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c'est qu'un homme qui s'est mis sous notre sauvegarde, en venant franchement dans notre sein, devait y être à l'abri de toute insulte. Si Pitt et Cobourg avaient trouvé moyen de s'y introduire, jugeriez-vous à propos de les ménager? comment traiterez-vous leurs agens? Je m'en tiens à ma proposition, et j'y en ajoute une autre nécessitée impérieusement par les circonstances, c'est qu'on fasse de nouveau le scrutin épuratoire de tous les membres de cette assemblée, et que celui-ci ne soit plus, comme les autres, illusoire ou abusif; mais qu'il entraîne et balaie tous les hommes suspects, faibles ou incertains, tous ceux qui ne marchent pas dans la voie du républicanisme d'un pas fermé et décidé. » (Applaudi.) Cette proposition fut adoptée.

Pendant que les Jacobins arrêtaient un scrutin épuratoire, les Cordeliers employaient leurs dernières séances du mois de juillet à d'extravagantes cérémonies. Le 28, ils firent, en grande pompe, la translation du cœur de Marat. Hébert, qui était cordelier, insista long-temps à la Commune (séance du 27 juillet), pour que le conseil-général assistât tout entier à cette fête. Il n'y fut envoyé qu'une députation de douze membres. Le cœur de Marat et celui de Verrière furent provisoirement suspendus à la voute du club. Ce Verrière était l'avocat que nous avons vu plaider pour Marat en 1791, à l'époque de ses grandes dénonciations contre les mouchards de La Fayette, et à l'occasion du procès en calomnie que lui intenta Étienne, dit Languedoc. On se rappelle que Marat gagna son procès, et que Verrière, s'il faut en croire Camille Desmoulins, égaya fort l'audience en comparant sa bosse à celle de Mathon de la Varennes, défenseur de Languedoc. Ces deux avocats étaient en effet bossus.

Le culte de Marat commença aux Cordeliers par l'apostrophe suivante, que nous a conservée le Journal de la Montagne, no 65 : Les yeux élevés vers l'urne qui contenait le cœur de l'ami du peuple, un membre du club s'écria: «Restes précieux d'un dieu! serons-nous donc parjures à tes mànes! Tu nous demandes vengeance, et tes assassins respirent encore! Réveillez-vous, Corde

liers! il est temps. Courons venger Marat; courons essuyer les larmes de la France éplorée. ‹ - Nous suivons attentivement les traces de ces hommes qui font peser encore, aux yeux de tant de la solidarité de leur athéisme ou de leur ignoble idolâtrie sur les révolutionnaires jacobins.

AOUT.

La Convention nationale signala sa séance du 1er août, par le nombre et l'énergie de ses décrets. C'était une conclusion générale dictée par les désastres de toute espèce dont la France venait d'être accablée pendant le mois de juillet. Le dernier jour de ce mois, il avait encore fallu envoyer le général Lamarlière au tribunal révolutionnaire.

A la suite du rapport de Barrère sur la capitulation de Valenciennes, la Convention adopta à l'unanimité les décrets suivans:

Premier décret. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète ce qui suit:

ART. Ier. Elle confirme la nomination faite par le comité de salut public, et l'envoi des citoyens Billaud-Varennes et Niout, en qualité de représentans du peuple dans les départemens du Pas-de-Calais et du Nord, et les investit de pouvoirs illimités pour prendre toutes les mesures de sûreté générale nécessaires au succès de leur mission; ordonne aux autorités constituées et à la force armée d'exécuter leurs arrêtés et d'obéir à toutes leurs réquisitions.

› II. Les ministres, les corps administratifs et les municipalités, sont particulièrement chargés de donner sur-le-champ les ordres plus précis pour la surveillance la plus sévère de tous les ports, arsenaux, magasins, et autres établissemens nationaux, et des caisses publiques.

› III. La déclaration de Charrier (1), la lettre anglaise et les no

(1) Voir à la fin du volume la déclaration de Charrier.

tes anglaises renfermées dans le portefeuille déposé au comité de salut public, seront envoyées par des couriers extraordinaires à tous les départemens, ainsi que le rapport du comité de salut public, et il en sera délivré six exemplaires à chaque député.

› IV. La Convention nationale dénonce, au nom de l'humanité outragée, à tous les peuples, et même au peuple anglais, la conduite lâche, perfide et atroce du gouvernement britannique, qui soudoie l'assassinat, le poison, l'incendie, et tous les crimes pour le triomphe de la tyrannie, et pour l'anéantissement des droits de l'homme.

› V. Les biens de toutes les personnes qui ont été et qui sont hors de la loi, par décret de la Convention, sont déclarés appartenir à la République.

› VI. Marie-Antoinette est renvoyée au tribunal extraordinaire; elle sera transférée sur-le-champ à la Conciergerie.

› VII. Tous les individus de la famille Capet seront déportés hors du territoire de la République, à l'exception des deux enfans de Louis Capet et des individus de la famille qui sont sous le glaive de la loi.

› VIII. Élisabeth Capet ne pourra être déportée qu'après le jugement de Marie-Antoinette.

› IX. Les membres de la famille Capet qui sont sous le glaive de la loi, seront déportés après le jugement s'ils sont absous.

X. La dépense des deux enfans de Louis Capet sera réduite à ce qu'il est nécessaire pour l'entretien et la nourriture de deux individus.

XI. Les tombeaux et mosolés des ci-devant rois, élevés dans l'église de Saint-Denis, dans les temples et autres lieux, dans toute l'étendue de la République, seront détruits le 10 août prochain. ›

Second décret. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de salut public, décrète ce qui suit : > ART. Jer. Le ministre de la guerre donnera sur-le-champ les

ordres nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste dans la Vendée. Il sera mis à cet effet, à la disposition du ministre de la guerre, 3 millions pour l'exécution de

cette mesure.

› II. Il sera procédé à l'épurement de l'état-major et des commissaires des guerres de l'armée des côtes de la Rochelle, pour leur subtistuer des officiers généraux et des commissaires d'un patriotisme prononcé.

» III. Les généraux de l'armée de la Rochelle tiendront la main à l'exécution rigoureuse des lois rendues contre les déserteurs, les fuyards, les traîtres, et ceux qui jettent les armes et vendent leurs habits.

› IV. L'organisation des compagnies de pionniers et des ouvriers sera accélérée; ils seront choisis dans les communes les plus patriotes.

» V. Les généraux feront un choix pour former des corps de tirailleurs et de chasseurs intrépides.

› VI. Il sera envoyé par le ministre de la guerre des matières combustibles de toutes espèces pour incendier les bois, les taillis et les genêts.

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› VII. Les forêts seront battues, les repaires des rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées par les compagnies d'ouvriers pour être portées sur les derrières de l'armée, et les bestiaux seront saisis,

› VIII. Les femmes, les enfans et les vieillards, seront conduits dans l'intérieur; il sera pourvu à leur subsistance, à leur sûreté, avec tous les égards dus à l'humanité.

› IX. Il sera pris des mesures par le ministre de la guerre pour préparer tous les approvisionnemens d'armes et de munitions de guerre et de bouche de l'armée qui, à une époque prochaine, fera un mouvement général sur les rebelles.

› X. Aussitôt que les approvisionnemens seront faits, que l'armée sera réorganisée, et qu'elle sera prête à marcher sur la

Vendée, les représentans du peuple se concerteront avec les adnistrations des départemens circonvoisins qui se sont maintenues dans les bons principes, pour faire sonner le tocsin dans toutes les municipalités environnantes, et faire marcher sur les rebelles les citoyens depuis l'âge de seize ans jusqu'à celui de soixante.

, XI. La loi qui expulse les femmes de l'armée sera rigoureusement exécutée. Les généraux en demeurent responsables. › XII. Les représentans du peuple, les généraux, veilleront à ce que les voitures d'équipages, à la suite de l'armée, soient réduites au moindre nombre possible, et ne soient employées qu'au transport des effets et des matières strictement nécessaires.

› XIII. Les généraux n'emploieront désormais pour mots d'ordre que des expressions patriotiques, et que les noms des anciens républicains ou des martyrs de la liberté, et dans aucun cas le nom d'aucune personne vivante.

» XIV. Les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la République, il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui seront demeurés fidèles à la patrie, des pertes qu'ils auraient souffertes.

XV. Le présent décret sera envoyé sur-le-champ au pouvoir exécutif, au ministre de la guerre et aux représentans du peuple, près l'armée des Côtes de la Rochelle. »

Troisième décret. « La Convention nationale décrète que les étrangers des pays avec lesquels la République est en guerre, et non domiciliés en France, avant le 14 juillet 1789, seront mis sur-le-champ en état d'arrestation, et les scellés apposés sur leurs papiers, caisses et effets; charge la commission des Six de lui présenter demain un projet de loi sur les étrangers en général. ›

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Quatrième décret. La Convention nationale décrète que les barrières de Paris seront fermées sur-le-champ, pour empêcher la sortie de tous ceux qui ne justifieront pas d'une mission publique.

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