constitution toute populaire, rédigée avec concision et de bonne foi, présentait enfin sans mélange ces vérités éternelles, ces lois simples qui, en garantissant aux hommes l'intégrité de leurs droits, peuvent seules fonder une République. La voix de la nature et des maximes, pour être senties, n'ont pas besoin de longues discussions, et les Français, répandus sur un territoire de trente-cinq mille lieues carrées, avaient adopté par les mêmes acclamations l'acte constitutionnel; de tous les départemens de la France accouraient dans Paris les envoyés des assemblées primaires pour transformer sur l'autel de la patrie toutes les acceptations particulières en une grande acceptation géné rale, Le génie des arts avait présidé à l'ordonnance des détails de

cette inauguration de la République, qui devait être comme le triomphe de l'égalité et la fête de la Nature.

› Le 10 août 1793 était marqué pour cette époque de la France et du genre humain.

› La Convention nationale, les envoyés des assemblées primaires, les autorités constituées de Paris, les sociétés populaires et le peuple étaient convoqués, comme au point du départ de la marche, au vaste emplacement où fut la Bastille. L'instant de la réunion était fixé à l'apparition des premiers rayons du soleil, et l'accomplissement de la régénération de la France était ainsi associé à ce lever de l'astre du jour, qui fait tressaillir de joie la

nature.

› Dans l'emplacement de la Bastille était encore confusément disséminée une partie de ses ruines; des inscriptions gravées sur les débris de cette forteresse de la tyrannie rappelaient l'histoire des victimes que les despotes y ont si longtemps entassées. Sur une pierre on lisait ces mo's: il y a quarante-quatre ans que je meurs; sur une autre : la vertu conduisait ici; sur une troisième : le corrupteur de ma femme m'a plongé dans ces cachots; ailleurs : je ne dors plus; plus loin: mes enfans! ô mes enfans (1)! Cette histoire des forfaits du despotisme, lue sur des pierres mutilées par la hache de la liberté, portait à la fois dans les ames des impressions douloureuses, attendrissantes, et le soulagement d'une joie recueillie et profonde. C'est avec ces émotions que tous les regards se tournaient vers une statue colossale de la Nature, élevée au milieu de ces mêmes ruines. L'aspect de cette statue, les emblèmes dont elle était entourée, le caractère antique et majestueux de sa figure, l'inscription écrite sur sa base, nous som

«Des

(1) Le procès-verbal ne rappelle qu'une partie des inscriptions. Voici celles qui s'y trouvent omises : « Un vieillard a baigné cette pierre de ses larmes. » > enfans avides me conduisirent ici. » - Cette pierre n'a jamais été éclairée. » Je n'ai jamais été consolé. » — « Je suis enchaîné depuis quarante ans à > cette pierre. » — « Ils ont couvert mes 'raits d'un masque de fer. » - << Sartine » sourit à mes maux.-Lasciate ogni speranza voi ch'entrate.-«Je fus oubl é. » > - O mon ami! » - «L'enfer a vomi les rois. » — « L'enfer a vomi les pré> tres, »-« On écrasa sous mes yeux mon araignée fidèle. » ( Note des auteurs.)

mes tous ses enfans, tout répandait au loin l'idée sensible de la grandeur de la nature et de sa bienfaisance. De ses mamelles, qu'elle pressait de ses mains, s'épanchaient dans un vaste bassin deux sources d'un eau pure et abondante, images de son inépuisable fécondité.

› Le bruit des canons, prolongé en écho dans les airs, s'est fait entendre; une musique douce, des chants harmonieux et civiques sont sortis du milieu de ce tonnerre de la liberté, et le président de la Convention nationale, placé devant la statue de la Nature et la montrant au peuple, a porté ainsi la parole:

« Souveraine du sauvage et des nations éclairées, ô Nature! > ce peuple immense, rassemblé aux premiers rayons du jour › devant ton image, est digne de toi; il est libre! C'est dans ton » sein, c'est dans tes sources sacrées qu'il a recouvré ses droits, › qu'il s'est régénéré: après avoir traversé tant de siècles d'er> reurs et de servitude, il fallait rentrer dans la simplicité de tes › voies pour retrouver la liberté et l'égalité. O Nature ! reçois › l'expression de l'attachement éternel des Français pour tes

lois, et que ces eaux fécondes qui jaillissent de tes mamelles, › que cette boisson pure qui abreuva les premiers humains, con› sacrent dans cette coupe de la fraternité et de l'égalité les ser. » mens que te fait la France en ce jour, le plus beau qu'ait › éclairé le soleil depuis qu'il a été suspendu dans l'immensité de > l'espace! ›

>

» A la suite de cette espèce d'hymne, seule prière, depuis les premiers siècles du genre humain, adressée à la nature par les représentans d'une nation et par ses législateurs, le président a rempli une coupe de forme antique de l'eau qui tombait du sein de la nature; il en a fait des libations autour de la statue; il a bu dans la coupe, et l'a présentée à ceux des envoyés du peuple français qui, par leur âge, avaient obtenu de porter la bannière sur laquelle était écrit le nom de leurs départemens respectifs. Tous, en même nombre que les départemens, ont monté successivement les degrés qui conduisaient autour du bassin, et, dans un ordre déterminé par la hasard du rang alphabétique, ils

sont approchés de la coupe sainte de l'égalité et de la fraternité. En la recevant des mains du président, qui ensuite leur a donné le baiser fraternel, l'un lui disait: Je touche aux bords de mon tombeau; mais en pressant cette coupe de mes lèvres je crois renaître avec le genre humain, qui se régénère. Un autre, dont les vents faisaient flotter les cheveux blanchis, s'écriajt: Que de jours ont passé sur ma tête! O Nature, je te remercie de n'avoir pas terminé ma vie avant celui-ci! Un autre, comme s'il eût assisté à un banquet des nations, et qu'il eût bu à l'affranchissement du genre humain, disait en tenant la coupe : Hommes, vous êtes tous frères! Peuple du monde, soyez jaloux de notre bonheur, et qu'il vous serve d'exemple! Que ces eaux pures, dont je vais m'abreuver, s'écriait un autre, soient pour moi un poison mortel si tout ce qui me reste de la vie n'est pas employé à exterminer les ennemis de l'égalité, de la Nature, et de la République ! Un autre, saisi d'un esprit prophétique en s'approchant de la statue: O France! la liberté est immortelle ! Les lois de ta République, comme celles de la Nature, ne périront jamais! Tous, profondément émus par le spectacle qu'ils avaient sous les yeux et par le spectacle qu'ils donnaient eux-mêmes, étaient pressés du besoin de répandre par la parole les sentimens dont leur ame était remplie.

› A chaque fois que la coupe passait d'une main dans une autre, les mouvemens électriques d'une joie solennelle se mêlaient au bruit des canons.

Quand cette cérémonie, qui rappelait d'une manière si auguste et qui ramenait en quelque sorte les premiers jours du genre humain, a été accomplie, la foule immense ́s'est mise en mouvement, et a pris par les boulevards la marche qui lui était tracée.

› Ce cortège d'une nation régénérée à la liberté, et rendue à la nature, était commencé par les sociétés populaires, par ces sociétés qui ont si puissamment concouru à cette régénération. Leur bannière présentait un œil ouvert sur des nuages qu'il pénétrait et qu'il dissipait; emblème ingénieux, signe rassurant et

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